Publié le mercredi 24 février 2010 à 09H55
Le président Raymond walkiewick aurait-il oublié l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme stipulant que chacun a droit à un procès équitable?
N’EST pas Raminagrobis ou le roi Salomon qui veut. Et il y a des jugements de parité dont le plateau de la balance penche dangereusement vers la forfaiture.
Lors de son jugement du 17 novembre dernier, déboutant les parties de l’ensemble de leurs demandes, renvoyant dos à dos le petit lapin et la belette, la vraie mère et la fausse, au prix d’un magnifique pied de nez à la justice, le président Raymond Walkiewick devait avoir oublié l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme stipulant que chacun a droit à un procès équitable. Il devait aussi méconnaître les règles du code de l’organisation judiciaire qui lui enjoignent de faire démissionner un juge « en relation d’affaire avec l’une des parties » et ainsi faire respecter l’article 111-7 qui stipule que « Le juge qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer par un autre juge spécialement désigné ». Malheureusement, ce 17 novembre, le président du tribunal de commerce de Sedan, M. Walkiewick, n’a pas veillé au respect de ces principes et on se demande bien pourquoi.
Car le vice était flagrant. L’un de ses assesseurs, Jean-Pierre Moreaux, agent exclusif d’AGF-Allianz à Charleville, l’un des plus gros portefeuilles des Ardennes, était « en affaire » avec le plaignant Paul Vannet, puisque l’assureur de son entreprise et de ses véhicules.
Une relation suffisamment forte qu’elle pourrait expliquer la décision, en sa faveur, du tribunal, le mépris qu’il a eu du rapport d’expertise dressé le 31 mai 2008 suite à sa demande formulée le 13 mars 2007. Et d’autres escarbilles qui auraient dû conduire ce tribunal, selon l’expertise de M. Claude Leroy, expert comptable judiciaire près la Cour d’Appel de Reims, à condamner M. Vannet à de lourds dommages et intérêts. Des éléments qui tendent à faire franchir le Rubicon et voir dans ce jugement, des explications plus graves qu’une simple erreur d’appréciation.
Chercher la femme
D’autant que l’affaire était somme toute assez banale. Dans les Ardennes, la distribution des boissons est assurée pour 70 % des parts de marché par la société « Ardial » du groupe « Sodex » (ex-Sorco) qui assure plus de 7 % du marché national de cette activité. Un gros morceau qui laisse toutefois 30 % du marché ardennais à 17 entreprises locales dont trois grosses parmi lesquelles on retrouve la SA Vannet (la belette de la fable) et les Etablissements Blaise (le petit lapin).
Jean-Michel Blaise, de Nohan-sur-Semoy, est dans le métier depuis toujours. Il est même tombé dedans quand il était petit, puisque son père, son grand-père et son arrière-grand-père l’avaient précédé au chevet des cafetiers et des collectivités. Son père Gaston brassait même sa propre bière jusqu’en 1960.
La vocation de Paul Vannet, de Lonny, est plus récente. C’est après avoir quitté son patron de Tournes plus spécialisé dans la clientèle des particuliers et des associations, que M. Vannet s’est mis à son compte… dans le même registre et en déployant des méthodes déjà contestables. Mais c’est à partir de 2003 qu’il a inscrit son activité en concurrence directe aux Etablissements Blaise.
Dans ce type d’affaire, il convient souvent de « chercher la femme ». Eh bien, elle y est.
Rahma est plutôt jolie et ensorceleuse. Elle était la secrétaire de Jean-Michel Blaise jusqu’au 29 avril 2004, date à laquelle elle est passée avec armes, bagages et fichiers clients, chez l’adversaire Paul Vannet. Elle y est allée aussi avec sa garde-robe.
Car si au plan privé, elle n’était que la grande copine de l’ex-amie de M. Blaise, c’est avec le statut de compagne qu’elle s’est installée chez Vannet. Et entre la vengeance par procuration et la nouvelle idylle, elle a trouvé matière à nourrir son ambition.
Elle va donc tout faire, y compris des faux en écriture, pour couler Blaise au profit de Vannet. Elle va même réussir à détourner un autre des employés de son ex-patron, le chef de dépôt, et à le ramener en son clan.
Les procédures vont donc commencer. Entre demandeur principal et demandeur reconventionnel, les joutes vont se succéder. Le tribunal de Commerce pouvait y mettre un terme. Sa décision entachée d’un favoritisme coupable sera remise en question par le tribunal d’Appel de Reims. Une juridiction plus scrupuleuse et moins sensible aux copinages.