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PAU. Yves Canonici est jugé depuis hier pour avoir abusé de son codétenu alors que tous deux étaient en détention provisoire pour des affaires de viol

Les faits se seraient déroulés d'avril à août 2006. (Archives g. bonnaud)

C’est une sordide immersion dans l’intimité d’une cellule qui occupe depuis hier les jurés de la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques. Cinq hommes et quatre femmes jugent Yves Canonici, un délinquant sexuel de 69 ans, accusé d’avoir violé un codétenu, en 2006, à la maison d’arrêt de Pau. Il encourt quinze ans de réclusion. Verdict ce soir.

À l’époque, le sexagénaire était en détention provisoire pour le viol d’un garçon de 14 ans. Et sa victime du jour, un Martiniquais de 46 ans, pour avoir abusé d’une quadragénaire à qui il avait administré une dose mortelle de méthadone, en se faisant passer pour un marabout.

Il y avait un troisième homme, pour compléter ce huis clos dans 15 mètres carrés – dans le rôle du témoin qui n’a rien vu. Ce détenu-là avait été placé en cellule avec des délinquants sexuels, car il présentait une caractéristique le rendant aussi impopulaire que les « pointeurs » dans l’échelle des valeurs de la prison : c’est un ancien gardien de la paix.

Le trio de la cellule 101 n’a pas été facile à reconstituer, hier matin. Pour l’accusé, pas de problème : il est toujours en détention, à Mauzac (24). La victime, en revanche, a dû être rapatriée d’urgence depuis Agen (47), où elle vit désormais, et où elle était hospitalisée. Ce quadragénaire souffre en effet de schizophrénie. Quant au troisième homme, le témoin numéro 1, il avait « un peu zappé » la date d’audience. Ce qui lui a valu d’être emmené par les gendarmes.

À la barre, Yves Canonici (défendu par Mes Legrand-Bogdan et Chauvelier) nie les accusations. Selon lui, c’est la victime qui a « tout fait pour être transférée dans [sa] cellule ». Il affirme n’avoir jamais obligé la victime à monter dans son lit superposé : « C’était pour qu’il voie mieux la télé ». Il poursuit : « Un soir, il a commencé à me sucer un orteil. Et le lendemain, à me faire une fellation. Je l’ai laissé faire, car on manque d’affection, en prison ». À l’écouter, il rendait presque service. Le président note que dans l’affaire du garçon de 14 ans, Canonici expliquait aussi que c’était l’enfant qui lui avait fait des avances.

Le tabou du sexe carcéral

Ce n’est pas du tout la même histoire qu’a racontée la victime (Mes Bousquet et Chipi) aux jurés. « C’est lui qui m’a dit de me faire transférer dans sa cellule. Je prenais 32 médicaments par jour pour mon traitement, et j’étais comme endormi. Quand nous étions sur son lit, il en a profité pour me prendre par la tête et me forcer à le faire. Je ne pouvais plus respirer. »

Selon le Martiniquais, le manège a duré plusieurs mois, d’avril à août 2006. Masqué à l’administration par une feuille de papier placée devant l’oeilleton de la porte. « Il me menaçait de dire à tout le monde que j’étais un pointeur et un homosexuel. Mais ce n’est pas vrai : j’aime trop les femmes pour faire une chose pareille. »

L’emprise de l’accusé sur la victime s’étendait au-delà de la chose sexuelle : « Il me prenait toute ma nourriture, et aussi mes cigarettes, qu’il échangeait contre du shit ». La victime s’est résolue à dénoncer les faits à l’administration, sur les conseils du troisième détenu, quand Canonici a franchi un palier supplémentaire en le sodomisant dans son sommeil. « Je lui ai dit maintenant je refuse tout », raconte la victime.

Est-ce à dire que les fellations étaient jusque-là consenties ? C’est sur cette interrogation que la défense joue. Me Bogdan-Legrand a ainsi demandé à la victime et au témoin comment Canonici pouvait bien forcer le Martiniquais à monter dans son lit.

Entendus hier par la cour, des représentants de l’administration pénitentiaire ont expliqué que, de toute façon, les rapports sexuels entre prisonniers étaient « interdits ». Un interdit que le troisième détenu a relativisé en révélant qu’« à l’infirmerie, ils distribuent des préservatifs ».

Le tabou du sexe carcéral est solide. Hier, il a fallu que le président Legrand insiste pour que Canonici admette qu’il a continué à entretenir des relations (consenties) avec des codétenus après les faits.

Auteur : Gwenaël Badet

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