L’héritier de la richissime philanthrope de New York, Brooke Astor, risque 25 ans de prison. Il est accusé d’avoir escroqué sa mère, décédée en 2007 à 105 ans.

Que penserait la «grande dame» de New York de ce déballage de souvenirs ? Des plus nobles aux plus scabreux, la vie privée de la millionnaire est disséquée dans ses moindres détails au procès de son fils, Anthony, qui doit durer jusqu’à l’été. L’héritier de 84 ans est accusé d’avoir profité de la sénilité de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, pour lui subtiliser au moins 50 millions de dollars, destinés en héritage à des œuvres de charité.

Le procès a déjà vu défiler plusieurs grands noms de la haute société new-yorkaise, parmi lesquels Annette de la Renta, l’épouse du couturier, et Nancy Kissinger, celle de l’ancien chef de la diplomatie américaine, mais aussi le personnel de maison et les médecins de la millionnaire. La question est de savoir si Brooke Astor, elle-même héritière de la dynastie Astor ayant fait fortune dans la fourrure et l’immobilier au début du XXe siècle, avait toute sa tête lorsqu’elle a modifié son testament à 101 ans pour léguer toute sa fortune à son fils Tony. Dans la version précédente, il ne devait hériter que de maigres intérêts.

Pour le procureur général, l’histoire de Tony, le fils mal-aimé né d’un premier mariage malheureux, alors que Brooke Astor n’avait que 17 ans, est une «affaire d’amour du gain» et de «vengeance». «Ils ont littéralement arraché Mme Astor des mains de l’infirmière (…) et l’ont attirée derrière la porte pour lui faire changer son testament», a déclaré le procureur à l’ouverture du procès. Il faisait référence à Tony, à son ancien avocat coaccusé et à son épouse, Charlène, qui a pourtant échappé à une inculpation. Cette femme, déjà divorcée d’un pasteur, décrite par ses défenseurs comme une épouse aimante et par ses détracteurs comme royalement haïe par Brooke Astor, est aux yeux de l’accusation l’instigatrice de toute l’affaire.

Abus de faiblesse

Depuis la mort de la millionnaire en 2007, de nombreux détails sur les conditions de vie sordides dans lesquelles Tony et son épouse auraient laissé décrépir la vieille dame ont fait la une des journaux new-yorkais, sans être confirmés pour l’instant au procès. Mais jusqu’à présent, les récits des témoins corroborent souvent la thèse de l’abus de faiblesse. Annette de la Renta, Nancy Kissinger, l’ancien directeur du Metropolitan Museum of Art Philippe de Montebello et d’autres, racontent tour à tour la déchéance mentale de leur proche et bienfaitrice, qui ne se souvenait plus «qui elle était», «où elle était» ni «à qui elle parlait». Au dîner offert pour son 100e anniversaire par David Rockefeller, elle avait demandé à son voisin qui était Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU.

L’affaire fait les choux gras de la presse tabloïd, qui adorait Brooke Astor. De son vivant, la légendaire philanthrope se faisait souvent conduire par son chauffeur dans les quartiers pauvres de New York pour distribuer, savamment, ses richesses.

Ironiquement, le New York Times rappelait récemment une autre histoire de manipulation et d’héritage dans la famille Astor, résolue par un paiement de 250 000 dollars, il y a 50 ans. Brooke, elle-même, avait alors été accusée par son beau-frère d’avoir changé le testament de son mari.

New York, Adèle Smith

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