Mathieu Szeradzki (lefigaro.fr)

Des magistrats du royaume sont soupçonnés d’avoir mis en place un système de corruption et de faux en écriture. Une affaire qui ne semble pas étrangère à celle du scandale Fortis.

La Belgique est-elle à l’aube d’un scandale judiciaire sans précédent ? C’est en tout cas toute la justice belge qui vacille après les révélations du quotidien économique flamand De Tijd. Le journal rapporte dans son édition de jeudi que la police judiciaire soupçonne des hauts magistrats du royaume d’avoir mis en place un système de corruption et de faux en écriture. Elle accuse aussi le parquet de Bruxelles et celui de la Cour de cassation de vouloir entraver son enquête pour protéger ces magistrats, raison pour laquelle le ministre de la Justice a été directement saisi.

Ce dernier, Stefaan De Clerck, a confirmé jeudi «avoir reçu un courrier de la part de la police judiciaire fédérale de Bruxelles» et assuré «suivre attentivement le déroulement de ce dossier». «L’enquête étant en cours, aucune déclaration ne peut être faite», a précisé la porte-parole du ministre. Le chef de la police judiciaire, Glenn Audenaert, a de son côté confirmé au Soir la véracité des informations concernant le mécanisme de corruption à l’œuvre dans la magistrature. Et le système était bien rôdé.

Toute débute en 2004 par une perquisition chez un avocat, Robert Peeters, soupçonné de malversations. Ce dernier aurait exercé un chantage sur des hommes d’affaires, les menaçant de rendre public l’existence de leur argent noir. L’avocat aurait bénéficié pour ce chantage de l’aide systématique de juges et de conseillers à la cour d’appel. Ces derniers auraient, selon les enquêteurs, prononcé des jugements et des arrêts permettant d’envoyer des huissiers à ces entrepreneurs, afin de les mettre sous pression. Les magistrats et conseillers concernés auraient alors touché au passage de l’argent en remerciement de leur collaboration.

La présidente du tribunal de commerce de Bruxelles visée

Là où l’affaire prend une plus grande ampleur, c’est lorsqu’on apprend que l’un de ces juges est Francine de Tandt, actuelle présidente du tribunal de commerce de Bruxelles. Or, c’est cette magistrate qui avait, en novembre 2008, estimé justifiée, dans l’intérêt de toute l’économie du pays, la décision du gouvernement belge d’adosser le bancassureur Fortis à BNP Paribas, déboutant la plainte de milliers de petits actionnaires qui avaient vu fondre leurs investissements. Sa décision avait ensuite été cassée par la cour d’appel de Bruxelles, qui avait donné raison aux petits actionnaires, prolongeant la saga Fortis de plusieurs mois. La presse avait alors parlé de «Fortisgate» tant les conséquences politiques de l’affaire furent importantes.

Les répercussions que pourraient avoir aujourd’hui ce scandale judicaire sont considérables. Si ce dossier, caché au public depuis des années, éclate au grand jour, «les conséquences pour la crédibilité de la magistrature seront incalculables», explique De Tijd.

Visée en premier lieu, Francine de Tandt a assuré au Standaard être l’enjeu d’une mise en scène et n’être au courant d’aucune des accusations portées contre elle. Robert Peeters, l’avocat suspecté de fraude, s’est lui aussi vertement défendu au micro de RTL.be : «C’est ridicule, ce sont des allégations qui arrangent bien certaines personnes, qui veulent mettre en cause des jugements que Mme De Tandt a rendus», explique-t-il. Selon lui, les décisions de justice prononcées par Francine De Tandt et qui n’ont pas fait l’objet d’appel, pourraient bénéficier d’une réouverture, si la présidente est reconnue coupable des faits aujourd’hui mis à l’instruction.

La révélation en décembre que des membres de cabinets ministériels avaient pris contact avec des magistrats impliqués dans les dossiers Fortis, tant en première instance qu’en appel, avait entraîné les démissions du premier ministre Yves Leterme et du ministre de la Justice, Jo Vandeurzen. En mars, une commission d’enquête parlementaire avait conclu qu’en agissant de la sorte, ces collaborateurs avaient bien «mis en péril» le principe de la séparation des pouvoirs entre le judiciaire et l’exécutif. Le terme de corruption n’avait toutefois jusqu’ici jamais été prononcé.

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