LE MONDE | 09.12.09 | 14h04  •  Mis à jour le 10.12.09 | 07h20

eudi 10 décembre, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) devait nommer le procureur général de Paris, Laurent Le Mesle, au poste de premier avocat général à la Cour de cassation.Une nomination qui a un effet en cascade sur les postes les plus politiques de la magistrature. Il a en effet prévu que la place laissée vacante par Laurent Le Mesle revienne au procureur de Paris, Jean-Claude Marin, qui, lui-même, serait remplacé par Philippe Courroye, procureur de Nanterre. Petit grain de sable dans cette mécanique bien huilée, plusieurs voix mettent en garde le président de la République sur la nomination de Philippe Courroye.

Annoncé depuis longtemps, ce passage a été retardé pour permettre à Jean-Claude Marin de soutenir l’accusation contre Dominique de Villepin dans le procès Clearstream. En janvier 2010, elle interviendrait au moment où la ministre de la justice, Michèle Alliot-Marie, doit présenter son avant-projet de réforme de la procédure pénale, qui prévoit la suppression du juge d’instruction pour confier l’ensemble des enquêtes au parquet. La nomination d’un ami du président de la République au poste le plus sensible de la magistrature pourrait alors raviver le débat sur le manque d’indépendance du parquet.

Le mandat de Philippe Courroye a été traversé par plusieurs polémiques qui ont mis au jour la vie mondaine de cet ancien juge d’instruction à la réputation austère. Il a organisé chez lui un déjeuner avec le PDG de Casino, Jean-Charles Naouri, l’avocat du groupe Paul Lombard et l’un des patrons de la police financière, Patrick Hefner, muté après la révélation de ce déjeuner. La justice enquête en effet sur une plainte pour abus de biens sociaux d’actionnaires minoritaires du groupe.

M. Courroye s’est pour le moment défendu en indiquant que le dossier Casino n’était pas instruit à Nanterre mais son argument tombe s’il arrive à Paris, où est instruite l’affaire. La révélation dans Le Monde des 17 et 18 mai d’un dîner en compagnie de Jacques Chirac durant l’été 2008, alors qu’une affaire visant l’ancien président était à l’instruction à Nanterre, a déjà suscité le malaise et risque, là encore, de réapparaître au moment où M. Chirac comparaîtra devant un tribunal correctionnel en 2010.

“Je n’ai de leçon d’indépendance à recevoir de personne”, assure pourtant à l’envi Philippe Courroye, qui met en avant les mises en examen d’Alain Carignon ou de Pierre Bédier, alors qu’il était secrétaire d’Etat à la justice.

A ce grain de sable vient s’adjoindre un grippage institutionnel. M. Courroye est devenu procureur de Nanterre début 2007 contre l’avis du CSM, principalement parce qu’il n’avait jamais dirigé un parquet et qu’il avait une faible expérience du ministère public. C’est la même instance qui émet un avis sur la nomination du procureur de Paris.

Or, depuis que s’est engagé le projet de réforme de la procédure pénale, le gouvernement n’est jamais passé outre un avis négatif du CSM. Il s’évertue à en convaincre les membres en amont, comme en a témoigné le revirement de cette instance sur la mutation forcée du procureur général de Riom, Marc Robert, à la Cour de cassation.

“Le président entend ces avertissements”, explique un magistrat proche de Nicolas Sarkozy. L’Elysée décidera en janvier 2010 si le processus est confirmé ou s’il faut prévoir un plan B et nommer un autre procureur. Formule qui obligerait M. Courroye à attendre des jours meilleurs.

Pour élargir encore un peu ce jeu de chaises musicales, la nomination de M. Le Mesle, jeudi, devrait s’accompagner de celle de Jacques Mouton comme président de chambre à la Cour de cassation, pour diriger la chambre criminelle. Mais là encore, l’affaire est moins simple qu’il n’y paraît et la nomination d’un avocat général à l’un des plus hauts postes de juges du siège suscite la colère à la Cour de cassation.

La chaîne continue avec le passage de la directrice des services judiciaires, Dominique Lottin à la présidence de la cour d’appel de Douai. Elle pourrait être remplacée par Martine Ceccaldi, procureur général de Poitiers, ou Rémy Heitz, procureur de Metz. Son départ sera suivi d’autres changements à la chancellerie.

Quant au directeur de l’administration pénitentiaire Claude d’Harcourt, il pourrait céder sa place au procureur général de Versailles, Jean-Amédée Lathoud, et celui des affaires criminelles et des grâces, Jean-Marie Huet, à Maryvonne Caillibotte, actuelle conseillère du premier ministre… si elle n’est pas nommée procureur de Nanterre.

Alain Salles
Article paru dans l’édition du 10.12.09
1 réponse
  1. Or
    Or dit :

    De toute façon ils ne peuvent pas faire la lumière sur toute l’affaire parce que de gros enjeux sont présents. Je ne suis pas sûr que le verdict ne cache pas un secret plus lourd ?!…

    Répondre

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