Mardi 14 Avril .
Premier jour de procés à la Cour d’assises de Nouméa
Entendu et vu à l’audience : portrait de deux hommes et un Rocher…
Dans une ambiance calme, sans battage médiatique, la première journée du procés en appel d’Antoine et Ambroise Konhu, accusés du meurtre d’une touriste japonaise retrouvée morte, sur leur rocher de Kanuméra à l’Ile des Pins en 2002, s’est tenue ce mardi 14 Avril à Nouméa. Sous la présidence attentive de M. Jean-Michel Stoltz, secondé par deux juges assesseurs, les 12 jurés tirés au sort et les 3 suppléants ont pris place pour deux longues semaines de procés. Le jury est aux couleurs du Pays, on compte 3 hommes pour 9 femmes après que les avocats aient épuisé leurs droits à récusation. .
L’appel des 80 témoins et experts sera l’occasion de la première vive réaction des défenseurs d’Antoine et Ambroise Konhu. En effet alors que les cinq enquêteurs qui ont mené la première enquête avec les insuffisances que l’on sait seront présents physiquement sur acheminement depuis la métropole, par contre les deux enquêteurs Mrs Vernouiller et Soustelle qui ont repris toute l’enquête en 2005 ne sont pas convoqués à Nouméa. Il est prévu de les entendre seulement par visio-conférence. Maître Deswartes et maître Moyart demandent que leur soit appliqué le même traitement et qu’ils soient convoqués à Nouméa. La présence du second avocat d’Antoine venu de Lille étant la preuve vivante que l’on peut venir jusqu’ici. L’avocat des parties civiles maître De Greslan et l’Avocat général M. Brudy se rejoignent pour expliquer les contraintes matérielles et de coûts. La crise est invitée en renfort d’explication comme la nécessité de serrer les dépenses « inutiles ». Deux billets d’avions coûteraient plus cher que cinq ? La Cour va trancher.
Parmi les témoins cités par la Défense on notera les noms de Rock Apikaoua et Hilarion Vendegou. Suivra la lecture de l’acte d’accusation , le même que pour le premier procés de fin 2007.
Lorsque la parole est donnée à Dydime, l’aîné des frères Konhu, on peut dans la Salle du tribunal toucher du doigt la difficulté d’un Kanak à parler de lui, en disant « Je’ . Il ne tardera pas à dire au Président « c’est mieux si c’est vous qui posez les questions ». On comprendra qu’il est issu d’une double origine : « les gens de la mer » par son père et « les gens de la terre » par sa mère. Et que le lien social est fort et tissé à partir de la famille. Une famille unie, aimante « sans disputes, ni barrières entre les parents et enfants », dira Dydime. Pas un terreau pour les déviances et les psychoses des psychopathes. Une famille qui produit un aîné que l’expert Jean Ruffet qui témoignera l’après-midi décrira comme quelqu’un qui ne mâche pas ses mots, ne baisse pas la tête, a un caractère entier, n’a pas peur, et qui célibataire après plusieurs histoires de couples élève ses quatre enfants sur ses terres. Un homme courageux qui de l’avis du Grand Chef ne recule pas et prend les coups de face (coups de fusil en 1987, coup de couteau). C’est ainsi que se dessine au fil de la journée le double portrait de Dydime, avant et après 1990. un homme, qui agit et répond de ses actes, qui après le handicap de son père en tant que fils aîné (le 3 ème de la fratrie après deux grandes sœurs) va défendre les intêrets de la famille et ne veut pas laisser filer ses droits. Et avant tout sur la terre à qui appartient le clan. Particulièrement les droits sur le Rocher : une parcelle de leur terre, pas un tabou, mais dans la langue « un lieu à préserver ».
