Articles

09.09.09 | 17h45

Un tribunal belge a autorisé trois élèves à porter le voile dans leur école en Wallonie (sud), malgré un règlement local l’interdisant, alors qu’en Flandre (nord) le Conseil d’Etat pourrait exiger la “clarification” d’une situation qui varie d’une école à l’autre.

Le tribunal de première instance de Verviers (sud-est) a autorisé mardi trois musulmanes de 9 et 10 ans à fréquenter avec leur voile les écoles communales de Dison, une localité proche de Verviers où vit une nombreuse population d’origine immigrée, a rapporté l’agence Belga.

Et ce malgré le règlement de ces écoles, qui interdit tout “couvre-chef” à l’intérieur de leurs locaux.

En dépit de cette décision du tribunal, les trois fillettes se sont à nouveau vues refuser mercredi l’entrée de leur école, selon Belga.

La liberté qu’ont, en Belgique, les directeurs d’établissement d’autoriser ou non le port du voile est également remise en cause en Flandre (nord), en particulier à Anvers, où plusieurs manifestations ont eu lieu depuis la rentrée devant deux lycées publics ayant décidé d’interdire le port du foulard à partir du 1er septembre.

Une lycéenne, qui avait introduit la semaine dernière une plainte devant le Conseil d’Etat contre cette décision, a obtenu une première victoire, selon la presse belge.

L'”auditeur” (rapporteur) de la plus haute juridiction administrative belge a estimé mardi que les directions d’école n’avaient pas le droit de prendre ce type de décision, prérogative relevant selon lui de l’administration centrale, qui chapeaute quelque 700 écoles publiques en Flandre.

A l’heure actuelle, un tiers de ces écoles interdisent le foulard, un autre tiers l’autorisent, tandis que le règlement du troisième tiers ne stipule rien sur la question, selon le quotidien néerlandophone De Standaard.

La décision du Conseil d’Etat, d’abord annoncée pour ce vendredi, “ne sera pas rendue avant mardi 15 septembre”, a indiqué jeudi un porte-parole de la juridiction administrative, sans être en mesure d’indiquer de date précise.

Si elle suit l’avis de son “auditeur”, la décision du Conseil d’Etat obligera les autorités à adopter une position uniforme sur une question qui divise l’opinion, estime De Standaard.

Jusqu’ici, les responsables politiques francophones et néerlandophones se sont bien gardés de trancher, laissant les chefs d’établissement fixer la norme, au nom de leur connaissance du terrain.

Sans-papiers . Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, hier, le recours contre la procédure d’expulsion de Joao Abel Gabriel.

« Écoeurement », « stupeur », les amis et soutiens du petit Chama et de son père étaient sous le choc, hier soir, après la décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de maintenir en rétention Joao Abel Gabriel. « Il est expulsable à tout moment, sans son fils, qui reste en France et devrait être placé à la DDASS », explique son avocate Me Herrero. « Comment un magistrat peut-il considérer comme légal de séparer un fils de son père ? » s’emporte Jean-Michel Delabre, du Réseau Éducation sans frontières.

Le matin pourtant, chemise blanche, médaille de foot autour du cou et baskets neuves, Chama s’était fait beau pour plaire au juge du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui devait statuer sur l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) pris à l’encontre de Joao Abel Gabriel. Du haut de ses cinq ans, le petit garçon a compris que cette journée est décisive pour sa vie future. Vivra-t-il avec son père en France ? En Angola, pays où il n’a jamais mis les pieds ? Ou sera-t-il placé et son père, lui, ramené de force en Afrique ?

Interpellé le 26 août dernier à Roissy alors qu’il allait y chercher du travail, cet Angolais de quarante-quatre ans sans papiers a été mis en rétention. L’oeil rivé sur leurs quotas, les forces de l’ordre ont oublié son petit garçon, Chama Dieumerci, né en France il y a cinq ans et scolarisé à Saint-Denis. La mère ayant été déchue de ses droits, Joao élève seul l’enfant. Depuis une semaine, c’est la petite amie de Joao, âgée de vingt-deux ans, qui s’occupe de Chama.

