De 1980 à 1983 , Le Tribunal des flagrants délires a sévi sur France Inter. Un DVD permet de retrouver plusieurs épisodes de l’émission satirique.-
par Vincent Ostria
Si tous les quadras et plus se souviennent aujourd’hui avec nostalgie du Tribunal des flagrants délires de Claude Villers sur France Inter, peu savent que certaines de ces émissions de radio avaient été filmées par Claude Berri. Leur télédiffusion est l’occasion de découvrir, près de trente ans après, que cette émission satirique, qui a laissé une empreinte indélébile malgré la brièveté de son existence (dix-huit mois en tout et pour tout, entre 1980 et 1983), était, malgré sa loufoquerie évidente, mise en scène avec un soin scrupuleux.
C’est sans doute la première émission de radio conçue à la façon d’un spectacle. Loin d’être une vague parodie de justice, même pour la bonne cause, celle de l’humour, le Tribunal en reproduisait la pompe et le cérémonial de façon assez précise. Quant au contenu il était, lui, complètement loufoque. Quand on visionne ces quelques exemples, on est surpris : le décor est conforme à celui d’un tribunal, tout comme les costumes des officiants, de Claude Villers, qui incarne le président, à ses vedettes comiques, Pierre Desproges, le procureur, et Luis Rego, l’avocat de la défense. Sans parler des huissiers, assesseurs, etc. Même le pianiste de l’émission était affublé d’un uniforme de brigadier. Le Fou du roi, qui a actuellement la même fonction sur France Inter, se déroule autour d’une simple table ronde. La singularité des Flagrants délires provenait en partie de cette théâtralité.
L’autre raison de sa persistance dans la mémoire collective est bien sûr la personnalité de ses humoristes, Desproges bien sûr, mais aussi Rego. Un contrepoids au sérieux relatif de Villers dans une première partie qui se résumait finalement à une interview de l’invité venu faire la promo d’un film, une pièce, un livre, etc. Au contraire d’aujourd’hui, on pouvait consacrer plus d’une heure à une seule personnalité. Quitte à émailler l’interview de témoignages farcesques (souvent dus à des célébrités) et d’intermèdes musicaux.
Le clou du spectacle étaient les plaidoiries de Desproges et Rego. Elles ont fait le succès de l’émission. Laquelle a aussi été l’une des premières émissions de divertissement à inviter des hommes politiques. Voir le cas de Jean-Marie Le Pen dont, d’une certaine manière, on a ainsi amorcé l’ascension médiatique. Invité au Tribunal en 1982, Le Pen déclare d’ailleurs qu’il n’avait pas eu accès à un média national depuis vingt ans. Son numéro de charme, où il défend Israël et condamne le nazisme (mais loue Pétain), entre autres, est très au point. Les plaidoiries afférentes de Desproges et Rego – qui narre dans son style souvent trash la journée d’un facho – sont fabuleuses.
En complément de cette diffusion, on propose une série d’entretiens avec Rego, Villers, et des humoristes actuels, qui ont le défaut de trop se focaliser sur le grand absent, Desproges, au détriment de l’émission elle-même. Mieux vaut voir (et réentendre) certaines sessions parfaites, comme celle de Jean Carmet, désopilante de bout en bout.
Le Tribunal des flagrants délires est en DVD chez Universal et en livre chez Denoël.
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