Le portrait d’Aung San Suu Kyi, brandi lors d’une manifestation contre le régime birman, lundi à Bangkok, devant l’ambassade de Birmanie. Crédits photo : AP
Les audiences à huis clos ont débuté lundi sous haute surveillance : les généraux à la tête du régime veulent exclure l’opposante avant un scrutin joué d’avance l’an prochain.
Des centaines de soldats en tenue de combat pointent leurs baïonnettes vers les passants. La milice Swan Arr Shin fait claquer ses cannes de bambou pour arrêter chaque véhicule alors que barrières et barbelés interdisent tous les accès à la sinistre prison d’Insein, dans les faubourgs nord de Rangoun. Le procès d’Aung San Suu Kyi, icône du combat démocratique en Birmanie, s’est ouvert lundi sous haute sécurité.
Dans cette dictature aussi sanglante qu’ubuesque, le chef d’accusation ne doit pas surprendre : Aung San Suu Kyi risque cinq ans de prison car un Américain illuminé s’est introduit dans son domicile au début du mois. L’opposante, dont l’ordre d’assignation expirait théoriquement le 27 mai, a immédiatement mesuré l’ampleur des conséquences de la présence de cet intrus chez elle et lui a demandé, selon son avocat, de s’en aller. Mais «elle a eu pitié de cet homme, car il avait des crampes aux jambes après avoir traversé le lac. C’est la raison pour laquelle elle l’a autorisé à rester».
«Un caillou dans la botte des généraux»
De ce procès à huis clos, les informations filtrent difficilement. On sait simplement que 22 témoins à charge, dont des officiers de police, seront appelés à la barre et que deux des avocats de la dissidente ont été démis du barreau jeudi, jour de son arrestation. Soe Aung, porte-parole d’une coalition d’organisations d’opposition en exil en Thaïlande, explique l’acharnement des généraux sur le Prix Nobel de la paix, privé de liberté pendant plus de 13 des 19 dernières années, et dont l’état de santé s’est récemment dégradé : «Aveuglés par leur propre ignorance, les généraux ont sous-estimé Aung San Suu Kyi à deux reprises. Aujourd’hui, ils en ont peur.»
Après avoir réprimé dans le sang les manifestations prodémocratiques de 1988, arrêté des milliers d’opposants et muselé Aung San Suu Kyi, les généraux se croient assez puissants pour organiser des élections. Leur stupeur est totale quand le 27 mai 1990, son parti l’emporte haut la main. En 2002, ils estiment que leur prisonnière, après huit ans d’assignation à résidence, a sombré dans l’oubli. Mais sitôt sa liberté de mouvement partiellement retrouvée, elle reprend ses activités militantes et des foules extatiques se pressent autour d’elle. Aung San Suu Kyi est «un caillou dans la botte des généraux», comme elle le confiait au Figaro en 1999 dans un de ses rares moments de semi-liberté. Pour organiser l’an prochain des élections sous son contrôle rigide, le chef de la junte, le généralissime Than Shwe, veut se débarrasser du gravillon.
Ce procès visant à l’exclure du paysage politique n’a pas provoqué un tollé général. Si le président américain, Obama, a reconduit les sanctions contre le régime et l’Union européenne s’est indignée, la Chine et l’Inde, qui se disputent l’accès aux ressources naturelles de leur voisin, sont restées muettes. Et l’Association des pays d’Asie du Sud-Est n’a que mollement condamné. Celle qui tient «la pureté de l’esprit» pour «sa plus haute aspiration» est bien seule dans son combat.
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