http://photo.lejdd.fr/media/images/politique/michele-alliot-marie-elysee/862944-1-fre-FR/Michele-Alliot-Marie-Elysee_pics_180.jpgLa ministre de la Justice explique au JDD son plan pour améliorer les conditions de détention dans les prisons françaises. Nicolas Sarkozy les a qualifiées de “honte pour notre République“.

Vous venez d’annoncer vingt mesures pour prévenir les suicides en prison. Vos prédécesseurs Place Vendôme n’avaient rien fait?
Si, bien sûr. Toutefois, on constate un nombre important de suicides depuis le début de l’année, c’est une réalité qu’on ne peut pas nier. Je veux de la transparence dans l’information et du pragmatisme dans l’action. Quel est le but de l’emprisonnement? C’est de protéger la société, de sanctionner, mais aussi de favoriser la réinsertion de la personne détenue pour éliminer la récidive. Le suicide, c’est un échec. Détectons donc le plus tôt possible les détenus qui ont des tendances suicidaires, identifions les causes de suicide et évitons tout ce qui rend le passage à l’acte possible; 20% des détenus sont des cas psychiatriques lourds, 50 % ont des problèmes psychologiques souvent liés à la consommation de stupéfiants. Il faut faire un effort sur la formation spécifique des personnels, notamment dans les quartiers de détention à risques suicidaires: quartiers des arrivants, quartiers disciplinaires ou d’isolement, et établissements pour mineurs. Il y a d’autres mesures très concrètes à prendre. Une étude a été faite à la demande de Rachida Dati. J’ai décidé de la rendre publique et de mettre en œuvre les vingt recommandations qui y figurent.

Mais son auteur, le Dr Albrand, assure que son rapport a été édulcoré, et il se dit déçu.
L’intéressé en revendiquait la paternité il y a moins d’une semaine et demandait sa mise en œuvre. Ses recommandations vont être suivies, j’ai du mal à comprendre la logique, mais passons. J’ai nommé le Pr Terra qui suivra la mise en œuvre des mesures préconisées pour éviter tout ce qui facilite le passage à l’acte. Il faut savoir que 90% des suicides sont commis par pendaison, souvent avec les couvertures ou les vêtements. Pour les détenus en crise suicidaire, nous allons donc distribuer des couvertures indéchirables, des pyjamas et des serviettes à usage unique. Dans les nouvelles constructions, nous veillerons à ce que rien en cellule ne permette de se pendre. J’ai aussi demandé une inspection de toutes les cellules existantes pour déterminer et supprimer les éléments facilitant le suicide, en commençant par les établissements pour mineurs.

Trop de surveillants sont affectés à des tâches administratives

L’Observatoire international des prisons (OIP) critique vos mesures et dit qu’il faut humaniser la prison, y mettre plus d’éducateurs et de soignants.
Je mets en œuvre des mesures préconisées avant mon arrivée, et j’irai au-delà. Il y a des problèmes matériels à régler en urgence. Après, se pose évidemment la question de la réinsertion, qui se prépare pendant l’incarcération. Pour éviter la récidive, il faut donner des perspectives d’avenir, d’où l’importance de la formation. Cette formation scolaire, professionnelle, comportementale aussi, peut seule donner les meilleures chances de réinsertion, particulièrement aux jeunes. Plus généralement, il faut multiplier les activités des détenus, les heures de travail, et diversifier les domaines. J’ai demandé une étude pour que des activités en rapport avec la protection de l’environnement – entretien des rivières et des sous-bois, par exemple – et avec le développement durable soient ouvertes aux fins-de-peines.

Les gardiens se plaignent d’être trop peu nombreux pour remplir toutes ces missions.
J’ai déjà visité plusieurs établissements pénitentiaires, beaucoup discuté avec les surveillants. Je crois qu’il y a lieu de recentrer ces personnels sur leur cœur de métier. Trop de surveillants sont affectés à des tâches administratives, notamment. Dégageons des emplois administratifs, ça libérera des postes de surveillants qui sont formés pour être au contact des personnes incarcérées. C’est une condition essentielle pour améliorer les conditions de vie en prison. Ce n’est pas la seule. La peine doit être exécutée, mais il ne faut pas attenter à la dignité humaine.

Mais comment allez-vous réussir à améliorer les conditions de détention avec les problèmes de surpopulation, la promiscuité, les violences, le caïdat?
La surpopulation carcérale est une réalité. Je ne le nie pas. Je viens de visiter la maison d’arrêt d’Orléans où le taux d’occupation est de 200%. En 2012, 63 000 places seront disponibles grâce au plan de rénovation et de construction de prisons lancé en 2002. Il faut aller plus loin. Le président de la République s’est engagé à ce que les moyens nécessaires soient dégagés. Cinq mille places nouvelles seront créées avec les emplois correspondants et environ 11 000 autres seront destinées, elles, au remplacement des plus vétustes. Il faut aussi une réponse qualitative. Il y a des populations très diverses en prison, or ce sont souvent les mêmes établissements qui accueillent en même temps cas psychiatriques lourds et délinquance astucieuse, par exemple. Je pense qu’on doit diversifier. De même, il faut permettre aux détenus de conserver un lien familial, de travail, et d’avoir des exercices physiques ou des activités culturelles: laisser quelqu’un vingt-deux heures par jour dans sa cellule, ce n’est pas possible.

L’OIP et le PS accusent l’administration pénitentiaire de minorer le nombre de suicides, en comptabilisant uniquement les pendaisons mais pas les suicides médicamenteux. Que répondez-vous?
Le nombre de suicides en prison ne doit être ni tabou ni source de polémique stérile. Tout décès intervenant en détention fait l’objet d’une autopsie sous le contrôle du procureur. C’est elle qui détermine les causes et les circonstances du décès, et non pas l’administration pénitentiaire. Dorénavant, le nombre de suicides en prison sera rendu public deux fois par an.

Michel Deléan – Le Journal du Dimanche

Samedi 22 Août 2009

L’administration pénitentiaire «camoufle»-t-elle des suicides?

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