Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, s’indigne des déclarations de Brice Hortefeux qui “bafoue le principe de la division des pouvoirs”.

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Que pensez-vous de la prise de position de Brice Hortefeux ?

– Quand il affirme, vendredi 10 décembre, que la décision du tribunal de Bobigny concernant les peines de prison contre sept policiers est “disproportionnée“, le ministre de l’Intérieur vient interférer dans les décisions de justice. Par ces déclarations, Brice Hortefeux se substitue au juge et s’érige en Cour d’appel, c’est inacceptable. En mélangeant les pouvoirs judiciaires et exécutifs, le gouvernement amorce la fin de l’indépendance de la justice. Le principe de la démocratie, qui repose sur la division des pouvoirs, est bafoué. Ce n’est pas le rôle d’un ministre de se laisser aller à de tels commentaires. Il peut certes soutenir les policiers dans les moments difficiles mais pas se permettre ce genre de jugement.

Roger-Gérard Schwartzenberg accuse Brice Hortefeux d’avoir “enfreint la Constitution et le code pénal”. Qu’en pensez-vous ?

– Le président d’honneur du Parti Radical de Gauche dénonce à juste titre le non-respect de l’article 434-25 du code pénal [selon lequel “le fait de chercher à jeter le discrédit publiquement sur une décision juridictionnelle dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de plus de 6 mois d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende”, NDLR]. Des poursuites pénales pourraient être engagées contre le ministre de l’Intérieur. En revanche, notre syndicat reste méfiant sur cet article. Il est en effet dangereux car il peut être sujet à une réduction de la liberté d’expression. Nous préférons débattre plutôt que de parler de réelle infraction pénale, ce n’est pas notre cheval de bataille.

Est-ce une première dans le gouvernement Sarkozy que de constater des attaques de la justice ?

– La prise de position de Brice Hortefeux n’est pas une première.  Au mois d’octobre, un policier avait tué un gitan à Saint-Aignan et le ministre lui avait apporté son soutien. L’inaugurateur de cette tradition nocive est Nicolas Sarkozy. En 2005, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, il avait contesté la décision d’un juge qui avait remis en liberté un criminel dans l’affaire Cremel. Aujourd’hui, c’est devenu un sport national de critiquer l’indépendance de la magistrature. Ces dénonciations politiques des décisions de justice sont utilisées, à mon sens, à des fins électorales. Il s’agit de monter le peuple contre les juges.

Interview de Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, par Colombe Dabas

(Samedi 11 décembre 2010)

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