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DENYS DE BÉCHILLON ET MARC GUILLAUME (*)

[ 17/12/09  ]

Le Club des juristes A partir du 1 er  mars, tout justiciable pourra contester la conformité avec la Constitution d’une disposition législative. Le Conseil constitutionnel vient de préciser le fonctionnement de ce nouveau dispositif.

L’article 61-1 de la Constitution confère à tout justiciable le droit de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Cet article, issu de la révision constitutionnelle de l’été 2008, nécessitait d’être précisé dans une loi orga-nique. Celle-ci vient d’être examinée par le Conseil constitutionnel, qui l’a jugée, le 3 décembre, globalement conforme à la Constitution.

Rappelons à grands traits le dispositif retenu par le Parlement. La question de constitutionnalité peut être soulevée au cours de n’importe quel procès. Le juge saisi du litige procède sans délai à un premier examen, destiné à s’assurer que l’argumentation présente un minimum de consistance. Il vérifie d’abord que la loi contestée est applicable au litige ; ensuite, que la disposition considérée n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution ; enfin, que le doute sur sa constitutionnalité n’est pas dépourvu de caractère sérieux.

Si ces critères sont réunis, la question de constitutionnalité est renvoyée, selon le cas, à la Cour de cassation ou au Conseil. Elles disposent de trois mois pour déterminer si le Conseil constitutionnel doit être saisi. Dans l’affirmative, lui seul pourra dire si la disposition législative porte atteinte à la Constitution et prononcer son abrogation.

Dans sa décision du 3 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a précisé le sens et la portée de divers éléments de ce dispositif. Prenons les principaux. En premier lieu, il a confirmé que la question de constitutionnalité ne pourra pas être posée devant la cour d’assises, essentiellement pour éviter les manoeuvres dilatoires en cours d’audience. Mais le justiciable n’est pas privé pour autant du droit de poser une question de constitutionnalité pendant toute la durée de l’instruction, ou après que la sentence a été rendue.

Problème inédit

En deuxième lieu, le Conseil précise ce que veut dire l’idée selon laquelle une disposition législative déjà déclarée conforme à la Constitution ne peut être contestée à nouveau « sauf changement des circonstances » :  il faut qu’ait eu lieu soit une évolution des règles constitutionnelles elles-mêmes, soit une mutation du contexte de droit ou de fait en fonction duquel la loi a été élaborée.

En troisième lieu, le Conseil éclaire diverses facettes de la situation relative de la Constitution et des traités internationaux. D’une part, c’est la supériorité de la Constitution dans l’ordre national qui justifie que ces questions soient traitées par priorité si le requérant soutient en même temps que la loi est contraire à la Constitution et au droit international ou communautaire. D’autre part, rien ne s’oppose à ce que, lorsque le Conseil aura conclu à la validité d’une disposition, le justiciable puisse continuer à discuter sa conformité aux traités devant les juridictions nationales puis, le cas échéant, devant la Cour européenne des droits de l’homme. La priorité au débat constitutionnel n’est donc ni un cul-de-sac ni un dispositif dirigé contre le droit européen.

En quatrième lieu, le Conseil a indiqué ce que signifie qu’il puisse être saisi lorsque « la question est nouvelle ou présente une difficulté sérieuse ». Il faut soit qu’une loi pose un problème inédit, au sens où elle met en cause une règle dont le Conseil n’a pas encore eu l’occasion de faire application, soit qu’elle pose un problème suffisamment important pour justifier de n’être pas « filtré » par la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat.

En cinquième lieu, le Conseil a formulé une réserve d’interprétation pour garantir que le justiciable puisse toujours bénéficier de l’abrogation obtenue par lui. Il a également admis que certains éléments de procédure soient complétés par décret. Le dispositif voulu par le constituant de 2008 est donc prêt à fonctionner. Ce sera le 1er mars 2010. Une page essentielle de l’histoire juridique française se tournera ce jour-là.

Les Echos

L’OMP de Rennes Monsieur DEFEBVRE comparait devant le Tribunal correctionnel de Rennes sur citations directes de trois plaignants, le 6 novembre prochain pour délit de concussion et abus de pouvoir, est-ce le début de la fin des rejets arbitraires?

Les contestations sur les radars automatiques sont gérées par le centre automatisé des radars à Rennes, qui centralise les PV et les contestations des avis de contravention, ces fameux papiers verts que l’on reçoit dans nos boites aux lettres après avoir été flashés, c’est ensuite l’OMP de Rennes qui reçoit la contestation et qui répond.

Or, de manière abusive, nombreux contrevenants buttent sur ce genre de réponse :

« Rejet de votre requête…motif: Requête non motivée ou non formulée.

