NOUVELOBS.COM | 10.08.2009 | 15:03

Attaquer les journaux people pour défendre sa vie privée, c’est une question de principe, affirment les stars. Et ça peut rapporter gros.

Laurence Ferrari lors de son mariage avec Renaud Capuçon (Sipa).

Laurence Ferrari lors de son mariage avec Renaud Capuçon (Sipa).

143.000 euros pour Laurence Ferrari, 102.000 pour Claire Chazal, 75.000 pour Thomas Hugues… Non, ce n’est pas le salaire annuel des vedettes de la télé amputé par la crise. Plutôt leur argent de poche. C’est le montant des dommages et intérêts qu’ont touché en 2008 les journalistes stars grâce à des plaintes pour atteinte à la vie privée contre des magazines people. Faire la Une de Voici ou Ici Paris toute cellulite dehors et le cheveu douteux, ce n’est pas forcément agréable, mais ça peut rapporter gros. Et c’est devenu un vrai business.

Des dizaines d’assignations chaque mois

“Chacun a droit au respect de sa vie privée” : la France possède une des législations les plus strictes en la matière. L’article 9 du Code civil résonne aux oreilles des stars avec le doux cliquetis du tiroir-caisse. Cauet clame même que l’argent gagné grâce à ses plaintes lui permet de partir en vacances.

Une de Closer en septembre (DR)

Au total, en 2008, les magazines people auraient versé plus de deux millions d’euros de dommages et intérêts aux célébrités au titre d’atteinte à la vie privée et/ou au droit à l’image. Dont 790.000 pour le seul Voici (désormais n°2 des ventes derrière Closer), selon une enquête du Journal du net. Loïc Sellin, rédacteur en chef de l’hebdo people, confirme : “C’est au moins ça. Cela fait partie de nos frais de fonctionnement.” De tels chiffres aiguisent forcément les appétits. Chaque mois, des dizaines d’assignations s’entassent sur le bureau de l’avocat de Voici. Ce ne sont pas forcément les people eux-mêmes qui sont les plus vindicatifs, affirme la rédactrice en chef de Closer, Laurence Pieau. “Le samedi matin, jour de sortie des magazines people en kiosques, les avocats les feuillettent pour voir combien ils vont pouvoir gagner”, croit-elle savoir. “Souvent ce sont eux qui conseillent à leurs clients d’assigner, quand ils n’attaquent pas de leur propre chef, à la place du people.” Tout le monde veut sa part du gâteau. D’autant que celui-ci est devenu de plus en plus consistant avec l’apparition de nouveaux titres people dans les années 2000. A Voici, Gala, Ici Paris, France Dimanche et Point de vue se sont ajoutés Closer, Public, Oops!… Qui dit plus de magazines dit plus de photos et plus de dommages et intérêts. Qui attaque le plus ? “Tous. Nous ne sommes à l’abri de personne”, souligne Loïc Sellin.

Nanterre, ville chérie des people

Prix moyen d’une photo devant un tribunal : 5 à 10.000 euros, non imposables, sans compter le remboursement des frais d’avocat et de procédure, affirme Emmanuel Pierrat, lui-même avocat de plusieurs people. Mais l’addition peut très vite monter, le juge retenant plusieurs critères pour évaluer les dommages et intérêts. Ils dépendent de la notoriété sur le long terme de la célébrité, de la surface d’exposition (nombre de photos, présence en Une…), de ce qui est montré (une photo d’une star mangeant une glace ne “vaut” pas une sextape), mais aussi de l’attitude générale du people quant à sa vie privée. “A photo égale, la très discrète Catherine Deneuve gagnera bien plus qu’un candidat de télé-réalité, sachant que le fondement-même de ces jeux est de s’exposer et d’être filmé 24 h sur 24”, précise l’avocat.

Des candidates de l’Île de la Tentation (DR)

Défendre sa vie privée, c’est une question de principe, arguent la plupart des people. Qui se gardent bien cependant de se contenter d’un euro symbolique de dommages et intérêts comme ils pourraient le faire. “Pourquoi attaquent-ils au civil et pas au pénal ?” demande Loïc Sellin à Voici. “Parce que les dommages et intérêts y sont plus élevés! Ils gagnent au civil ce que des familles de victimes d’accidents de la route ou autres ne gagnent pas au pénal.” Le tribunal n’est en général pas choisi au hasard. La loi permet aux plaignants de saisir la juridiction de n’importe quelle ville, pour peu que le journal en cause y soit diffusé. Mais la quasi-totalité des affaires est jugée à Nanterre. La première chambre civile du tribunal de grande instance de la ville s’est en effet forgé au fil du temps la réputation d’être très généreuse en dommages et intérêts pour les stars. Et s’est transformée en “tribunal de la vie privée”. Manque de chance, les dernières nominations en date ont changé la donne. “Désormais, on ne gagne pas plus à Nanterre qu’à Paris”, assure Emmanuel Pierrat.

