La ministre de la Justice, Keiko Chiba, est une partisane déclarée de l'abolition de la peine capitale.
La ministre de la Justice, Keiko Chiba, est une partisane déclarée de l’abolition de la peine capitale. Crédits photo : AFP

La nouvelle ministre de la Justice est connue pour ses positions abolitionnistes.

Le maigre camp des partisans de l’abolition de la peine de mort au Japon a reçu un signal favorable sans précédent du gouvernement d’alternance entré en fonction mercredi. Le nouveau premier ministre, Yukio Hatoyama, a choisi comme ministre de la Justice Keiko Chiba. Cette avocate proche d’Amnesty International est une partisane déclarée de l’abolition de la peine capitale, et veut ouvrir le débat sur le sujet. Une opinion rarement exprimée au Japon, qu’elle partage du reste avec le ministre des Services financiers, Shizuka Kamei. La cause de l’abolition est taboue dans l’Archipel malgré les conditions monstrueuses dans lesquelles est pratiquée la peine de mort. Les motifs de critique commencent dès la procédure pénale japonaise, entièrement fondée sur l’aveu, qui peut conduire à l’erreur judiciaire. Les condamnés, au secret pendant des dizaines d’années, ne connaissent jamais l’heure de leur châtiment et deviennent souvent fous. Ils sont exécutés par pendaison, et leur famille est avertie a posteriori, «pour leur bien», expliquent les bureaucrates du ministère de la Justice. Le cas le plus édifiant : celui d’Iwao Hakamada, un ancien boxeur renommé reconnu coupable du meurtre d’une famille de 4 personnes à Fukuoka (sud du Japon) en 1968 sur des présomptions. En 2006, un des trois magistrats qui l’a condamné, Norimichi Kumamoto, a violé le principe du secret des délibérations en déclarant publiquement qu’il l’avait toujours cru innocent. «J’ai toujours pensé que l’accusation était absurde. Mais je n’ai pas osé aller contre le magistrat principal, qui me dominait par son expérience», se lamente-t-il aujourd’hui. Iwao Hakamada est enfermé dans une cellule sans lumière de 6 mètres carrés depuis 41 ans. «Ses lettres sont celles d’un fou, avec des caractères écrits à la règle», confie sa sœur Hideko Hakamada, frêle vieille dame qui se bat pour sa libération. La Fédération nationale de boxe à laquelle appartenait son frère la laisse souvent entrer sur le ring avant les combats locaux, improbable apparition venue parler de compassion au public hurlant.

Exemple de la Corée du Sud

Il existe bien des parlementaires qui sont contre la peine de mort, mais ils gardent leurs noms secrets par peur d’une sanction électorale. Les différents sondages sur la question laissent apparaître un fervent soutien de l’opinion publique à la peine capitale. L’an dernier, le quotidien conservateur Yomiuri Shimbun, sous le titre «Démasquer la peine capitale», avait publié une série d’articles sur le sujet. Mais son ton, parfois compassionnel à l’égard des condamnés, avait provoqué un tel courrier de lecteurs furieux que le journal s’était senti contraint de publier une nouvelle série d’articles clairement favorables à la peine de mort. «La peine capitale pose la question du contrôle de l’État sur l’individu. C’est pour ça qu’elle n’est pas abordée chez nous, où l’État est très puissant», estime l’avocat Genichi Yamaguchi. Le Japon est pourtant peut-être le premier État abolitionniste de l’histoire : de 794 à 1185, sous l’ère Heian, selon une observance stricte du bouddhisme par l’Etat, la peine de mort fut interdite. Retenu par l’exemple américain, le Japon pourrait être influencé par celui de la Corée du Sud, qui observe un moratoire sur cette question depuis 1997.


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