Le lundi 16 novembre en première partie de soirée, Canal+ proposera à ses abonnés un documentaire inédit, Justice sous tutelle. Un film de Thierry de Lestrade et Brigitte Vital-Durand.
Srlon Christine Cauquelin, directrice des documentaires de Caanl, le documentariste Thierry de Lestrade s’est intéressé à l’état de la justice en France. “Une justice dont la représentation est pleine de paradoxes puisqu’on la dit “trop lente et trop expéditive“, “sans moyen et coûteuse“, “débordée et nonchalante“, “implacable et laxiste“, “souveraine et dépendante“. Le malaise de l’institution n’est pas nouveau. Chaque garde des Sceaux, chaque ministre de la Justice envisage sa réforme, l’affaire d ’Outreau ayant été l’expression paroxystique de ce malaise, créant une rupture profonde entre les Français et leur justice. Trois ans après, les choses ont-elles changé ? Thierry de Lestrade nous plonge au coeur d ’une machine judiciaire en pleine ébullition dont il révèle les zones de tension”.
Ce documentaire est le portrait d’une justice en déroute, dressé par ceux qui la rendent. De l’auditeur de justice, encore à l’école, au président de chambre en passant par le représentant du parquet ou le juge d ’instruction – menacé de disparition –, cette mosaïque de destins dessine, de l’intérieur, le vrai visage de la justice en France.
Mais le malaise est encore plus profond : une double tutelle pèse sur les 8 000 magistrats de France, qui immobilise durablement la justice. Tutelle qui relie les procureurs à la chancellerie par un cordon ombilical institutionnel, avec les célèbres “affaires signalées“. Et, plus insidieuse, la tutelle s’imposant à tous, d ’une hiérarchie ancestrale, inamovible, qui mesure et sanctionne, avec notes et appréciations, le moindre de leurs gestes. Car rien n’est égalitaire dans le monde de la justice, l’organisation est ainsi faite que l’on a envie de monter.
Double culture de la soumission et de l’avancement qui pèse, use et tire l’idéal de justice vers le plan de carrière. Les magistrats se débattent sous les pressions et revendiquent malgré tout leur indépendance. L’un d ’entre eux a claqué la porte. Il ne supportait plus l’arrogance, la soumission, l’indifférence. Les autres ont gardé leur robe : dans le secret de leur cabinet, ou en train de rendre la justice, ils montrent leurs blessures et leurs obligations. Parfois, lors d’une fête syndicale, rare espace de liberté, ils s’amusent d ’eux-mêmes. Ce film est un portrait sans concession de tout un système.
Quelques chiffres :
• Le Conseil de l’Europe attribue à la France la 35e place sur 45 pays membres, selon la part du produit intérieur brut (PIB) octroyée à la justice.
• Avec 6,6 milliards d ’euros en 2009, l’État français consacre 0,8 % de son budget à la justice ; l’Allemagne, deux fois plus.
• La France débourse 53 euros par habitant et par an pour la justice ; l ’Allemagne, 102 euros ; la Grande- Bretagne, 80,5 euros ; l’Italie, 68,1 euros.
• La France est 35e sur 47 si on compare le nombre de magistrats pour 100 000 habitants. Et 38e sur 41 pour le nombre de greffiers par juge.
• Avec 8 140 magistrats, la France compte 12 magistrats pour 100 000 habitants. Pour l’Allemagne, c’est le double, avec 23 000 magistrats.
• Avec 255 condamnations par la CDEH pour violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l ’homme, sur le respect du “délai raisonnable” de jugement, la France est à l’avant-dernière place sur 45 pays. C’est l’Italie la dernière.
• 82 000 peines de prison ferme n’étaient pas exécutées en 2009.
• Un juge du siège rend en moyenne sur l’année 447 décisions civiles ou 221 décisions correctionnelles.
• Un juge de l’application des peines suit 113 condamnés détenus et 351 personnes en milieu ouvert.
• Un juge d ’instruction a dans son cabinet 94 affaires en cours, il reçoit 54 affaires nouvelles par an.
• Le délai de traitement des affaires est de 7 mois devant la cour d’appel de Bourges. 12,8 mois pour la cour d ’appel d’Agen. 17 mois devant la cour d’appel de Paris. 20 mois devant la cour d’appel d ’Aix-en-Provence.
• Le tribunal de Limoges est en état de cessation de paiement, depuis le 10 juillet 2009.
• La cour d ‘appel de Versailles avait épuisé depuis le 28 mai 2009 les crédits annuels lui permettant d ‘honorer les frais de justice.
• Dans le ressort de la cour d’appel de Caen, il a été demandé aux présidents de moins solliciter les juges de proximité, faute de pouvoir les rétribuer, les budgets dédiés étant quasiment épuisés fin juin.
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