(Photo: AFP)
De notre correspondante aux Pays-Bas
La justice néerlandaise cherchera à démontrer que Mohammed Bouyeri, déjà condamné à la prison à vie en juillet dernier, n’a pas agi seul. Se trouve au coeur du procès qui commence ce lundi son appartenance à un réseau plus vaste, Hofstad (la cité de la cour de justice, hofstad en néerlandais), baptisé ainsi par la police en raison de ses bases à La Haye. Composé en majorité de jeunes Néerlando-marocains qui se seraient radicalisés au contact les uns des autres, ce réseau est accusé d’avoir «conspiré en vue de commettre des actes sérieux de terrorisme».
Comme ses comparses, Mohammed Bouyeri fait peur, aux Pays-Bas, par la violence de son acte et un fanatisme qui le pousse, encore aujourd’hui, à écrire des pamphlets contre l’islam modéré, depuis les quartiers d’isolement où il purge sa peine. Ce jeune islamiste radical incarne aussi un terrorisme «local» en contradiction totale avec l’esprit de tolérance de la société dans laquelle il a grandi. Si son rôle avant le meurtre de Theo van Gogh a été sous-estimé par les services secrets, qui avaient pourtant infiltré le réseau Hofstad, c’est qu’il avait très peu de contacts à l’étranger.
Contrairement à d’autres inculpés, comme Nourredin el Fatmi, 22 ans, arrêté et relâché au Portugal en 2004, ou encore Jason Walters, 19 ans, soupçonné d’avoir suivi une formation au Pakistan, Mohammed Bouyeri passait pour second couteau, un simple porteur de messages. Il a bien essayé de se rendre en Tchétchénie, mais il a été refoulé à la frontière russe et a dû faire demi-tour, a révélé le journaliste néerlandais Emerson Vermaat dans son livre De Hofstadgroep, paru en octobre 2005.
Le meurtre comme le plus haut but à atteindre
Central aux yeux de l’opinion néerlandaise, l’aspect purement «local» ou non du groupe sera minutieusement examiné au cours du procès. Et ce, d’autant plus que Mohammed Reha, un Belge d’origine marocaine arrêté le 16 novembre au Maroc, a affirmé avoir été en contact avec Samir Azzouz, qui aurait refusé la participation de combattantes basées en Belgique à un attentat suicide en préparation aux Pays-Bas.
En attendant le dénouement du procès, prévu pour le 24 février 2006, «la nationalisation du terrorisme semble relever d’une attitude très calviniste de remise en question de soi-même», critique le sociologue Paul Scheffer. «Comme le terrorisme allemand des années soixante-dix a pu être influencé par la guerre du Vietnam, ces jeunes musulmans sont très au courant de la situation en Tchétchénie, en Palestine ou en Irak, poursuit-il. Ils en tirent une motivation plus forte que les frustrations vécues ici, aux Pays-Bas».
Le procès s’est ouvert sur l’interrogatoire de Malika, proche du groupuscule. Elle fait partie des cinq jeunes femmes, parmi lesquelles des ex-épouses des inculpés, qui ont livré des témoignages compromettants pour eux à la police. En septembre, Malika avait affirmé que le groupe s’était radicalisé au cours de l’été 2004, et qu’il se rencontrait régulièrement chez Mohammed Bouyeri. Nawal, une autre jeune femme, a, quant à elle, confirmé les soupçons qui pèsent sur un Syrien de 43 ans, Redouan al-Issa. Leader présumé du groupe, il a quitté le pays le 2 novembre 2004, le jour du meurtre de Theo van Gogh, et s’est volatilisé depuis.
Nawal a aussi confessé que jusqu¹à une période récente, elle considérait le meurtre comme le plus haut but à atteindre, et se considérait capable d’assassiner une personnalité telle que Ayaan Hirsi Ali. Cette députée conservatrice d‘origine somalienne, partie en croisade contre l’islam après les attentats du 11 septembre, vit sous haute protection depuis le meurtre de son ami Theo van Gogh. Des menaces de mort explicites à son encontre avaient été laissées par Mohammed Bouyeri sur le corps de sa victime, dans une lettre transpercée d’un poignard.
par Sabine Cesso
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