Isabelle Horlans, le mardi 2 juin 2009 à 04:00

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Avocat pendant dix ans, puis magistrat, l’étonnant M. Kross se distingue par sa droiture et son humanité. Président de chambre correctionnelle, il a jugé « les écoutes de l’Elysée », les Français de Guantanamo, les filières afghanes, le chef du GIA, Rachid Ramda. Dans Mes convictions intimes, écrit avec le journaliste Dominique Paganelli, il raconte son parcours atypique de fils d’immigrés juifs ukrainiens, sa vie déchirée de blessures, son métier passionnant. Pour France-Soir, il revient sur l’épreuve que fut le procès Colonna, les menaces dont il fut la cible, et nous apprend que le parquet de Paris engage des poursuites contre l’avocat Antoine Sollacaro, qui avait notamment traité la cour de « junte birmane ». Jean-Claude Kross nous dit aussi sa certitude : « Le berger corse a assassiné le préfet Erignac. »

Vous semblez avoir souffert d’être né fils d’étrangers naturalisés français, immigrés juifs ukrainiens. Pourquoi ?
La souffrance ne se situe pas dans les origines mais dans l’impossibilité d’avoir pu communiquer avec mes parents, de ne pas avoir connu leur parcours à cause de leur réticence à se raconter. Cela m’a coupé de mes racines. Mon père est né en 1898 : cette génération ne confiait pas ses états d’âme à ses enfants. Ce livre, je l’ai voulu pour que ma fille et ses enfants n’oublient pas d’où ils viennent. Je ne voudrais pas qu’ils aient un jour des propos malveillants envers les étrangers.

On a l’impression que, enfant, vous ne vous sentiez ni totalement français ni vraiment juif. Pas de bar-mitsva, pas de lecture de la Torah, cela vous a manqué ?
Oui. C’est d’ailleurs moi qui ai fait la démarche d’aller vers la religion à l’âge de 16 ans, pour avoir des racines. Mais j’ai été élevé dans l’amour de la France. Pour mes parents, être un bon Français impliquait de ne pas se distinguer, d’être discret, réservé, de ne pas critiquer la France.

Les blessures affleurent dans votre livre. Etes-vous finalement devenu celui que souhaitait votre père, jamais content de vous ?
Non. Il n’a pas vu mon évolution. Avant de quitter physiquement ce monde, il y était devenu indifférent. Nous n’avons jamais pu rattraper les choses.

Avec votre fils Samuel, décédé de la mucoviscidose à l’âge de 15 ans et demi, il en fut tout autrement. Vous étiez si proches que vous avez abandonné la carrière d’avocat pour lui consacrer du temps…
Ce fut le tournant fondamental de notre vie. La maladie nous a fait plonger, mon épouse et moi, dans un univers extrêmement difficile, elle a changé nos vies. On s’était dit : il faut tout tenter pour que Samuel aille le plus loin possible, on avait l’espoir que la science trouve un remède. Il est mort en 1994 et, aujourd’hui, la mucoviscidose tue toujours.

Vous évoquez les relations entre avocats et magistrats, professions que vous avez exercées. Vous regrettez l’époque où l’on traitait « à la loyale ». Ce n’est plus le cas ?
Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est que les jeunes pénalistes veulent se faire une réputation en trois ans au lieu de quinze. Ils ne comprennent pas que ce n’est pas grâce à une plaidoirie de rupture qu’ils se feront un nom. La qualité d’un avocat se mesure au fil de son expérience, des coups qu’il reçoit, et qu’il donne parfois, mais dans le respect de la déontologie. J’ai connu de grands avocats qui n’ont jamais transigé mais qui respectaient les juges.

Me Sollacaro est allé jusqu’à me dire « vous vous en repentirez ».


Le procès Colonna a été féroce, avec « des injures et outrages qu’aucune cour n’a jamais subis », déplorez-vous. Comment l’avez-vous vécu ?

Ce fut très dur, d’autant plus que nous avons essayé, Christophe Teissier et moi, de faire entendre aux défenseurs d’Yvan Colonna que nous étions adversaires, pas ennemis. En ce qui me concerne, c’est la première fois que je suis confronté à des menaces. Me Sollacaro est allé jusqu’à me dire « vous vous en repentirez ». C’est inadmissible.