« L’audience a été très dure, raconte l’avocate Catherine Herrero. Le papa de Chama a pris la parole pour dire que son fils allait entrer en CP et qu’il aimerait bien l’accompagner. » Visiblement prête à tout pour expulser ce père de famille, la préfecture avait commis un mémo dénonçant « l’éducation déliquescente de l’enfant ». L’avocate s’emporte : « C’est tout bonnement scandaleux ! Ils font référence à une mesure d’assistance éducative qui concerne principalement la mère et indique, au contraire, que le père s’occupe très bien de son fils. Obsédés par la politique du chiffre, ils oublient toute considération humaine. » Car cet APRF viole des conventions internationales signées par la France qui garantissent le droit à la vie familiale et prône l’intérêt supérieur de l’enfant. À plusieurs reprises, le père a essayé de régulariser sa situation. En 2002, il était débouté du droit d’asile et, en 2006, de la circulaire Sarkozy, qui promet pourtant la régularisation aux parents d’enfants scolarisés.

Au tribunal, la directrice de l’école maternelle Puy-Pensot, où était scolarisé Chama ces dernières années, avait pourtant apporté son soutien et celui de l’équipe pédagogique, certifiant, lettres à l’appui, la participation et l’investissement du père dans la scolarité de son enfant. Ce matin, Chama aurait sans doute voulu, comme tous les enfants de France, tenir la main de son papa, pour entrer au CP.

Marie Barbier

De Alix RIJCKAERT (AFP) –

Laura Dekker, une jeune navigatrice à la voile de 13 ans au tribunal d’Utrecht le 24 août 2009.

UTRECHT, Pays-Bas — Laura Dekker, une jeune Néerlandaise de 13 ans, voulait commencer en septembre un tour du monde à la voile en solitaire, mais un tribunal saisi par les services de protection de la jeunesse a mis son projet entre parenthèses vendredi.

Le tribunal pour enfants d’Utrecht (centre des Pays-Bas), qui a placé Laura sous “assistance éducative temporaire” pour deux mois, a estimé que son “développement psychologique et sa santé pouvaient courir un risque si elle partait bientôt”.

Les juges ont ordonné une enquête sur les “capacités” de l’adolescente à affronter les “risques” que comporte son périple de deux ans et réexamineront son cas le 26 octobre au cours d’une audience à huis clos.

“Les parents vont devoir négocier toutes les décisions importantes au sujet de Laura avec les services de protection de l’enfance. Ceci signifie que Laura ne peut commencer son voyage autour du monde sans (leur) accord”, a précisé le tribunal dans un communiqué.

Les juges ont indiqué qu’ils attendaient de l’enquête “une meilleure compréhension de la façon dont le voyage a été préparé et (qu’elle permette de savoir) quelles mesures de sécurité ont été prises”.

“Nous allons montrer que tout est bien organisé et que c’est une entreprise raisonnable”, a réagi devant la presse l’avocat de Laura, Peter de Lange, qualifiant le jugement de “très bonne décision”.

Les juges ont également nommé un expert psychologue, chargé d’évaluer les “capacités psychiques” de la jeune fille et son aptitude à “prendre en charge elle-même son éducation” pendant son périple.

L’adolescente, qui a organisé elle-même son voyage et vaincu les réticences initiales de son père, prévoit de suivre des cours par internet et restera en contact avec sa famille via téléphone satellitaire.

“Laura sait exactement ce qu’elle veut, c’est une sportive de haut niveau, toutes ces qualités font d’elle presque une adulte”, a assuré Me de Lange. “Elle est née sur un bateau, elle a du sel dans le sang”.

Née dans un port de Nouvelle-Zélande à une époque où ses parents effectuaient un tour du monde à la voile de sept ans, Laura veut devenir la plus jeune navigatrice à réaliser un tour du monde à la voile en solitaire, avec escales et assistance, à bord de son voilier Guppy, un Hurley 800 de 8,3 mètres.

Selon son avocat, ce retard “ne met pas en péril” les chances de Laura d’établir ce record, détenu depuis jeudi par un jeune Britannique de 17 ans, Mike Perham. Son voyage, financé par des parraineurs, coûtera “plus de 100.000 euros”; a indiqué Me de Lange.

Laura, qui a reçu son premier voilier à six ans, avait traversé seule en mai la Manche pour atteindre l’Angleterre. Elle avait été retenue quelques jours par les autorités, inquiètes, jusqu’à ce que son père vienne la chercher et lui permette de repartir seule.

L’adolescente, qui aura 14 ans le 20 septembre et vit sur un bateau avec son père près d’Utrecht, était absente vendredi. “Laura est en mer sur son voilier aujourd’hui pour échapper aux médias”, a expliqué l’avocat.

Le tribunal d’Utrecht avait été saisi par le Conseil de la protection des enfants qui lui avait demandé de “suspendre l’autorité” des parents de la jeune fille. Une audience à huis clos s’était déroulée lundi à laquelle avaient assisté Laura et son père.

