ussi loin que sa mémoire remonte, Josiane, 52 ans, a toujours vu sa mère, Suzanne, “malade”. D’abord rongée par les rhumatismes qu’elle tentait d’oublier en s’occupant de l’épicerie familiale à Villié-Morgon (Rhône), Suzanne a fini par ne plus pouvoir bouger. Tétanisée par une sclérose en plaques dont elle a souffert “jusqu’à l’horreur”, selon sa fille, elle est devenue grabataire, s’enfonçant chaque jour davantage jusqu’à ce que Josiane décide de “la soulager”, un soir de Fête des mères, le 29 mai 2005. Ce jour-là, Josiane Humbert a pris une couverture, l’a posée sur la tête de sa mère endormie, empêchant l’air de passer pendant “cinq à dix minutes”, le temps que Suzanne s’éteigne.
Depuis mercredi 14 octobre, Josiane Humbert et son mari Guy ont pris place dans le box des accusés face à la cour d’assises du Rhône. Josiane répond de “meurtre avec préméditation” et on reproche à Guy de “s’être abstenu volontairement d’empêcher” son épouse de commettre ce crime.
Mains croisées sur le ventre, la voix tremblante, Josiane est là qui se débat pour que la cour comprenne son geste. “Je ne voulais pas lui faire de mal, répète-t-elle. Elle n’a rien senti. Elle n’a pas bougé.” A peine, a-t-elle eu un “tressautement” au moment d’expirer, se souvient-elle. Et puis voilà, cette fois, c’était fini : “Tu ne souffriras plus”, a pensé Josiane. Guy était là. Il n’a rien fait pour la dissuader, mais ne l’a pas aidée. Puis ils sont allés se coucher, sans dire un mot, pour une nuit sans sommeil.
Le médecin a constaté le décès le lendemain. L’enterrement a eu lieu dans la foulée, un jour après. Les circonstances de la mort de Suzanne n’ont guère suscité de doutes, jusqu’à ce qu’en janvier 2006, une association d’aide et de soins infirmiers à domicile alerte le procureur de la République de Villefranche-sur-Saône, “sur les conditions particulières du décès d’une de ses patientes”, Suzanne Michel. Sa fille Josiane, qui, quelques années, plus tôt avait été désignée pour en assurer la tutelle, s’était confiée en novembre 2005 à une aide-soignante. Parlant de la mort de sa mère, elle avait indiqué : “ C’est moi qui l’ai fait. Je l’ai étouffée avec une couverture.”
“Relation fusionnelle”
Depuis 1988, Josiane, fille unique d’Albert – mort d’un cancer en 2000 – et de Suzanne Michel, vivait un face-à-face quasi exclusif avec sa mère. “Une relation fusionnelle”, a diagnostiqué l’expert psychiatre. Une sorte de huis clos né de la douleur d’une mère qui réclamait sa fille – “quand elle demandait, j’étais là ; elle avait tout, tout de suite”, raconte-t-elle – et d’une fille convaincue qu’elle, et seulement elle, était en mesure, sinon de soigner, en tout cas de “soulager” sa mère.
L’existence des deux femmes était rythmée par la progression implacable de la maladie et par les crises de plus en plus violentes qui se succédaient avec une fréquence de plus en plus rapprochée. Leur univers était confiné aux prises de morphine et des autres médicaments, comme ces gouttes qui aidaient Suzanne à s’endormir et que Josiane lui a versées avant de l’étouffer, le fameux soir du 29 mai.
Regrette-t-elle son acte ? A-t-elle fait une erreur, comme le lui suggère avec insistance l’avocate générale Véronique Escolano ? Bien sûr, elle regrette. Mais encore aujourd’hui, devant ses juges, Josiane assure que “le soulagement” de sa mère l’emporte sur “l’erreur”. “J’ai du remords, mais elle ne souffre plus”, se défend-elle, visiblement désemparée. Verdict vendredi 16 octobre.
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