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Le malaise de la magistrature autour de l’affaire Mamodtaky n’est pas près de s’estomper. Car on apprend aujourd’hui que le procureur général Raymond Doumas attaque, dans son mémoire destiné à la Cour de cassation, la décision de la cour d’assises en oubliant complètement les réquisitions de son avocat général à l’origine de ce que beaucoup appellent un scandale.
Les coupables du fiasco de l’affaire Mamodtaky ? Les trois juges professionnels de la cour d’assises, qui le 23 février dernier, ont décidé d’annuler toute la procédure et de remettre en liberté les quatre accusés de la tuerie de Fenoarivo. Au-delà des questions de droit, voilà ce qu’on peut retenir du mémoire produit par le procureur général Raymond Doumas pour demander à la Cour de cassation de « censurer la décision » de la cour d’assises. Dans ce document que nous sommes procurés, le chef du parquet général retient trois moyens de cassation. Et oublie totalement la position de son avocat général François Basset qui, à l’audience, avait requis la nullité de la procédure. Si bien que les arguments présentés dans ce mémoire sont en contradiction complète avec ceux développés lors du procès par le même parquet général. Ce qui n’a pas fini de faire jaser dans les enceintes de justice de la Réunion. Le premier moyen retenu par Raymond Doumas est de dire, en substance, que la cour d’assises ne pouvait pas oublier qu’une ordonnance de mise en accusation purge la procédure de tout vice éventuel, une disposition du code de procédure pénal qui n’est pas incompatible avec la Convention européenne des droits de l’homme. A l’audience, l’avocat général François Basset n’a pas vraiment soutenu la même chose. « Je reconnais le bien-fondé des griefs exposés par les avocats de la défense dans leur second mémoire et je demande à la cour d’en tirer toutes les conséquences nécessaires », avait-il requis en surprenant tout le monde, à commencer par les avocats de la défense à l’origine de la demande de nullité.
Le sentiment de malaise qui flotte autour de l’affaire Mamodtaky n’est pas près de s’estomper. Dans son mémoire adressé à la Cour de cassation, le procureur général Raymond Doumas (à droite) démonte les réquisitions de son avocat général François Basset.
Un ordre de la Chancellerie
Le second moyen touche à « l’affaire Demmer », cet enquêteur auquel il a été reproché d’avoir rencontré Anita Remtoula un mois avant sa plainte et donc commencé l’enquête sans aucun cadre légal et sans contrôle d’une autorité judiciaire. Là aussi, le procureur général considère que les juges se sont trompés. Selon lui, les accusés n’ont pas été privés d’un procès équitable au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme. Tout l’inverse des réquisitions à l’audience. Les agissements du policier « sont de nature à porter atteinte à un procès équitable », avait déploré l’avocat général. Même cas de figure pour le troisième moyen. Pour le procureur général, les juges ne pouvaient pas annuler toute la procédure en partant du fait que le capitaine Demmer avait rédigé la quasi-totalité des actes d’enquête qui ont été repris dans le dossier d’instruction. À coup sûr, le contenu de ce mémoire va renforcer un peu plus le sentiment de malaise et d’embarras de la magistrature dont une grande partie se demande bien comment une telle décision a pu être rendue. À l’époque, pas grand monde n’avait compris pourquoi le parquet général n’avait pas soutenu la procédure. Stupéfaite, la chancellerie avait ordonné à Raymond Doumas de se déjuger en effectuant un pourvoi en cassation. On comprend donc mieux pourquoi le parquet général s’est attaché à démonter son propre argumentaire juridique. C’est le 10 juin prochain que la Cour de cassation se penchera sur ce dossier hors normes qui ne manquera pas d’aiguiser la curiosité des hauts conseillers
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