Les services de protection de la jeunesse avaient été alertés par la mairie de Wijk Bij Duurstede, la commune où vit Laura, après que son père eut demandé en juillet une dispense de scolarité obligatoire pour la durée du voyage .

Copyright © 2009 AFP. Tous droits réservés.

Published on Bibliobs (http://bibliobs.nouvelobs.com)

By Denis Robert
Créé 27/08/2009 – 15:19

A un mois de l’ouverture du procès Clearstream 2, où il comparaîtra pour «recel d’abus de confiance», Denis Robert [1] publie un nouveau roman («Dunk», le 3 septembre chez Julliard) et répond à nos questions. Sur les ressorts de la crise et son rôle dans l’affaire Clearstream, mais aussi sur les criminels financiers, que ce journaliste observe depuis dix ans, et leurs paradis fiscaux. Entretien

* * *

BibliObs. – Depuis le début de la crise financière, on assiste à une déferlante de déclarations de guerre aux  paradis fiscaux. Qu’en pensez-vous ?

ROBERT Denis 1-2_0.jpg

©Arnaud Février/Flammarion
Né en 1958, ancien journaliste à «Libération», écrivain, père de trois enfants, Denis Robert alterne romans («Le Bonheur», «Je vais faire un malheur»), films («Histoire clandestine de ma région»), et livres d’enquêtes comme «Pendant les “Affaires”, les affaires continuent» (1996). Ses démêlés judiciaires avec Clearstream ont commencé avec la parution de «Révélation$» (2001) et «la Boîte noire» (2002).

[1]

Denis Robert. – Tout le monde joue en mode «transparency». Les paradis fiscaux sont effectivement au cœur du cyclone. Gouvernements et banquiers cherchent des parades pour sortir des «bad lists» de l’OCDE. Il y aurait beaucoup à dire sur les critères et la qualité de ces listes.

BibliObs. – Par exemple ?

D. Robert. Elles ne sont pas assez radicales. Elles sont faites sous la pression des Etats. Les critères de sélection sont discutables. Les informations fournies par les paradis fiscaux restent floues et peu vérifiables. Tout se fait dans la précipitation. Mais c’est un début. Et on voit bien que contrairement à ce qu’on nous faisait croire – souvenez-vous de Jospin qui avouait sa démission face aux puissances économiques – les politiques peuvent avoir un réel pouvoir quand ils sont acculés. On l’a vu avec Obama qui a poussé UBS à lever une partie de son secret bancaire. Et à un degré moindre avec Nicolas Sarkozy amenant Jean-Claude Junker à trouver des accords de divulgation avec le Luxembourg. C’est embryonnaire compte-tenu de l’ampleur des dégâts. Et si l’opinion et les médias ne maintiennent pas une pression, le soufflé va retomber.

BibliObs. – Et que vous a inspiré le dernier G20 ?

D. Robert. Les annonces du G20 sont évidemment sans rapport avec la réalité des marchés financiers. Il rentre dans un simple canton suisse deux fois plus d’argent que dans les quatre pays – Costa Rica, Uruguay, Malaisie et Philippines – cités par le sommet comme étant les plus noirs de la planète ! Seulement, même si elles sont critiquées, les annonces du G20 passent. Elles participent du bruit ambiant. On est en situation de crise. Les risques de débordement et de blocage existent. Les politiques redoutent le chaos social. Ils n’ont de cesse de prendre le pouls des citoyens, de construire des messages ad hoc et la stratégie pour les faire passer. On joue la montre et l’isolement des différents lieux où des luttes pourraient dégénérer. On en revient à la maîtrise de la communication.

BibliObs. – Selon vous, le climat est à l’insurrection ?

D. Robert. La crise financière internationale a entraîné et va encore entraîner des gens dans le chaos. Les salariés licenciés par paquet de cent, de mille, y sont. Les étudiants qui ont fait grève cette année n’en sont pas loin. Ceux qui grossissent les rangs des Don Quichotte y sont, évidemment. Les fins de mois vont être de plus en plus difficiles pour de plus en plus de gens. C’est une évidence statistique. Une autre évidence est qu’on n’a jamais été aussi près d’un ralliement entre les différentes victimes des dérives du capitalisme financier. Les manifs du printemps l’ont montré: même les syndicats avaient peur. Les gens, même malheureux, même acculés, restent lucides. L’insurrection est une idée romantique sur le papier…

BibliObs. – Depuis 1996, date à laquelle vous fédériez des juges européens autour de «L’appel de Genève» contre les paradis fiscaux, vous mettez en garde contre la circulation de cet argent invisible. Pensez-vous que la crise vous donne raison ?