Des poursuites avaient été envisagées. Qu’en est-il ?
Une initiative est actuellement prise par le parquet. Il n’y a pas eu de poursuites à l’audience car le président Wacogne, courageux et honnête, était enfermé dans un piège terrible : on lui aurait reproché son manque d’impartialité. J’ai été très surpris par les accusations proférées. Aller en appel et dire aux magistrats, dès le deuxième jour d’audience, « vous n’êtes pas légitimes, vous êtes en mission », c’est ne pas avoir confiance en la juridiction. Dans ce cas, pourquoi faire appel ? Comment croire qu’autant de magistrats puissent être en service commandé ? La composition de cette cour, par sa diversité, était ce que l’on pouvait espérer de mieux pour un procès de cette nature.

Le départ de l’accusé et de ses conseils vous a choqué ?
Pour tout vous dire, mais là c’est l’ancien avocat qui parle, si je suis convaincu de l’innocence de mon client, je ne pars pas. Je reste et je me bats loyalement. Je ne donne pas à cette affaire de relents exclusivement politiques et partisans.

Vous écrivez que jamais vous ne porteriez une accusation à laquelle vous ne croiriez pas. Quand vous acceptez de requérir contre Yvan Colonna, après avoir étudié les 180 tomes du dossier, vous êtes donc sûr de sa culpabilité ?
Oui. Si j’avais eu un doute, j’en aurais fait part à mon procureur général. J’ai un problème, aurais-je dit, il vaut mieux me remplacer. Et si le doute m’était apparu au procès, je l’aurais dit à l’audience.

« Mais la justice, ce n’est pas le politiquement correct et le médiatiquement souhaitable »

En quoi, selon vous, la reconstitution de l’assassinat du préfet Erignac était-elle inopportune ?
Les membres du commando ne souhaitaient pas y participer, sauf Maranelli qui ne se trouvait pas sur les lieux de l’action. Yvan Colonna ne voulait pas en être puisqu’il se dit innocent. Dès lors, une reconstitution devenait inutile, surréaliste. L’énorme hypocrisie aurait été de dire on y va, on fait semblant. Mais la justice, ce n’est pas dépendre du politiquement correct et du médiatiquement souhaitable.

Ces deux mois et demi de procès ont été une épreuve. Votre épouse semble vous avoir beaucoup aidé…
Elle est mon phare.

Quel est le métier que vous avez préféré exercer ?
Je les ai tous aimés car tous ont révélé leur intérêt. Mais si je devais en choisir un, ce serait juge d’instruction. C’est un travail passionnant.

Vous déplorez donc la suppression de ce poste ?
Ne me posez pas cette question, moi qui fus président de l’Association française des magistrats instructeurs…

Mes convictions intimes, par Jean-Claude Kross, avec la collaboration de Dominique Paganelli, éd. Pygmalion, 272 pages, 20,90 euros.

1 réponse
  1. Saada
    Saada dit :

    Je réagis aux propos de kross jean claude car en èffèt je vous indique que celui ci ne rèspècte absolument pas le principe de la présomption d’innocence car en èffèt du mois d’avril 1996 à aout 1996 il était en charge d’une procédure pénale me concèrnant.Il était à l’époque juge d’instruction au palais de justice de Paris. A la fin de l’instruction et notament à l’intèrrogatoire de dèrnière comparution concèrnant mon affaire pénale, il avait le pouvoir de me remmètttre en libèrtée provisoire sous controle judiciaire et alors que je disposais de garanties de représentation.Pèrmèttez moi de vous faire savoir que celui ci devant vous se fait passer pour l’agneau blanc qui viens de naitre et par dèrrière il fait tous ses coups en douce et qu’il a pour objèt de finir le justiciable présumé innocent qui comparait devant lui.Le juge Burgaud ayant eu la charge de l’affaire d’Outreau dans le nord de la France comparé à lui est un enfant de coeur. A ce jour il devrait comparaitre devant le conseil supérieur de la magistrature pour rendre des comptes concèrnant déjà mon instruction et ou cèlle d’autres justiciables qui ons eu affaire à lui. La réaction de maitre sollacaro l’avocat d’Yvan colonna est tout à fait juste et justifiée et j’èspère que maitre sollacaro aura raison de lui.

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