Ferrari au banc des accusés

Ce qui n’empêche pas les journaux people de dénoncer “un Loto gagnant presque à tous les coups”, comme le fait Loïc Sellin. Ces magazines invoquent le droit à l’information, et s’interrogent sur le préjudice réellement subi par les célébrités. “Révéler une liaison entre deux adultes consentants et célibataires, est-ce leur porter préjudice ? Annoncer le mariage d’une star trois semaines avant tout le monde, est-ce lui porter préjudice ?”, demande le rédacteur en chef de Voici. “On aimerait être attaqués sur ce fondement. On gagnerait alors sept procès sur dix.”

Ségolène Royal en Une de Voici en mai dernier (DR)

Préjudice nul le plus souvent, mais ambiguïté maximale de certaines stars, qui attaquent, mais mettent largement en scène leur vie privée pour faire parler d’elles quand cela peut les servir. “Les people ouvrent grand les portes quand ça les arrange, puis assignent quand cela ne va plus dans le bon sens”, dénonce Laurence Pieau. Ou quand des photos volées paraissent en même temps que d’autres, posées et négociées. “Cette semaine (entretien réalisé le 17 juillet, ndlr), Sophie Marceau et Christophe Lambert nous réclament 50.00 euros pour des photos qui les montrent dans la rue main dans la main, s’embrassant, avec une légende qui évoque un mariage possible. Et les mêmes posent ensemble en Une de Match“, tonne Loïc Sellin. “Certains jouent un double jeu, c’est vrai, mais d’autre sont très discrets et se retrouvent quand même photographiés”, tempère Emmanuel Pierrat.
Championne de l’ambivalence – et des dommages et intérêts en 2008, Laurence Ferrari s’est attirée les foudres des journaux people. Tout sourires en Une de Match aux côtés de son futur mari en avril, la présentatrice vedette du 20 heures avait quelques semaines plus tôt attaqué Voici pour des photos de leurs vacances. Bilan : 28.000 euros de dommages et intérêts. Une condamnation “démesurée et hors norme” pour l’hebdomadaire, qui a réclamé remboursement dans ses colonnes après la couverture concurrente. “Laurence Ferrari avait sans doute besoin de redresser l’audience de son journal”, glisse Laurence Pieau. Son employeur aussi. “Il y a un vrai système TF1”, explique Emmanuel Pierrat, avocat du couple Ferrari-Hugues jusqu’à leur divorce. “La chaîne veut de la presse et pousse ses stars à s’exposer, à montrer un peu de chair pour apparaître autrement que comme un homme ou une femme-tronc.” “Personne ne les oblige”, rétorque Laurence Pieau.

Les stars connaissent aussi la précarité

Isabelle Adjani (Sipa)

Les juges ne sont toutefois pas dupes de ce double jeu des stars, qui tantôt s’exposent, tantôt attaquent. Carla Bruni et son ex-compagnon Raphaël Enthoven ont ainsi perdu en septembre leur action contre Closer et Ici Paris au nom de leur fils Aurélien. Le tribunal de Nanterre a estimé que l’enfant ” a fait l’objet d’une médiatisation certaine de par la volonté de sa mère”. Quant à Ségolène Royal, elle n’a obtenu “que” 16.000 euros sur les 50.000 qu’elle réclamait à Paris Match pour les photos la montrant avec son nouvel ami à Marbella, du fait de sa “discrétion relative” quant à sa vie privée, soulignée par les juges.
Le business favori des people serait-il menacé ? “Il y a actuellement un nivellement par le bas des montants car il n’y a plus d’énormes stars comme avant”, affirme Emmanuel Pierrat. “Isabelle Adjani, à l’époque de sa relation avec Jean-Michel Jarre, avait obtenu la somme record de 80 à 100.000 euros pour une photo relativement anodine. On en est loin aujourd’hui.” D’une année sur l’autre, ce ne sont plus jamais les mêmes qui sont en tête du classement des people les plus “dédommagés”, les pics de gain coïncidant avec les péripéties de la vie sentimentale des uns et des autres. Jusqu’où va se nicher la précarité… En 2006, le couple Jean-Pierre Pernaut-Nathalie Marquay avait empoché pas moins de 526.000 euros après l’aventure supposée de Madame avec Daniel Ducruet. Mais ils ont depuis disparu du palmarès. Qu’on se rassure : Cauet gagne toujours de quoi payer ses vacances. Et les ventes de la presse people ont encore progressé en 2008.

Anne-Sophie Hojlo

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