D. Robert. Je ne vais pas m’en réjouir. Une crise liée à la criminalité financière était inévitable. Nous sommes nombreux à avoir essayé d’alerter les politiques à ce propos. Bernard Bertossa, Edmondo Bruti Liberati, Gherardo Colombo, Benoît Dejemeppe, Baltasar Garzon Real, Carlos Jimenez Villarejo et Renaud Van Ruymbeke ne sont pas des naïfs, ni des utopistes. Ce sont des magistrats anticorruption qui, par cet appel, demandaient la création d’un espace judiciaire européen pour lutter contre les malversations financières.

BibliObs. – Comment expliquez-vous que des mesures aient tant de mal à se mettre en place ?

D. Robert. Il y a un problème d’information. Plus le public sera informé sur ce qu’on peut appeler «les circuits de l’argent invisible» [2], plus la pression se fera sur les politiques et donc sur les banquiers. Les politiques ont laissé les banquiers s’auto-contrôler depuis tant d’années. J’avais posé la question en 2002 à Jean-Claude Trichet alors gouverneur de la Banque de France du contrôle exercé sur les filiales des banques françaises à Vanuatu ou à Caïman. M’inspirant des listings de comptes de Clearstream, je lui avais livré des faits précis. Il avait répondu que ces filiales de banques françaises dépendaient des autorités judiciaires des pays en question. Le patron de la COB avait confirmé. L’hypocrisie du système est résumée dans ces réponses. Aujourd’hui elles ne pourraient plus passer. Donc, la situation évolue positivement. La crise financière internationale fait que le citoyen se sent en droit de demander des comptes à ceux qui ont profité d’un système et entraîné des catastrophes financières et humaines pour des millions d’individus.

BibliObs. – Qu’est-ce qui pourrait évoluer, concrètement ?

D. Robert. Par exemple, le rôle des chambres de compensation internationales dans la régulation des marchés financiers. D’ailleurs Barack Obama est en train de créer une chambre de compensation internationale pour les banques américaines qui va concurrencer les deux chambres de compensation européennes existantes : Clearstream et Euroclear [3]. Ces deux multinationales ont le monopole du marché obligataire. Elles sont présentes sur toute la planète et dans tous les paradis fiscaux. Elles voient passer chaque année près de 150 trillions d’euros (150 000 000 000 000 000 000 €). Contrôler les flux de ces monstres financiers permet d’avoir un contrôle sur l’évasion fiscale.

«On a fourgué des emprunts toxiques aux plus pauvres»

BibliObs. – Qui pourrait lancer une telle initiative en Europe ?

D. Robert. Le Parlement européen en commençant par voter une commission d’enquête.

BibliObs. – Dit comme ça, ça paraît simple…

D. Robert. Je me souviens de la remarque d’un responsable de l’Olaf (Organisme de lutte anti-fraude lié à la Commission de Bruxelles), Sylvain Lecou, que nous avions interviewé en 1997 pour «Journal intime des affaires en cours» : «Votre appel est une belle idée sur le papier mais dans les faits c’est impossible. Il nous faut contacter les chancelleries de chaque pays.» [4] Sur la question judiciaire, les politiques – même les plus européens – sont souverainistes. Ils restent cadenassés dans cette idée que la justice doit d’abord être le fait d’une nation. La crise financière pourrait débloquer cette situation. Le crime financier est sans frontières. Plus il y a de règles protégeant les Etats, plus il y a de frontières, plus le crime financier prospère. Plus les Etats adoptent des règles communes, plus ils affichent une volonté politique forte de lutte contre ce crime financier, moins il prospère…

BibliObs. – Etablissez-vous un lien direct entre la crise et la criminalité financière ?

subprime.jpg

D. Robert. Les subprimes dont on dit qu’ils sont à l’origine de la crise sont – au départ – un crime financier. Le  livre de Richard Bitner, «Confessions of a Subprime Lender: An Insider’s Tale of Greed, Fraud, and Ignorance» (chez Wiley-Blackwell) a été best-seller aux USA en début d’année. C’est le témoignage d’un «lender» (prêteur) repenti. Il raconte de l’intérieur comment il prêtait de l’argent en se moquant de savoir si l’emprunteur pouvait le rembourser. Son job, à l’instar d’un Madoff, consistait à faire payer par d’autres le produit d’un vol.

