le jeudi 10 septembre 2009 à 04:00

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Une double belle et un monceau de questions, pour l’instant, sans réponse. L’évasion de Jean-Pierre Treiber, mardi 8 septembre, au matin, de la maison d’arrêt d’Auxerre, ainsi que celle de Mohamed Amrani, évanoui comme par enchantement du centre de détention de Joux-la-Ville, jettent de nouveau une lumière crue sur les conditions de détention et les dispositifs de sécurité prévus pour garantir des murs, par principe, infranchissables. Le premier, 45 ans, qui demeurait dans l’attente de son procès prévue au printemps 2010 pour le double meurtre présumé de Géraldine Giraud et de Katia Lherbier, a réussi à prendre la tangente en se dissimulant dans un camion de marchandise. Tandis que le second fugitif, 39 ans, qui avait écopé d’une peine de 18 ans ferme pour un braquage avec tentative de meurtre, s’est fait la belle en prenant place, lui aussi, dans un carton.

La Chancellerie a diligenté, dès mardi soir, aussitôt cette double évasion éventée, une enquête administrative de l’Inspection générale des services pénitentiaires (IGSP) pour interroger les personnels et tenter de mieux cerner les contours de cette double belle rocambolesque, intervenue presque à la même heure et aux conditions quasi similaires. « Elle devra apporter toutes les réponses aux questions posées par ces évasions afin que ça ne se reproduise plus », a prudemment observé, mercredi, la Chancellerie. La ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie a, quant à elle, indiqué qu’un vaste déploiement policier a été déployé pour appréhender les deux dangereux fuyards. « On met tous les moyens pour les retrouver », a insisté Michèle Alliot-Marie à la sortie du Conseil des ministres qui a « déjà demandé qu’il puisse y avoir une instruction » afin qu’on lui « donne les premières analyses ».

Responsable des ateliers

Sitôt la surprise passée, les syndicats de gardiens s’interrogent sur cette double évasion. Fâcheuse coïncidence ? Manque chronique de personnel ? Laxisme au sein des établissements ? Les professionnels avancent des bribes d’explications en ordre dispersé. D’après eux, Jean-Pierre Treiber, écroué dans au moins deux établissements depuis le 25 novembre 2004, date de son placement en détention provisoire, avait acquis la confiance de la direction de l’établissement au point d’être désigné responsable des ateliers. Il était en outre placé sous l’autorité d’un surveillant mais avait été bombardé « responsable des ateliers » parmi les détenus bénéficiant d’un travail. Dans un communiqué rageur, FO-Pénitentiaire se demande, aujourd’hui, comment le prévenu en instance de jugement a pu voir confier un tel poste alors qu’« il se trouvait isolé à Fresnes » (Val-de-Marne), la précédente maison d’arrêt où il avait été incarcéré.

Selon Céline Verzeletti, membre de la CGT pénitentiaire, ces détenus « responsables » bénéficient, en général, de « plus de liberté de mouvement ». En clair, « ils se chargent d’accueillir les livraisons, d’organiser et de récupérer le travail dans les cellules ». La maison d’arrêt d’Auxerre – 182 prisonniers pour 132 places – d’où s’est enfui Jean-Pierre Treiber héberge un « petit atelier » pouvant accueillir des dizaines de détenus. En tant que responsable, ce dernier, « était à un poste où il a pu observer comment fonctionnait la surveillance. Il est parti et personne ne l’a vu, il y a forcément une faille que l’administration devra trouver pour en tirer les conséquences en terme d’effectifs », observe Céline Verzeletti.

Plus nuancé, Claude Tournel, le secrétaire général adjoint de l’Ufap-Unsa, évoque « un concours de circonstances » qui ne doit pas faire « croire que les prisons françaises sont des passoires. ». Selon lui, Jean-Pierre Treiber a bénéficié d’un contexte favorable lui ayant permis de se soustraire à l’obligation pour les prisonniers de déjeuner le midi en cellule. Une absence qui aurait dû alerter les surveillants, dès la mi-journée, or ladite consigne « n’est plus respectée par l’Administration » avance, anonyme, un responsable régional de l’Ufap. Autre circonstance favorable d’après Claude Tournel : le surveillant affecté à l’atelier dont le détenu Treiber avait la charge « était complètement débordé » car il participait, ce jour-là, à une commission d’application des peines (CAP) statuant sur le cas d’autres détenus.

« Pas étonnés »

Autre son de cloche : Christophe Marquès, membre de FO-Pénitentiaire, met en cause les conditions de sécurité dans les ateliers qu’il décrit comme des « zones sensibles ». Et le responsable de fustiger : « Cela fait des années qu’on dit qu’il faut être très vigilant. On n’y met qu’un agent, qui doit gérer à la fois la population pénale, les livraisons, le chargement et le déchargement des camions. » Tandis que l’UFAP relève, qu’à la différence de « Fresnes, Fleury ou d’autres grands établissements », les détenus ne sont pas escortés pour s’y rendre. « Nous ne sommes pas très étonnés par l’évasion d’Auxerre car nous avons dénoncé à de nombreuses reprises les conditions dans lesquelles le personnel exerce sur ce site », se justifie à France-Soir Thomas Jacquot, le secrétaire régional adjoint de l’UFAP. Pour le gardien de prison, plusieurs raisons peuvent expliquer la belle du présumé assassin de Géraldine Giraud et de Katia Lherbier.

« L’ancienneté et la vétusté de la prison d’Auxerre expliquent, pour partie, ce qui vient d’arriver. Treiber, classé aux ateliers, a pu tranquillement analyser les failles du système pour bien préparer son évasion », déplore-t-il. Thomas Jacquot résume sans ambages le sentiment qui domine chez ses collègues d’Auxerre et de Joux-la-Ville. « Comme d’habitude, on attend toujours le pire pour prendre des mesures. La ministre pourra se rendre compte d’elle-même de ce que nous dénonçons depuis belle lurette… » En 2008, quelque 22.000 détenus, soit 38 % du total, travaillaient en prison, selon l’Administration pénitentiaire (AP), dont près de la moitié pour le compte d’entreprises ayant installé un atelier dans l’établissement.

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