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ans le box du tribunal de Créteil, jeudi 30 avril, il est vêtu d’un survêtement bleu marine, comme l’uniforme qu’il portait jusqu’au 11 juin 2008. Ce jour-là, Pascal Sivera, 37 ans, avait mis comme tous les jours sa tenue de membre du corps d’élite de l’administration pénitentiaire, les ERIS (équipes régionales d’intervention et de sécurité), chargé d’intervenir dans les prisons, lors d’incidents graves. Il est allé à l’armurerie prendre un fusil à pompe, deux revolvers, deux grenades et des munitions, puis il s’est enfermé dans sa chambre, avec une bouteille de whisky, dans le foyer qui jouxte la prison de Fresnes, où vivent des surveillants.
Après avoir discuté avec ses supérieurs, il en est sorti en fin d’après-midi, avec tout cet arsenal, auquel il a ajouté les deux sabres de combat et le coupe-coupe, qu’il conservait chez lui. Il a dit qu’il voulait « mourir au combat ». Au tribunal, il raconte : « Deux trinômes de policiers m’attendaient, ça m’a mis en colère. J’ai pointé mes armes sur eux. » Il a tiré à plusieurs reprises, le plus souvent en l’air, sans atteindre personne.
« JE SAVAIS CE QUE JE FAISAIS »
L’affaire est jugée au moment où les agents pénitentiaires, menaçant d’un blocage des prisons à partir de lundi 4 mai, dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail et la pression croissante qu’ils subissent en raison de la surpopulation carcérale.
Les policiers venus témoigner expliquent : « On a compris qu’il voulait qu’on fasse le boulot à sa place. » C’était un scénario pour se tuer. En revenant dans le foyer, Pascal Sivera a tiré sur la porte du studio d’une autre surveillante, qui s’est constituée partie civile. Puis il est monté sur la terrasse pour tirer sur les surveillants du mirador : « Je les ai flashés avec le laser. »
Le prévenu parle posément en racontant cet après-midi de chien où il a craqué. « Je n’ai mis personne en danger. Je suis moniteur de tir. Si j’avais voulu tuer, il y aurait eu des morts. Il n’y a eu aucune victime, aucun blessé. Je savais ce que je faisais. » Il se tient droit comme un « i », trois heures durant, répondant parfois aux questions par un simple et militaire : « Affirmatif ».
Il a été pendant cinq ans parachutiste « engagé volontaire ». Devenu surveillant, il est bien noté, et reçoit deux fois des félicitations, après ses interventions dans les ERIS. Il travaille d’abord dans l’équipe cynotechnique, où il reçoit un blâme pour ne pas s’être occupé assez bien de son chien malade. Il le conteste. Mais d’autres ennuis avec sa hiérarchie viennent s’ajouter à ses soucis familiaux et, surtout, à ses énormes problèmes financiers : 35 000 euros de dettes.
« On m’a dit que les problèmes personnels et financiers ne regardaient pas l’administration pénitentiaire, indique-t-il. C’est un métier assez dur. On prend sur soi. Après, on s’étonne que des surveillants se suicident. » Le tribunal l’a condamné à quatre ans de prison dont deux avec sursis.
Alain Salles
Appel au blocage des prisons du 4 au 7 mai
Les trois syndicats de surveillants pénitentiaires (CGT, FO, Ufap) appellent à un « blocage progressif » des prisons du 4 au 7 mai, empêchant l’entrée et la sortie des prisonniers. Une rencontre avec Rachida Dati, jeudi 30 avril, qui a cédé sur de nombreuses revendications, n’a pas modifié leur détermination.
Article paru dans l’édition du 03.05.09