BibliObs. – Comment ça, un vol ?

D. Robert. Certaines banques font passer pour un service (prendre votre argent, le transformer en compte bancaire…) ce qui devrait être un devoir. Ces banques ont inventé un business : le commerce de notre argent. Il fonctionne sur des promesses et la gestion du temps. C’est un univers très complexe si on le prend par petits bouts, mais simple à comprendre si on prend du recul. Les banquiers vendent en chaîne des promesses de remboursements.  Qu’on appelle ça «obligation», «warrant» ou «hedge funds», cela participe du même esprit de spéculation. Plus ces banquiers vendent, plus ils s’enrichissent. Ils mettent en place un casino virtuel où ils sont les seuls joueurs à ne pas perdre.

Dans la mesure où les systèmes de contrôle n’ont plus fonctionné, où le libéralisme s’est laissé gagner par la tricherie, le jeu s’est vicié. Les subprimes en sont la dernière preuve visible. On a fourgué des emprunts toxiques aux plus pauvres. Richard Bitner, le  prêteur» repenti, explique comment tout le monde savait, dans le milieu bancaire, à quel point son job était au départ illégal. Mais vu l’ampleur du phénomène et l’absence de contre-pouvoir, la vente d’emprunts, dont on savait qu’ils ne seraient pas remboursés, est devenu légale.

BibliObs. – Où est le vol ?

D. Robert. Les plus pauvres en bas de la chaîne ont été volés. Leurs maisons ont été volées. Mais comme chacun – chaque lender, chaque chef de lender –  avait une vision parcellaire de son histoire et comme leur arnaque arrangeait  la hiérarchie, le vol a perduré et pris cette ampleur cataclysmique. Les boursicoteurs ont ensuite été volés. Puis les contribuables puisque, en définitive, ce sont les Etats qui ont renfloué les caisses des banques.

«Des masses financières immenses sont entre de moins en moins de mains»

BibliObs. – D’ailleurs les banques semblent s’en sortir, non ?

D. Robert. Il est possible qu’on soit en sortie de crise. Ce n’est pas sûr. On voit aujourd’hui un double mouvement. D’abord, les Etats, qui paient très cher les erreurs des banquiers. Ensuite, ces mêmes banquiers qui jouent à créer des groupes de plus en plus gros. En France, on voit BNP racheter Fortis ou les Caisses d’Epargne épouser les Banques Populaires. En Europe et aux Etats-Unis, c’est la même chose. Des masses financières immenses sont entre de moins en moins de mains. Qui nous dit que ces concentrations, ce gigantisme, soient la meilleure réponse à la crise ?

BibliObs. – Mais les banquiers sont-ils seuls en cause ?

D. Robert. Ils ont su utiliser et corrompre au fil des ans toute une chaîne d’acteurs respectés. Les sociétés de notation, les auditeurs, les commissaires aux comptes ont fermé les yeux. Les politiques aussi. Cette accumulation de renoncements a produit les effets visibles aujourd’hui. Le problème est politique avant d’être judiciaire. Les subprimes sont le signe d’un mal endémique qui couve depuis longtemps. Il a fallu une catastrophe pour un peu ouvrir les yeux. Les avantages acquis par les criminels financiers et leurs complices puis les complices des complices sont tels qu’il est très difficile de changer les règles du jeu.

BibliObs. – Quel regard portez-vous sur les «Big Four» ?

D. Robert. Il n’y a pas si longtemps ils étaient cinq… Depuis la chute d’Enron et de l’auditeur Arthur Andersen, fin 2001, ils ne sont plus que quatre. Les «Big Four» sont les 4 multinationales qui ont le monopole de l’audit. Elles contrôlent les comptabilités de toutes les multinationales, trusts, banques importantes de la planète. Ce sont les plus grosses compagnies d’avocats d’affaires internationales. Elles collaborent avec les gouvernements. Elles font dans le conseil, la gestion de patrimoine, l’optimisation fiscale, les audits, le nettoyage de bilans, l’arbitrage. Les solutions à la crise passent par une remise en cause de ces organismes de contrôle. Il est inimaginable de laisser perdurer un système où le contrôleur est payé par le contrôlé. Un môme de maternelle le comprendrait. Quand Enron a sauté, Arthur Andersen a suivi. Personne ne pouvait l’imaginer. On vient de subir 50, 100 affaires Enron. Et les «Big Four» continuent à gérer la crise… avec l’argent des Etats.