Conformément aux dispositions de l’article R49-18 du Code de procédure, la somme que vous avez versée est considérée comme un paiement de l’amende forfaitaire »

Que faire devant cet abus de pouvoir par lequel le Ministère public se substitue au magistrat du siège et décide seul comme juge et partie que la consignation vaut paiement et que le PV est régulier !!

A ce stade deux hypothèses où vous êtes dans le délai de 45 jours pour refaire partir une contestation régulière si l’erreur de forme est rectifiable, ou vous attendez l’arrivée de l’amende forfaitaire pour contester dans le délai de 30 jours (mais elle n’arrive en principe jamais car l’OMP l’a dit tout seul , il y a un paiement), ou vous abandonnez comme le souhaite le Trésor Public..

En réalité à ce stade le recours à un conseil avisé est essentiel pour contester cet abus de pouvoir car devant ce genre de réponse-type impersonnelle et méprisante, une solution réside dans l’application de l’article 530-2 du Code de procédure pénale, soit un incident d’exécution par voie de requête devant le Juge de Proximité compétent.

L’argumentation sur la recevabilité de cette requête est à ce stade assez technique, et la Cour de Cassation a d’ailleurs rendu un avis favorable sur la question en jugeant que la prescription applicable dans cette hypothèse, est la prescription de la peine.

Ainsi, les exigences de transparence de la gestion des contestations se manifestent sous le poids des contrevenants insatisfaits et Monsieur DEFEBREVRE, Officier du Ministère Public à Rennes devra s’expliquer de ses classements sans suite abusifs devant le Tribunal correctionnel, et s’il ne trouvait rien dire pour sa défense? L’audace de ces plaignants serait récompensée et on ne peut donc que souhaiter bonne chance à notre téméraire confrère à l’initiative de cette rébellion au combien nécessaire..

Vanessa FITOUSSI Avocat

WWW.FITOUSSI-AVOCAT.COM

Quatre à cinq fois par an, la cour d’assises de la Loire est en session à Saint-Etienne. Tout citoyen peut être appelé à faire partie du jury. Le point sur la procédure de désignation des jurés

La procédure de désignation des jurés comporte trois étapes. Chaque année, en général en juin, les mairies de la Loire procèdent à un premier tirage au sort, à partir des listes électorales. Environ 1 600 noms de citoyens ligériens sont ainsi tirés au sort pour figurer sur la « liste préparatoire ».

Le nombre de noms tirés dépend de l’importance de la commune (1).  Cette liste est adressée au greffe de la cour d’assises. Généralement (mais ce n’est pas systématique) les mairies informent les personnes y figurant. Celles-ci reçoivent alors une première fiche de renseignements à remplir.

En septembre, une commission composée de magistrats, avocats, conseillers généraux est réunie pour examiner les demandes de dispenses. Elles ne manquent pas. Il y a de nombreux rejets, déjà à ce niveau, souvent pour des raisons d’ordre médical ou professionnel.

A l’issue de cette première phase, un nouveau tirage au sort est réalisé pour former la « liste annuelle » composée de 568 noms, dans la Loire, qui est transmise aux communes. Et puis, avant chaque session d’assises, après élimination des personnes ne remplissant pas les conditions requises, un nouveau tirage au sort est effectué pour désigner les 40 jurés titulaires et 12 suppléants appelés à siéger. Le greffe leur adresse un courrier au moins quinze jours avant le début de la session. A ce niveau-là, des dispenses peuvent être présentées. Elles seront étudiées par le président.

Enfin, pendant la session, avant chaque dossier étudié, (le matin, à 9 heures en général) neuf jurés (ou douze en appel) sont tirés au sort pour juger une affaire.

Peut-on refuser d’être juré ? Non, mais vous pouvez demander d’être dispensé : si vous avez plus de 70 ans, si vous n’habitez plus le département où la Cour va siéger. Vous pouvez aussi invoquer un motif grave (maladie justifiée par certificat médical), ou incompatible avec la fonction (surdité, incapacité à rester assis longtemps, impératifs familiaux -problèmes de garde-ou professionnels -artisans, déplacements à l’étranger-). Un employeur ne peut s’opposer à la convocation d’un salarié. La demande de dispense doit être envoyée au président de la cour d’assises.

Le code de procédure pénale fixe une liste conséquente de conditions exigées. En voici quelques-unes : être de nationalité française, avoir au moins 23 ans, savoir lire et écrire le français, n’avoir jamais été condamné à une peine de prison supérieure à 6 mois, ne pas avoir rempli cette fonction au cours des cinq dernières années, ne pas exercer les fonctions de ministre, député, préfet, militaire ou policier en activité, membre de l’administration pénitentiaire, ne pas être fonctionnaire révoqué, officier ministériel destitué, etc.

Alain Colombet

acolombet@leprogres.fr

> NOTE

(1) Par exemple 139 noms ont été tirés au sort à Saint-Étienne, 11à Rive-de-Gier.La loi prévoit un juré pour 1300habitants