le 21/1/2010 à 18h15 par Kyoko HASEGAWA (AFP)
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La guerre est ouverte entre la majorité de centre-gauche et le parquet au Japon après le lancement d’une enquête sur un scandale politico-financier qui vise, selon le pouvoir, à l’affaiblir.
La cible de l’enquête en cours est le tout-puissant secrétaire général du Parti Démocrate du Japon (PDJ), Ichiro Ozawa, artisan de l’arrivée au pouvoir en septembre du Premier ministre Yukio Hatoyama. Les enquêteurs, qui ont perquisitionné ses bureaux et interpellé trois de ses collaborateurs, le soupçonnent d’avoir accordé des marchés à des entreprises de BTP en l’échange de pots-de-vin de plusieurs millions d’euros et d’avoir “blanchi” cet argent en faisant acheter un terrain à Tokyo par l’intermédiaire de son fonds de soutien.
M. Ozawa, 67 ans, surnommé “le shogun de l’ombre” et considéré par beaucoup d’observateurs comme plus puissant que le Premier ministre lui-même, clame son innocence et s’interroge sur les motivations réelles des enquêteurs. “J’ignore s’ils ont agi de façon intentionnelle, mais les interpellations ont coïncidé avec la convention de notre parti et je ne peux absolument pas tolérer cela”, a-t-il dit, ajoutant que cela risquait de “jeter une ombre sur la démocratie de la nation”.
“Une guerre ouverte entre les enquêteurs et le parti au pouvoir”
Le Premier ministre, qui est lui aussi dans le collimateur de la justice pour avoir utilisé illégalement l’argent de sa famille afin de financer sa campagne électorale, a exprimé son soutien à M. Ozawa et l’a encouragé à “se battre” contre le parquet. M. Hatoyama a toutefois nié avoir tenté de faire pression sur les enquêteurs.
“C’est une guerre ouverte entre les enquêteurs et le parti au pouvoir”, a commenté Tomoaki Iwai, professeur de sciences politiques à l’Université Nihon. “Ils resserrent l’étau sur Ozawa.” “Ce genre de scandale se règle généralement par une simple rectification de la liste des dons politiques, a-t-il souligné. Il est rare de voir des interpellations.” Sadafumi Kawato, professeur de sciences politiques à l’Université de Tokyo, estime lui aussi qu’on assiste à “une enquête sans précédent”. “Les enquêteurs ne se sont jamais attaqués dans le passé à une personnalité en place de cette envergure. S’ils ne parviennent pas à inculper M. Ozawa, le fonctionnement du parquet sera certainement remis en question”, a-t-il déclaré.
Grâce à l’habilité de ce vétéran de la politique nippone, le PDJ a réussi à ravir le pouvoir aux conservateurs du Parti Libéral-Démocrate (PLD) qui dirigeaient le Japon depuis 54 ans en s’appuyant sur les grands conglomérats et la bureaucratie, une tradition avec laquelle le nouveau gouvernement de centre-gauche a promis de rompre.
Ozawa, irremplaçable gourou du Parti démocrate
Le cabinet-conseil en risques politiques Eurasia Group, basé à New York, a placé cette semaine M. Ozawa à la troisième place sur la liste des hommes politiques les plus influents de la planète, derrière le Premier ministre chinois Wen Jiabao et le président américain Barack Obama. “M. Ozawa ne détient pas de portefeuille, mais c’est l’homme le plus influent au sein du PDJ, où il contrôle les finances, la stratégie électorale et la sélection des candidats en tant que secrétaire-général”, a-t-il relevé.
Le scandale qui l’éclabousse aujourd’hui pèse également sur la popularité du gouvernement, qui a chuté sous la barre des 50% dans les sondages, mais beaucoup pensent que la mise à l’écart d’Ozawa serait un coup encore plus dur pour le parti au pouvoir à quelques mois des élections sénatoriales de juillet. “M. Ozawa est l’architecte de la politique du PDJ et son gourou en matière électorale”, a rappelé M. Kawato. “Personne au sein du parti ne pourrait le remplacer.”
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