BibliObs. – Vous proposez une métaphore originale : un parallèle entre l’argent invisible de la finance internationale et la matière noire en astronomie…

matiere-noire_0.jpg

DR

D. Robert. Je ne suis pas sûr que ce soit très original… La notion de matière noire est fascinante. Son inventeur est un astrophysicien suisse Fritz Zwicky. Dans les années 1930, il expliquait que l’univers était constitué à 95% d’une antimatière ayant une densité. On explique aujourd’hui les trajectoires stellaires grâce à cette antimatière. De la même façon on ne peut pas comprendre le fonctionnement de l’économie si on ne prend pas en compte la matière noire de l’univers financier. Depuis une trentaine d’années, la criminalisation de la finance s’est développée. Y compris pour des raisons structurelles. L’informatique a décuplé les possibilités de fraude, de dissimulation. Mi-octobre 2008, François Fillon [5] déclarait à l’Assemblée nationale : «Des trous noirs comme les centres offshore ne doivent plus exister. Leur disparition doit préluder à une refondation du système financier international.» La crise financière internationale actuelle rend cette matière noire plus… visible.

BibliObs. – L’informatique a-t-elle sécurisé les échanges financiers ?

D. Robert. Bien sûr. Elle représente aussi un piège formidable pour les fraudeurs pour une raison que j’ai compris en enquêtant sur Clearstream. Il y a toujours des traces en informatique. Même les dissimulations ou les écrasements de fichiers laissent des traces. Mettez ce que vous venez de taper et enregistrer dans la poubelle de votre ordinateur. Videz la corbeille. Un informaticien sera capable de le reconstituer. Imaginez que ce soit un virement de vingt millions de dollars vers une banque des Fidji…

BibliObs. – Vous allez vous retrouver le 21 septembre prochain avec  un ex-Premier ministre, Dominique de Villepin [6], et l’ex-dirigeant d’EADS, Jean-Louis Gergorin, au centre d’un procès qui va être très médiatisé.

D. Robert. C’est un procès fourre-tout, le procès d’une époque. Celle des officines et des manipulations d’Etat. C’est un procès règlement de comptes qui peut aussi devenir le procès de l’appareil judiciaire, voire du journalisme. Il va durer un mois à raison de trois ou quatre après-midi par semaine. Ce sera comme un grand spectacle. C’est une pièce de théâtre. Assimilable à une comédie plus qu’à une tragédie. Il y a une salle, la première chambre civile du TGI de Paris, des acteurs, des critiques, un public… Si tout va bien, on aura droit à quelques envolées et à quelques coups de théâtre. La différence avec le théâtre c’est qu’à la fin il y a un verdict. Il y a 41 parties civiles constituées à ce jour. Ça signifie qu’une soixantaine d’avocats au moins vont jouer des manches.

Dunk-Denis-Robert.jpg

BibliObs. – Que voulez-vous dire?

D. Robert. Les magistrats qui vont nous juger soldent les comptes d’une situation viciée où la justice et ses acteurs ont été instrumentalisés à des fins politiques.  La présence de Dominique de Villepin et sa guerre avec Nicolas Sarkozy sont déterminantes. Sans eux, il n’y aurait pas eu de procès. En tout cas, pas de cette nature.

=> LIRE LA SUITE… [7]

Propos recueillis par Anne Crignon

Toute l’actualité littéraire [8]

Revenir à la Une de Bibli [9]Obs.com [9]

Site Internet certifiée par l'OJD
La fréquentation de ce site est certifiée par l’OJD
Plan du site | Contacts | Publicité | Conditions d’utilisation | Données personnelles | Copyright | Conception

© Le Nouvel Observateur – Tous droits réservés. nouvelobs.com est une marque exclusive du Nouvel Observateur. Haut de page Haut de page

Un samedi soir anodin en apparence. Le 7 mars dernier, David (*) gare son véhicule à la lisière du Vieux-Lille et de l’Esplanade. Le jeune homme voit arriver un groupe de garçons. L’un d’eux l’interpelle : « T’es homo ? » « Oui. » Et là…

« Une agression ouvertement homophobe », un « caractère prémédité », une « bande de jeunes »… Les propos peuvent paraître stéréotypés. Émanant de la bouche de la procureure Françoise Guillemin, ils évoquent ce qui ressemble à un acte strictement gratuit. Un samedi soir de mars, vers 1 h du matin, David, la trentaine, s’apprête à rejoindre des amis dans le Vieux-Lille. Face à l’Esplanade, un groupe de jeunes gens fond sur lui. « L’un d’eux m’apostrophe : “T’es homo ?, relate David. Je réponds : “Oui.” Et ils me tombent dessus. »

