Un procès peut en cacher un autre : celui des sinistres trafics de drogue où il est difficile de départager les anges des démons. Mais là, il y a eu mort violente d’un homme de 24 ans
Au terme de deux jours de procès (au lieu des trois prévus), le verdict est tombé, tard hier soir, dans ce que l’on a appelé “l’affaire Antony Bustos”, référence au nom de la victime, ce dealer, « demi grossiste », selon le président Régis Cayrol, abattu par le tir de la Winchester d’Ali Bellabiod, le 27 mars 2008, à deux pas du domaine viticole des Sept Serous de Badens où logeait Ali.
Ce dernier a été condamné par les jurés à 23 ans de réclusion criminelle, assortis d’une peine de 15 ans de sûreté et d’un suivi socio-judiciaire souhaité par la défense.
L’avocat général, François Hébert, dans un réquisitoire sans concessions, avait requis la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 22 ans, salué par la foule compacte des parents et amis de la victime.
Il a rappelé le contexte, « la piste des stupéfiants » avait été retenue « de suite dès le nom de la victime connu. » Victime tombée dans un « traquenard » tendu par Ali. Pour l’avocat général, l’assassinat et la préméditation étaient acquis. Hier, le procès a mis en exergue cet univers impitoyable des trafiquants, petits, moyens ou grands, tous unis par un lien qui s’est avéré mortel pour Antony Bustos : la drogue. Un univers où les frontières entre les bons et les méchants deviennent perméables et floues.
Hier encore, personne n’a oublié qu’Ali « n’a laissé aucune chance » à son fournisseur, âgé de 24 ans, père de deux très jeunes enfants « qu’il aimait », décrit par ceux qui l’ont côtoyé comme « serviable et sympathique ». Personne non plus n’a oublié le caractère ténébreux et inquiétant de l’assassin Ali qu’un expert psychologue avait quasiment décrit, la veille, comme irrécupérable pour la société… Expertises que la défense a dénoncées avec véhémence. Me Leguay s’insurgeant « sur ces deux seuls éléments de personnalité de 4 pages après trois quarts d’heure d’entretien », “condamnant” son client. Il demandera aux jurés que, dans la peine qu’ils allaient donner, « la petite lumière de l’espoir » ne s’éteigne pour Ali. L’avocat a présenté une longue série de lettres sur « le contexte » particulier de ce dossier avec le but de montrer que dans les affaires de drogue tout se brouille « et rien n’est noir ou blanc » : les bons peuvent devenir méchants et inversement… Car il y avait, en filigrane du procès, l’appât du gain facile. Les sommes gagnées avec la drogue étaient coquettes. Elles ont été révélées au procès qui concernait, les liant à jamais, Ali Bellabiod et sa victime abattue froidement, Antony Bustos. Celui-ci, la veille de sa mort avait reçu, mais sans rémunérer, de son fournisseur, entre 15 et 50 kilos de cannabis… Au dernier jour du procès, Ali, celui qui aurait confié à un copain de prison, « vouloir se faire un dealer » est apparu aux jurés toujours aussi méprisable. Mais Antony Bustos, lui, est apparu sous un jour que ne voulaient surtout pas connaître ses proches, celui d’un dealer « très connu » sur la région. Bien sûr, il ne roulait pas sur l’or. Mais il en rêvait. Le rêve s’est arrêté, une nuit, à cause d’un client plus retors que les autres, imbibé de cocaïne et se prenant, avec cette substance, pour un caïd, un demi-dieu violent… Si les plaidoiries de la partie civile, ont accablé le geste horrible d’Ali (brûlant le corps de sa victime), celle de la défense tenta de mettre à nu la face cachée d’Antony. On a, ainsi, appris que le dealer, Antony, était tout autant « sous pression » que l’était son assassin… L’univers des trafiquants a été sous-jacent à ce procès. Un univers où la facilité prime, même celle de tuer un homme pour 900 €… Ali Bellabiod, reconnu coupable de préméditation, pourra réfléchir longtemps à son geste en prison.
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