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Du riffifi sous les robes

Nevers walk alone | vendredi, 5 mars 2010 | par Anthony Lesme
Devant une justice sourde, l’avocat Roland Fontaine s’exaspère. Depuis trois ans, il espère que son ancien associé et sa collaboratrice soient jugés pour l’avoir escroqué. Enquête

Les baveux se crachent parfois l’un sur l’autre au risque de salir leurs robes. Le 1er septembre 2009, le bâtonnier de Nevers s’attaque à une affaire qui fait jaser la ville et la région depuis plusieurs années. Il saisit le conseil de discipline de la cour d’appel de Bourges pour engager des procédures disciplinaires contre deux avocats, soupçonnés d’avoir escroqué un… autre avocat : Roland Fontaine.

« Je comprends toujours pas ce qui a bien pu se passer, j’ai toujours été cool » lance cet avocat de 58 ans, un brin rock’n’roll, mais toujours abasourdi, semble-t-il, par les derniers coups de cymbale qu’il vient de recevoir ces dernières années par son ancien associé Maître Mazet, aujourd’hui à la retraite. « On s’entendait très bien, on était même ami. On partageait des bouffes, des vacances et notre cabinet d’avocat. Et puis un jour je tombe malade et dix mois après… mon cabinet, mes dossiers, tout avait disparu », résume Roland Fontaine.

Accusation d’abus de faiblesse

Ce n’est pas une leçon de magie mais plutôt des accusations d’abus de faiblesse. 25 ans durant, à Nevers, Fontaine a été associé à Claude Mazet. En avril 2006, il tombe gravement en dépression. Divorce douloureux, surcharge de travail, il est hospitalisé en cellule psychiatrique en région parisienne. « Bourré de cachetons », il sort en permission deux mois plus tard, le 29 juin 2006. « J’étais shooté à ce moment là, je me rappelle à peine de ce qui s’est passé. Je passe au cabinet… et mon associé en a profité pour me faire signer des papiers qui résiliaient le bail de notre cabinet et mettait fin à notre société de gestion commune, à effet le 31 décembre 2006. » Mazet, joint par Bakchich réfute : «  Il délire, il a signé en toute connaissance de cause. On était bien d’accord tous les deux. » Il ajoute :« Il joue les malades mais il était pas malade du tout. » Surprenant comme réponse car M. Mazet, à la suite de l’interview ne réfute pas qu’il était bien suppléant de Maître Fontaine, en charge de ses dossiers, le temps de sa maladie… Il ne nie pas non plus que trois jours plus tard, une réunion présidée par le bâtonnier Maître Maquard-Moulin, devaient se tenir afin de veiller au mieux sur les intérêts de Maître Fontaine.

Selon un avocat présent à cette réunion et qui préfère rester anonyme, Mazet « se pointe avec les papiers de dissolution en disant que c’est Fontaine qui lui avait demandé de dissoudre. Fontaine était là, au fond de la salle, complètement hagard, il n’était pas dans son état normal. » Mazet, du bout des lèvres, acquiesce que c’est bien lui qui avait demandé à Fontaine de dissoudre leur association, pour dit-il « des questions techniques », « ces locaux que nous occupions étaient des locaux loués avec un préavis de six mois, il fallait à tout prix donner au propriétaire le congé avant la fin du mois de juin pour le 31 décembre suivant. » [1]

Carcan judiciaire

Fontaine était-il en état de signer de tels papiers ? La justice le dira. Enfin si elle souhaite se manifester… la DIPJ (Direction Interrégional de la Police Judiciaire) avait enquêté et transmis ses conclusions au Parquet qui classe très rapidement l’affaire. Réouvrir l’enquête ailleurs, c’est le souhait de Fontaine, « loin du microcosme de la justice locale » et qui pourrait avoir précipité, selon lui, la décision du juge. Peine perdue, le juge d’instruction de Chartres ne se dit pas compétent et renvoie l’affaire à Nevers. Mais le juge nivernais tarde à se manifester… tant et si bien que la réforme de la carte judiciaire rend impossible l’affaire à Nevers puisque le tribunal est… supprimé. Magie, magie, la justice d’aujourd’hui… Fontaine se dit outré et milite pour que son affaire soit jugé le plus vite possible. Et si possible en toute indépendance. Pourquoi pas à Paris ? C’est le souhait de Maître Herzog – troisième avocat de Fontaine-, défenseur entre autres de Nicolas Sarkozy, et qui offre ses services gratuitement à Fontaine pour défendre dit-il l’éthique de la profession « contre des pratiques épouvantables ».