Tabassage en règle

À la police, la victime rapportera plus tard une séance de tabassage en règle. Celle-ci ne cessera qu’après l’intervention d’un passant. Une fois alertés, les policiers se mettront en chasse dans les environs. Ils remonteront trois personnes dans leurs filets. D’ailleurs, hier, Catherine Vannelle, l’avocate de David, ne décolérait pas. Seuls deux hommes ont finalement été poursuivis. « Pour le troisième, nous allons étudier la possibilité d’une citation directe », s’emporte Me Vannelle. Et le duo convoqué à l’audience ne pourra même pas transmettre le message.

Ni Jérémy M., ni Johann L., 20 ans chacun, ne se sont déplacés et aucun avocat ne les représente.

« J’étais pourtant venu leur faire face, souffle David, dépité. Même si je me suis déjà expliqué avec eux en confrontation. » La victime parle ouvertement d’« embuscade ». Elle dénonce les agressions homophobes méconnues car non suivies par des dépôts de plainte. Surtout, David ne cache pas sa peur. Il ne veut pas courir le risque d’être reconnu, y compris par sa famille. Il ne faut citer ni son nom ni son métier. Dans la salle des pas perdus, un ami venu le soutenir lâche : « Moi, je passe au tribunal dans quelques semaines. J’ai été agressé pratiquement au même endroit et pour ainsi dire dans les mêmes circonstances. » Jérémy M. et Johann L. ont chacun été condamnés à six mois de prison ferme. •

L. B.

V(*) Le prénom a été changé à la demande de la victime.

vendredi 21.08.2009, 04:43 La Voix du Nord

Selon le vice-procureur Valérie tavernier, le jeune homme aurait avoué son geste à un camarade. Photo PQR

Selon le vice-procureur Valérie tavernier, le jeune homme aurait avoué son geste à un camarade. Photo PQR
Selon le vice-procureur Valérie tavernier, le jeune homme aurait avoué son geste à un camarade. Photo PQR

Le quadruple homicide commis par l’adolescent corse est le dernier d’une longue série. Depuis quinze ans des adolescents ont commis des meurtres dans leur famille.

26 février 1995. Six personnes de nationalité russe sont tuées à l’arme à feu dans une luxueuse villa de Louveciennes (Yvelines). Alexi, 16 ans, reconnaît être l’auteur du carnage et avoir tué son père, sa belle-mère et quatre autres adultes pour se venger des «brutalités» paternelles. Il revient plus tard sur ses aveux, évoquant la piste d’un règlement de compte mafieux visant son père, un homme d’affaires. L’adolescent est condamné en 1998 à huit ans de prison par la cour d’assises des mineurs des Yvelines. Il passe cinq ans en prison avant de bénéficier d’une libération conditionnelle.

24 septembre 1995. Un adolescent de 16 ans tue sa mère, son beau-père et son demi-frère à coups de carabine, puis s’acharne sur leurs corps à coups de marteau, au domicile familial de Solliès-Pont (Var). Il se rend ensuite à pied au village de Cuers, situé à quelques kilomètres et tire sur les gens qu’il croise: dix morts supplémentaires. L’adolescent se suicide peu après d’une balle dans la tête.

25 septembre 2000. Un adolescent de 15 ans assassine ses parents, les poignardant chacun d’une trentaine de coups de couteau à leur domicile de Lebetain (Territoire de Belfort). Pour expliquer son geste, le garçon évoque un «trou noir» et raconte avoir entendu «des sons, des bruits, des voix». En 2004, l’adolescent a été relaxé à Besançon, la justice ayant considéré qu’il était fou au moment des faits.

27 octobre 2004. Un adolescent de 14 ans tue à coups de fusil de chasse ses parents et son petit frère et blesse grièvement sa sœur dans leur maison d’Ancourteville-sur-Héricourt, près d’Yvetot (Seine-Maritime). Il tire successivement sur sa mère, sa sœur, son petit frère et enfin son père, en retournant régulièrement au salon pour regarder une cassette du dessin animé «Shrek». En 2005, l’adolescent est condamné à 18 ans de réclusion criminelle par le tribunal pour enfants de Rouen.

LaDepeche.fr

NOUVELOBS.COM | 13.08.2009 | 14:10

Une veuve demande au Centre d’études et de conservation des oeufs et du sperme de lui permettre de récupérer le sperme congelé de son mari, décédé d’un cancer, afin de se faire inséminer artificiellement en Espagne.

