Val-d’Oise : l’accusé jugé hors du box vitré, une première aux assises

Marjorie Lenhardt; Fr. N et V. M|13 décembre 2017
Pontoise, ce mercredi. Voici le box sécurisé installé dans la cour d’assises du palais de justice. LP/Frédéric Naizot

En accédant à la demande de l’avocat de l’accusé, la cour d’assises a pris le parti d’un procès équitable et va ainsi à l’encontre d’une décision de la Chancellerie qui pourrait faire jurisprudence.

Le ministère de la Justice parle de boxes sécurisés, lui voit plutôt cela comme des « bocaux ». Ce mardi à l’ouverture d’un procès pour viol à Pontoise, Me Laurent Ivaldi a demandé à la cour d’assises du Val-d’Oise que son client soit jugé en dehors du box entièrement vitré réservé aux accusés. Malgré l’opposition du parquet, les juges ont donné leur accord. Ainsi, son client comparaît devant le pupitre de la défense, entouré de deux policiers, comme c’était prévu dans le box. Il s’agit « d’une décision exceptionnelle qui pourrait bien faire jurisprudence », selon Gérard Tcholakian, du Syndicat des avocats de France (SAF). « Petit à petit, c’est l’économie (de l’escorte policière, NDLR.) qui prend le pas sur la dignité du procès », craint-il.

La Chancellerie a effectivement choisi de généraliser l’usage de ces boxes au cours de l’été (voir encadré). C’est pourquoi les barreaux sont vent debout. Dans les Hauts-de-Seine, le bâtonnier Pierre-Ann Laugery et Me Fabien Arakelian ont d’abord demandé que les prévenus renvoyés en comparution immédiate soient jugés hors de ces « véritables cages de verre ». Les avocats de Créteil et d’Évryont fait de même ces derniers jours.

Des procédures entamées au civil

« Ces boxes vitrés posent des difficultés par rapport à la présomption d’innocence, au droit de la défense et des problèmes de communication avec son avocat », explique Me Laurent Ivaldi qui allait plaider pour la première fois aux assises dans de telles conditions. Des difficultés d’autant plus accentuées lors de ces procès compte tenu de la durée et du détail des débats mais aussi de la présence de jurés populaires. « L’impression produite sur eux est catastrophique, elle induit une image de peur », insiste-t-il. Son confrère représentant la partie civile est allé dans son sens faisant valoir la priorité des droits de la défense sur les exigences de sécurité : « l’accusé et son avocat devaient se contorsionner pour parvenir à se parler. Ces boxes entravent les relations entre la défense et son client », décrit-il.

Des procédures ont par ailleurs été entamées. Le barreau des Hauts-de-Seine a assigné la ministre de la Justice au civil, en référé, pour demander notamment la désignation d’un expert qui vérifierait la conformité, ou non, de ces box sécurisés. Le tribunal doit se prononcer le 21 décembre sur la désignation de l’expert. Versailles fera de même la semaine prochaine. Enfin, de son côté, le SAF a assigné la garde des Sceaux devant le tribunal de grande instance de Paris pour faute lourde et demande le retrait pur et simple de ces boxes. La décision doit être rendue le 15 janvier.

L’évolution du nombre des principaux incidents dans les tribunaux français

Des installations qui visent à « limiter les risques d’agression et d’évasion »L’installation des boxes a lieu au nom de la « sécurisation » des tribunaux. Elle s’inscrit dans le cadre du Plan de lutte Anti-Terroriste 2 et vise « à limiter les risques d’agression et d’évasion. Entre 2014 et 2016, les incidents en tout genre ont doublés (plus de 900 en 2016) . La sécurisation des boxes a été jugée prioritaire, explique un porte-parole de la garde des Sceaux. C’est dans ce contexte qu’une opération d’ampleur a été engagée en Ile-de-France… pour un coût d’environ 2 M€ ».

Ainsi, 18 boxes ont été « sécurisés » dans sept tribunaux de grande instance d’Ile-de-France (Créteil, Bobigny, Meaux, Melun, Evry et Nanterre). Versailles le sera d’ici à la fin de l’année. Les salles restantes à équiper le seront en 2018. De son côté, le parquet de Pontoise qui s’était prononcé contre la demande de l’avocat, confie que « ces dispositifs, plutôt que d’être supprimés, pourraient être améliorés en termes d’acoustique ou de communication ». Le ministère de la Justice précise que si une difficulté de sonorisation était constatée dans un box, il ferait l’objet d’un traitement.

la cour d’assises du Val-d’Oise explique sa décision

A l’issue du premier procès où l’accusé était jugé en dehors de « la cage en verre », la cour a rendu son ordonnance d’extraction qui explique ses motivations.

A l’issue d’un procès de trois jours pour viol, de mardi à jeudi, la cour d’assises du Val-d’Oise a rendu par écrit son ordonnance d’extraction, pour expliquer sa décision de juger l’accusé, qui a été condamné, en dehors du box vitré.

Elle avance trois arguments. Le premier repose sur l’aménagement du box lui-même qui est entièrement fermé par des vitres, dont les deux seules ouvertures sont deux bandes longitudinales, d’une hauteur de quinze centimètres chacune. «Un tel aménagement oblige l’accusé à une gesticulation particulière, tout aussi mal aisée que peu discrète et moins secrète, pour communiquer avec son avocat […] limite de manière significative la liberté de communication de l’accusé avec son conseil […] ce qui constitue une entrave à la liberté de sa défense», indique la cour.

Le second argument tient du fait que les parties civiles ont soutenu la demande de leur confrère. Le troisième fait valoir une atteinte à la dignité et des «conditions de comparution dégradantes devant ses juges» alors que l’accusé n’a jamais été condamné et qu’il présente un handicap.

Ce vendredi, un nouveau procès pour viol a démarré avec la même présidente, Isabelle Rome. L’accusé a d’office été placé à l’extérieur du box.

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