Bousselham Jaaifri a fait appel de sa condamnation à 15 années de réclusion criminelle prononcée dans l’Eure en septembre dernier.
Bousselham Jaaifri, 28 ans aujourd’hui, comparaît ce matin devant la cour d’assises de Seine-Maritime, notamment pour tentative de meurtre. Il a fait appel de sa condamnation à 15 années de réclusion prononcée par la cour d’assises de l’Eure le 25 septembre dernier. Le verdict est attendu vendredi.
LES FAITS
En août 2004, une jeune femme, Virginie, aujourd’hui âgée de 27 ans, est interrogée par les enquêteurs. Elle vient dénoncer son concubin, Bousselham Jaaifri. Il aurait tenté de l’étrangler en avril et aurait voulu la noyer dans la Charentonne qui traverse Bernay en juin. Elle se plaint de violences régulières de la part de son compagnon. Elle évoque aussi une séquestration et des viols mais ces accusations, qui n’ont pas été étayées, ont fait l’objet d’un non-lieu.
L’ENQUETE
Rapidement, les enquêteurs placent le mis en cause en garde à vue. Il doit s’expliquer, d’autant que la victime, qui a été examinée par un médecin légiste, porte de nombreuses traces de coups. Il nie tout en bloc, explique ne l’avoir frappée qu’une seule fois parce qu’elle l’avait trompé et avait repris de l’héroïne, mais nie avoir voulu la tuer. Pour la médecine légale, Virginie a été victime de violences régulières. Depuis son interpellation, le mis en cause a été placé en détention.
LA VICTIME
Décrite comme étant réservée et effacée, Virginie, 27 ans, demeurant à Bernay au moment des faits, est selon l’expert psychologue une personne « souffrant d’un sentiment d’infériorité et de dévalorisation important ». Elle dit avoir subi des coups quotidiens de la part de l’accusé pendant neuf mois et avoir tenté de s’ouvrir les veines à plusieurs reprises après cela. Elle a été un temps dépendante à des produits stupéfiants. Elle souffre d’une sclérose en plaques. Elle aurait accepté de partager la vie de l’accusé, malgré les coups, parce qu’elle l’aimait : « Je voulais le changer, j’étais persuadée que j’y arriverai », a-t-elle déclaré lors du premier procès.
L’ACCUSE
Tapissier de son état, âgé de 28 ans, Bousselham Jaaifri a toujours nié avoir voulu tuer sa concubine. Décrit comme impulsif et violent, il a été déjà été condamné. Un rapport fait état de sa dangerosité criminelle et d’une incapacité totale à se remettre en cause. Il est aujourd’hui défendu par Me Pierre Jalet, du barreau de Bernay.
LE PREMIER PROCES
Dénonçant des « manques, des vides, des gouffres dans ces accusations », l’avocat de la défense, Me Etienne Noël, avait réclamé l’an dernier l’acquittement. Il a été partiellement entendu, les jurés de l’Eure acquittant Bousselham Jaaifri pour la tentative de meurtre par strangulation mais le reconnaissant coupable d’avoir essayé de noyer Virginie dans la Charentonne. Et coupable aussi de violences habituelles sur sa compagne, une personne particulièrement vulnérable. Il avait été condamné à 15 années de réclusion.
B. M.-C.
Source
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Etrangler, « c’était son jeu »
Virginie (ici avec Me Richard Sédillot) dénonce au moins trois tentatives de meurtre ( photo Stéphanie Jaume)
L’ex de Bousselham Jaaifri a raconté hier à la cour d’assises tout le mal que l’accusé, rejugé en appel, lui a fait de janvier à août 2004, à Bernay.
Les mains appuyées sur la barre de la cour d’assises à Rouen, Virginie s’accroche comme à un rocher. Elle tente sans vaciller de brosser le portrait de celui que son avocat, Me Richard Sédillot, appelle « bourreau ». « M’étrangler, c’était son jeu. »
Lorsqu’elle rencontre Bousselham Jaaifri en 2003 à Bernay, Virginie a 22 ans, comme lui. « Nous sommes sortis ensemble en décembre. Il était tout le temps chez moi de janvier à mars. Puis il a décroché une formation de tapissier à Tours. Moi, je devais passer mon brevet d’esthéticienne. Il m’a demandée de le suivre. J’étais très amoureuse… » Virginie sait que son compagnon a fait de la prison. « Cela a été très vite : je n’ai rien compris. C’est impensable d’avoir supporté tout cela. »
« Une dépendante »
Comme durant le premier procès l’an dernier à l’issue duquel l’accusé a été condamné à 15 ans de réclusion par la cour d’assises de l’Eure, la jeune femme dénonce plusieurs tentatives de meurtre. La première se serait produite le 10 avril 2004 : « Il est devenu fou. Sans savoir pourquoi, il a essayé de m’étrangler ». La dernière serait survenue le 7 juin de la même année : « Il m’a traînée jusque dans la Charentonne et a plongé ma tête dans l’eau ». Il y a aussi cet épisode sur lequel les juges n’ont pas à se prononcer, mais essentiel pour la défense, assurée par Me Pierre Jalet : « Alors qu’on rentrait tous les deux en voiture de Tours, il a pété un plomb. En voyant arriver une file de voitures en face, il a braqué mon volant à gauche. Le choc a été violent ». Virginie est indemne, Bousselham Jaaifri a une jambe cassée, mais le conducteur du véhicule percuté décède. « Il m’a demandé de faire une fausse déclaration, de dire que j’avais commis une faute d’inattention. » Devant l’accusé qui cache son visage moqueur dans un pull posé sur l’épaule – il conteste toutes ces accusations -, Me Jalet demande : « Pourquoi, dans votre journal intime, vous vous excusez de tout le mal vous avez fait à mon client ? C’est étonnant, si vous n’êtes pas à l’origine de l’accident ! ». L’avocat général Myriam Vervier soulève illico l’absence de dates dans les correspondances. Toutefois, celles-ci sont troublantes. Virginie ne cesse d’y clamer son amour pour celui qu’elle présente désormais comme un tortionnaire. « Je n’avais plus de cerveau », explique-t-elle. Virginie rappelle être « suivie par un psychologue depuis cinq ans. J’ai compris que j’étais « une dépendante ». Je l’ai été aux drogues (elle a pris de l’héroïne pour soulager sa sclérose en plaques, NDLR), puis à Bousselham Jaaifri. Il m’a conditionnée. Ces lettres sont farfelues, mais c’était mon état d’esprit en 2004. » Le procès se poursuit jusqu’à vendredi.
J. H.
Procès JAAIFRI