Une veuve demande à récupérer le sperme congelé de son mari, mort d'un cancer, afin de procéder à une insémination artificielle en Espagne (Sipa)

Une veuve demande à récupérer le sperme congelé de son mari, mort d’un cancer, afin de procéder à une insémination artificielle en Espagne (Sipa)

La demande d’une veuve de 39 ans de récupérer le sperme congelé de son mari auprès du Centre d’études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS), sera examinée le 23 septembre par le Tribunal de Grande Instance de Rennes, a annoncé jeudi 13 août le greffe du tribunal. Celui-ci a confirmé avoir reçu de la veuve, Fabienne Justel, une assignation en référé du CECOS de Rennes, mais a précisé que les avocats des deux parties avaient demandé un report de l’audience au 23 septembre, alors qu’elle était initialement fixée le 13 août.
Fabienne Justel avait fait cette demande dans le but de se faire inséminer artificiellement en Espagne, où la fécondation in-vitro post-mortem est légale. Le CECOS a refusé, la loi française ne permettant pas cette opération post mortem.

“Faire évoluer les mentalités”

Gilbert Collard, l’avocat de la veuve, a souligné que cette affaire devait permettre de “faire évoluer les mentalités”, et éventuellement d’inciter le parlement à modifier la loi.
Lundi, Fabienne Justel avait affirmé sa détermination à récupérer les “paillettes” de son mari auprès du Centre d’études et de conservation des oeufs et du sperme (Cecos) de Rennes qu’elle poursuit en justice. “Pour nous, un enfant était notre projet de vie. Cet enfant est très attendu par toute la famille”, a-t-elle expliqué lors d’une conférence de presse. D’après ses déclarations, elle a été surprise par le refus du Cecos, auquel elle n’était pas du tout préparée. Elle a alors affirmé que si elle l’avait su, elle aurait sans doute réalisé avec son mari “un dépôt de sperme dans un autre pays”. Bien que son mari Dominique, épousé peu de temps avant son décès, n’ait pas donné son accord écrit à une insémination post-mortem, elle a estimé qu'”il était consentant car il avait renouvelé plusieurs fois son dépôt de sperme, le dernier quelques mois avant son décès alors qu’il se savait condamné”.

Nombreuses réponses des parlementaires

La veuve avait évoqué sa situation à Rennes le 11 juin lors de l’un des débats publics organisés dans le cadre des Etats-généraux de la bioéthique. Elle a envoyé une lettre à tous les parlementaires pour leur soumettre son cas, a indiqué avoir reçu “de très nombreuses réponses”. “Il y a du pour et du contre, mais il y a plus d’opinions favorables à ma cause”, a-t-elle affirmé.
Interrogée par l’AFP, la direction du CHU de Rennes, auquel est rattaché le Cecos, a pour sa part indiqué que son chef de service avait rencontré à plusieurs reprises Fabienne Justel. “Il lui a expliqué que la loi ne permettant pas une fécondation in-vitro post-mortem, il ne pouvait pas donner suite à cette demande, mais il lui a cependant dit qu’il ne procéderait pas à la destruction des gamètes”.
Pierre Le Coz, philosophe et vice-président du Comité national consultatif d’éthique, a estimé de son côté que l’interdiction de l’insémination post-mortem en France alors qu’elle est autorisée dans d’autres pays était “une question culturelle“. “L’enfant serait d’emblée et volontairement orphelin de père”, a-t-il relevé, en évoquant les conséquences psychologiques et juridiques possibles d’une telle situation.
Le rapport des Etats généraux de la bioéthique, visant à préparer un réexamen par le Parlement de la loi de 2004, indique que l’avis issu du Forum de Rennes consacré à ce sujet est “très réservé sur le transfert post-mortem”, qui devrait être “analysé au cas par cas“.
(Nouvelobs.com avec AFP)

Une militaire transgenre a été déboutée par la justice de sa requête de changement de nom, a-t-on appris mardi auprès de son avocat. Reconnue femme par son employeur, l’armée de l’air, celle-ci se fait prénommer Delphine mais l’état-civil retient toujours son prénom de naissance, Thierry, d’où sa démarche devant le tribunal. Les magistrats de la chambre civile du tribunal de grande instance de Nancy n’y ont pas donné suite en estimant que Delphine Ravisé-Giard n’avait pas justifié de “l’irréversibilité de sa transformation homme-femme” dans la mesure où elle conserve “des organes génitaux reproducteurs masculins.