Accusation de dossiers partagés

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Fontaine, qui avait une clientèle plus nombreuse que son associé, travaillait depuis cinq ans avec une collaboratrice, Garance Agin. Selon Fontaine, «  quand je pars en maladie, elle et Mazet vont écrire sous mon nom, en s’abstenant de préciser qu’il me suppléait pendant mon absence alors que la loi les y oblige. (…) Alors que j’étais au fond du lit à l’hôpital, ils écrivaient avec mon papier et ma signature “Je vous indique que désormais mes dossiers seront suivis par Maitre Agin (ou Maître Mazet)”. » Du faux en écriture privée selon lui, (délit passible de deux ans de prison ferme). Mazet et Agin démentent. Agin se défend et déclare à Bakchich que le 6 septembre 2006, le bâtonnier de Nevers, des avocats, Mazet, Fontaine et elle-même « avons décidé d’un partage des dossiers puisque Fontaine a indiqué qu’il ne pouvait plus exercer sa profession » et elle ajoute « il était d’accord pour qu’on prévienne les clients et que les avocats reprennent la gestion des dossiers ». Version contredite par Maître Thibert, avocat à Nevers et présent ce jour-là. Joint par téléphone, il déclare : «  Il n’y a pas eu répartition des dossiers. On en a en effet discuté mais vu que Fontaine n’était pas dans un état pour dire si oui ou non il était d’accord, on a remis ça à plus tard. » Selon Fontaine, l’enquête de la DIPJ montre que Thibert n’est pas le seul à témoigner dans ce sens. Aussi n’aurait jamais été tranchée la répartition des dossiers.

Sur les courriers adressés aux clients de Fontaine, l’ex-collaboratrice de Fontaine ne nie pas avoir utilisé son en-tête « j’ai toujours utilisé son papier en-tête pour informer les clients des enquêtes en cours. Fontaine était d’accord sur tout ». Fontaine était-il capable d’être d’accord à cette époque ? Selon les avis des psychiatres que Bakchich a consultés, il ne l’était pas. Agin poursuit :-En tant que collaboratrice, on utilise le papier en-tête de son maître de stage. -Mais avez-vous précisé dans les courriers que vous étiez sa suppléante (obligation réglementaire) ? – Réponse étonnante de l’avocate : « Je n’ai jamais été informé que j’étais sa suppléante ». Maître Maquard-Moulin, bâtonnier de Nevers à l’époque, chargé de nommer et surveiller les suppléances, se refuse à tout commentaire. Fontaine, lui, est catégorique : « Maître Agin était bien informée de sa suppléance et quand bien même elle ne l’eut pas été, elle aurait dû s’abstenir de toucher le moindre dossier ». CQFD.

Furax

Fontaine constate : « ils ont pillé ma clientèle. Si un premier courrier était envoyé pour dire que “je” ne pratiquais plus, un second était envoyé dans la foulée au nom de Mazet ou Agin pour dire qu’il reprenait les dossiers ». Un de ses clients, M. Dumarais, joint par Bakchich confirme la version de Fontaine. Il déclare que l’avocat lui a déclaré en septembre 2006 que Fontaine lâchait le cabinet et qu’il reprenait son dossier, une affaire matrimoniale. Mais aujourd’hui Dumarais est furax puisque les associés de Mazet (qui ont hérité du dossier) lui demandent de payer ses honoraires. « C’est hors de question, je les ai déjà payés à Fontaine en 2006. Ce sont des pratiques de bandits. »

Rien lâcher

« Cette histoire est celle d’une mort sociale formule Fontaine. Pensant mettre fin à mes jours, j’ai préféré me battre, porter plainte et ne rien lâcher. De toute façon je n’ai pas le choix, je suis incapable de retravailler tant que la justice n’a pas fait son devoir. »

[1] Fontaine nie une quelconque échéance puisque le renouvellement du bail était automatique depuis de nombreuses années et qu’il n’y avait pas feu en la demeure… Reste que Mazet prend ses clics et ses dossiers et s’associent en fin d’année avec deux autres avocats. « Je ne pouvais pas rester seul », ajoute-t-il, faiblard, en fin d’interview.

3 réponses
  1. AMI de la 2cv
    AMI de la 2cv dit :

    Nous avons payé et acheté 9000€ une 2cv à cet avocat.
    Selon lui la voiture etait en parfait état et ne toatlisait que 4 000kms. Après expertise il s’avère que la voiture est en mauvais état , a plus de 100 000 kms et ne justifie en rien le prix payé.
    Sous pretexte qu’il est avocat et pas garagiste Fontaine ne veut rien savoir!

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