Un homme qui montera une flottille de pêche avec 3 bateaux et 7 kuniés embarqués pour la pêche au fusil : poissons, langoustes pour les gîtes de l’île. L’ascendance paternelle. Et changera d’activité après sa blessure de 1987 qui lui interdira la plongée, pour devenir sculpteur, monter un projet culturel pour occuper les jeunes, dans la période des années 1990 après les évènements et les accords de Matignon. Projet raconté par un ancien journaliste des Nouvelles Calédoniennes à la barre l’après midi. Il raconte avoir vu à l’inauguration du Village des Arts prévu sur Le Rocher de Kanuméra des gens qui travaillent, avancent ensemble dans une période où rares sont « les souffles d’espoirs », un projet exemplaire que le journal avait jugé bon de montrer en y envoyant un reporter. Qui sentira et dira dans un article les réticences du Grand Chef qui préférait que le rocher reste un plongeoir pour les enfants kuniés et contestait le droit de propriété des Konhu sur ce « caillou ’ . La fête sera gâchée par l’interdiction soudaine du Maire Grand Chef de finaliser ce projet qui devait réunir les huit clans de la tribu par huit symboliques cases érigées sur le rocher. Le rêve du clan Konhu de gîte traditionnel en cases avec atelier de sculpture et partage des savoir-faire traditionnels prend fin en 1992 avant d’avoir été mené à son terme.
Ce refus sera le point de départ d’accrochages sévères avec la Mairie qui alimenteront la « mauvaise réputation » du clan Konhu auprès des autorités administratives.
Dydime amorcera un nouveau tournant dans sa vie en prônant un retour à une vie originelle, naturelle, qui va aux champs en suivant ainsi l’ascendance maternelle ! Il accueillera aussi pour y planter leurs tentes, sur la propriété familiale en bordure de la baie de Kanuméra, les touristes et vacanciers avec qui il a établi des relations presque de « famille » comme le raconteront à la barre deux femmes venus l’une en vacances avec ses petits frères et l’autre avec des jeunes de la cité Pierre Lanquette à Nouméa.
Antoine appelé ce mardi après midi à se présenter et parler de lui à la Cour est le cadet de 7 ans de Dydime. 6ieme de la fratrie. Il évoquera à son tour la déception de voir tous les projets de gîte contestés . En 1990 il a 25 ans, est revenu sur l’île après une scolarité secondaire jusqu’au BEPC à Païta et Nouméa. Il est présenté dans le témoignage écrit de la femme de son frère comme « calme, qui ne se bat jamais avec quiconque », par l’expert Jacques Ruffet comme quelqu’un de « littéraire, qui élève le débat, un catholique croyant pour qui le curé est un professeur ». Il pêche avec son frère, cultive les champs avec lui pour la famille et pour avoir des pièces pour le sucre, le lait en poudre pour les femmes à la maison… Il n’a pas compris le refus du grand chef alors que le projet avait obtenu l’accord des petits chefs, il parle de mauvaise communication entre et dans les chefferies. Il était jeune et parle du souvenir de l’impression de chaos apparu, des changements de comportements, des gens désorientés pendant deux ou trois ans au moins. Il affirme néanmoins son respect, sa confiance envers Hilarion Vendégou : « on se soumet quand l’autorité s’impose »dit-il .
Aucun des deux frères n’aura aux dires des témoins venus à la Barre ce mardi causé la moindre inquiétude aux femmes et enfants venus en vacances ou en Week-End sur l’Ile. Ce sont des témoignages d’amies d’origine calédonienne qui ont des relations anciennes avec la famille kunié.
Venons en au Rocher le plongeoir centenaire des petits kuniés.
D’abord : interdit ou pas ? Une témoin calédonienne nous dira : « quand j’étais petite, on avait le droit de monter, quand j’ai grandi c’était interdit’ . Entre les deux le rejet des projets des Konhu au début des années 90, à partir duquel ils ont bloqué l’accès au rocher, sans leur autorisation.
Ensuite : accessible ou pas ? Une autre témoin, directrice de colonie de vacances, racontera comment en Janvier 2002 (3 mois avant le drame) , elle y conduisait encore des enfants de 6 à 12 ans en vacances au centre inter armée de l’IGESA . Sans avoir la moindre inquiétude sur la dangerosité du site : le rocher est petit, l’escalier permettait l’accès des petits sans aide, les sentiers étaient bien dégagés et propres, le terrain déblayé, les arbres sur le côté protége du soleil . Et les militaires du centre montaient avec eux, sous la conduite de Dydime qui guidait et expliquait les légendes aux enfants. Même les touristes sur la plage se joignaient à eux parfois… .
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