Cet ancien bijoutier montalbanais a été condamné à 5 ans de prison au Maroc pour un trafic de drogue réalisé pour le compte des services de police.

Depuis son arrestation en décembre 2007 au port de Tanger, avec 400kg de résine de cannabis cachés dans sa voiture, Serge Astorc n’a pas eu de nouvelles de ses contacts policiers ou douaniers.

« Ils travaillaient pour ces gens. Aujourd’hui ils l’ont lâché. Personne n’a bougé pour le sortir de là », assurent les proches de cet ancien bijoutier montalbanais.

Serge Astorc, 53 ans, a été condamné en février dernier pour complicité de trafic de stupéfiants par la justice marocaine. Seul son fils Jean-Charles et ses avocats étaient là pour le soutenir. Cette peine lourde a toutes les chances d’être confirmée lors du procès en appel qui se déroulera lundi 6 avril, devant la cour de Tanger.

Pourtant, depuis le fond de sa cellule crasseuse, Serge Astorc assure que, lors de son arrestation, il effectuait un transport de drogue dans le cadre d’une opération montée par la brigade de recherche et d’intervention (BRI) du service régional de police judiciaire (SRPJ) de Montpellier.

Des affirmations prises très au sérieux par la justice marocaine. En mars 2008, le procureur du roi du Maroc a délivré une commission rogatoire internationale afin de vérifier cette version, digne d’un roman noir.

Les résultats de cette commission, que nous nous sommes procurés, sont détonants.

Au fil de ces documents, il apparaît clairement que Serge Astorc a été utilisé à deux reprises comme un convoyeur.

En septembre 2007, il a ainsi transporté, pour le compte d’un indicateur des douanes, disparu depuis, 225 kg de shit entre le Maroc et Sète dans sa propre Peugeot 806. Cette opération « Pineapple » montée par les douaniers s’était déroulée sans encombre mais n’avait pas permis le démantèlement d’un quelconque réseau. En décembre 2007, le SRPJ a, à son tour, eu recours aux services obscurs de l’indicateur des douanes et, par là même, à son transporteur.

Cette fois-là, tout tourne mal : le signal de la balise censée localiser Astorc, est perdu, l’indicateur est aux abonnés absents, le convoyeur est arrêté… Mais personne ne semble se soucier du sort de ce collaborateur.

Même la justice marocaine qui a lancé la commission n’est pas sensible à ces révélations. En première instance, les magistrats ont estimé que, comme le Royaume n’avait jamais été informé de l’existence de ces opérations sur son territoire, elles étaient illégales. Et Astorc, un vulgaire trafiquant.

– Questionnés par mail et joints par téléphone, les services des douanes et de la police de Montpellier n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
«Astorc a bel et bien été lâché»

«Je ne sais pas si Astorc était enregistré comme aviseur ou comme informateur de la police mais ce qu’il se dégage de ce dossier est clair : il a été lâché, c’est le dindon de la farce. Ses contacts à la direction nationale du renseignement des enquêtes douanières n’ont pas voulu se déplacer à Tanger pour témoigner en sa faveur. Cette opération a été montée sans que les autorités marocaines soient tenues informées, certainement à cause des risques de fuite qui auraient pu compromettre la mission. Le statut d’aviseur, bien qu’officiel, n’est pas protecteur : à la moindre anicroche, on se fait lâcher et on doit affronter la justice des pays étrangers, seul.»

Jean-Charles, son fils : « Je crains le pire »

Depuis décembre 2007, Jean-Charles, un jeune étudiant montalbanais, tente de sortir son père de prison. Lundi, il sera au Maroc, aux côtés de Me Jean-Lou Lévi et Machda Loukili, les deux avocats de son père. « Je crains le pire. En première instance, le procureur du Roi et les juges n’ont pas tenu compte des résultats de la commission rogatoire. Ils étaient pourtant particulièrement positifs. Cette fois, je ne sais pas du tout comment les choses peuvent tourner », assure-t-il.

« La version de mon père n’a jamais varié. Il a toujours dit les mêmes choses et donné les mêmes noms… ça ne l’a pas sorti de sa cellule », rappelle Jean-Charles.

Manifestement, aucun renvoi ne serait désormais possible. De plus, Me Lévi, son avocat français, a récemment appris qu’il lui serait impossible de plaider devant la cour d’appel. « Il avait l’autorisation pour représenter mon père en première instance. Maintenant qu’il a été condamné, il doit reformuler une demande auprès du ministère de la justice marocaine », détaille Jean-Charles. Autant dire qu’avec un délai de quelques jours, cela retourne de la mission impossible.

Le moral de son père qui, depuis plusieurs mois, vit avec 27 détenus dans 30 m2, se dégrade lentement.

« Il pense avoir été lâché. Il compte sur nous pour tenir moralement », explique Jean-Charles.

« Une opération conforme aux règles »

La commission rogatoire internationale, lancée en mars 2008, est revenue sur le bureau du procureur du Roi du Maroc 10 mois plus tard. Juste à temps pour le procès en première instance de Serge Astorc. Les rapports qui ont été transmis à la justice prouvent que l’ex-bijoutier a bien travaillé à deux reprises comme chauffeur pour les douanes et la police. Pourtant, le Maroc n’ayant pas été avisé de ces opérations, les juges les ont considérées comme illégales. Ils n’ont pas tenu compte de ces documents.
expert

« Police et pratiques douteuses »

En quoi consiste le rôle d’un aviseur ?

C’est habituellement une personne infiltrée dans un trafic que les forces de police retournent. Les policiers en font un indic qui sert soit d’informateur, de passeur ou d’intermédiaire. En échange de sa coopération, les services de police stoppent les poursuites du Parquet. Mais tout ça est officieux, ce sont des pratiques douteuses de la police ou des douanes.

Quel rôle jouent les douanes ?

C’est le seul organisme de police judiciaire habilité à donner ce statut d’aviseur. Avec lui, ils mettent en place une stratégie d’infiltration d’une filière de trafiquants. Les aviseurs sont rémunérés au pourcentage des saisies qu’ils contribuent à réaliser.

Pourquoi les aviseurs sont-ils si souvent lâchés par leurs commanditaires ?

C’est vrai que bien souvent les douanes se dédouanent ! Elles lâchent leurs infiltrés car certaines pratiques ne peuvent pas être couvertes ou cautionnées par l’état. Mais les services de police sont obligés de passer ces délinquants car eux seuls détiennent les clefs pour pénétrer les réseaux de trafic.

Gil Bousquet

Serge Astorc sera fixé sur son sort lundi
L’ancien bijoutier montalbanais était jugé hier en appel par le tribunal de Tanger.
L’on a déjà largement évoqué cette affaire qui ressort de l’imbroglio diplomatico-policier intercontinental. Et qui fait d’un ancien bijoutier très connu à Montauban, aux yeux de la justice marocaine un trafiquant condamné comme tel en février dernier à 5 ans de prison. Mais les conseils de Serge Astorc ainsi que son fils Jean-Charles qui fait tout pour faire sortir son père de l’enfer des geôles du royaume chérifien, n’ont pas abdiqué.

Et hier matin ils se retrouvaient dans la salle d’audience du tribunal de Tanger, pour le procès en appel . Car la procédure marocaine est ainsi faite que l’on peut faire appel à condamnation dans les vingt jours suivant son prononcé et avoir droit rapidement à un procès en appel. En fait il s’est juste écoulé un mois et demi entre les deux passages devant le tribunal.

Hier matin à l’ouverture de l’audience, dans une salle plus petite que celle du TGI de Montauban, Serge Astorc s’est présenté devant la cour. Après la lecture de l’acte d’accusation, l’affaire a suivi un déroulement tout à fait normal.

Et même plus qu’espéré, car outre Maître Machda Loukili son avocat marocain, le président a donné la parole à Jean-Lou Lévi le conseil montalbanais de Serge Astorc qui avait obtenu en fin de semaine dernière l’autorisation de plaider.

L’avocat montalbanais a fait prévaloir ses arguments au travers de sa plaidoirie traduite par un interprète.

Le parquet en fin d’audience a requis une aggravation de la peine. Le président de la cour d’appel lui s’est donné une semaine de réflexion et a mis le jugement en délibéré au lundi 13 avril dans la matinée.

A la sortie de l’audience Jean-Lou Lévi confiait : « La cour se laisse une semaine et veut voir si les arguments avancés sont objectifs. J’estime que l’on a eu une autre écoute, quel que soit le ré sultat final. J’ai plaidé en français avec un interprète. On peut dire que l’on a fait le plus normalement du monde notre travail. » Le hic c’est de savoir où va se trouver le juste milieu entre un procureur du Roi qui estime qu’Astorg est un narco-trafiquant, alors que ses avocats reprécisent qu’il n’y avait pas d’intention de nuire.

Le parquet de Montpellier reconnaissant que l’opération de convoyage des 400 kg de résine de cannabis était faite en toute légalité. Mais l’aviseur a été lâché par les douanes et le SRPJ de Montpellier… De son côté Jean-Charles Astorc, le fils de Serge présent aussi hier à Tanger estimait au sortir du tribunal : « D’un côté je suis soulagé, car il y a eu un jury attentif à ce qui se disait. J’ai de l’espoir. De l’autre je pense peut-être que l’on peut avoir une bonne issue par rapport à cette affaire examinée par la cour d’appel de Tanger. » Réponse dans juste une semaine.

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