Une Justice non indépendante serait insultante. Pourtant, le « patron » de la Justice Française s’appelle désormais Nicolas Sarkozy. Président de leur Conseil Supérieur, le Président de la République est en capacité de faire la leçon aux magistrats. Et aucun président de la Cour de Cassation tout Vincent Lamanda qu’il soit, n’est en mesure de lui répondre sur les sujets qui fâchent, comme celui de l’absolue confusion entre le Siège -qui juge- et le Parquet -qui poursuit et accuse. Seul le premier est indépendant. Mais il est profondément influencé par le second, lui savamment, structurellement dépendant, avec le Chef de l’Etat au sommet d’une hiérarchie sensée à l’origine garantir l’efficacité du système et l’égalité des citoyens devant la Loi mais qui permet plus souvent de « faire le ménage ».

Articles

NOUVELOBS.COM |

Le premier syndicat de magistrats dénonce le “mépris” de la garde des Sceaux qui a qualifié les avocats et les magistrats de corps “très sournois”.

Déplacement de Rachida Dati, garde des sceaux a l'Ecole Nationale de la Magistrature, en avril 2008. (Sipa)

Déplacement de Rachida Dati, garde des sceaux a l’Ecole Nationale de la Magistrature, en avril 2008. (Sipa)

L‘Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) a dénoncé jeudi 14 mai le “mépris” de la ministre de la Justice Rachida Dati qui a qualifié les magistrats et avocats de “très sournois”.
L’USM a indiqué relever dans les propos de Rachida Dati “une nouvelle fois une marque de mépris”.
La ministre de la Justice avait été invitée par le mensuel Entreprendre d’avril avec d’autres personnalités comme l’ancien ministre socialiste des Affaires étrangères Roland Dumas, avocat de formation qui a déclaré à propos de la contestation de la nouvelle carte judiciaire fin 2007 que les magistrats et avocats étaient des “corps très réactifs”.
“Et très sournois”, a ajouté Rachida Dati. “J’ai fait de nombreux déplacements sans aucune difficulté, mais la charge est arrivée par derrière. Je trouve que c’est complètement déloyal”, a-t-elle ajouté à propos du tollé suscité dans les professions judiciaires par son projet de redécoupage des juridictions.

Entreprise de dénigrement

L’USM a déclaré être “scandalisée par ces propos” et a “exigé des explications sur ce qui ne peut pas être un simple dérapage verbal”.
Le premier syndicat de magistrats s’est inquiété aussi “de la participation active de la garde des Sceaux à l’entreprise de dénigrement de l’image des magistrats auprès de l’opinion publique”.
L’USM a indiqué qu’elle “envisageait une action en justice pour répondre à cette attaque gratuite”. (Nouvelobs.com)
Sur Internet

La suppression de la fonction de juge d’instruction voulue par Nicolas Sarkozy risque d’entraver l’action de la justice dans les dossiers qui gênent le pouvoir politique, estime l’influente organisation anticorruption Transparency International dans un rapport publié mercredi.

Cette Organisation non gouvernementale (ONG), dont la plainte est notamment à l’origine de l’ouverture récente d’une enquête contre les biens de trois dirigeants africains, dresse dans ce document un premier bilan de l’action du président français en matière de lutte contre la corruption.

La suppression du juge d’instruction, indépendant par son statut, et son remplacement pour les dossiers importants par le parquet, lié au pouvoir politique, comporte selon Transparency International un risque majeur.

“Le risque est grand que l’action de la justice ne soit même plus initiée dans des dossiers de corruption, de trafic d’influence ou d’abus de biens sociaux susceptibles de gêner des dirigeants politiques ou économiques”, écrit l’organisation.

Le projet, annoncé par Nicolas Sarkozy en janvier, est actuellement à l’étude dans une commission de réflexion sur la procédure pénale, qui l’a appuyé dans un rapport intermédiaire. Le calendrier de la réforme, vivement combattue par la magistrature, n’est pas connu avec précision.

L’actualité vient de fournir une illustration des craintes de Transparency, le parquet ayant fait appel de la décision d’une juge d’instruction parisienne d’ouvrir une enquête sur les biens français de chefs d’Etat africains.

Transparency critique aussi le projet restreignant l’accès des juges à des lieux sensibles tels que la présidence de la République, des ministères, les services secrets ou les sièges de grandes sociétés, disposition figurant dans le projet de loi de programmation militaire pour 2009-2014.

Cette réforme prévoit que serait désormais restreint, voire interdit, l’accès des juges aux lieux “susceptibles d’abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale” et aux “locaux d’entreprises privées intervenant dans le domaine de la recherche ou de la défense”.

UN “PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA RÉPUBLIQUE”

“Mises en perspectives avec l’affaiblissement continu ces dernières années des différents corps d’enquêteurs spécialisés en matière de délinquance financière, ces deux annonces sont perçues par de nombreux magistrats comme les points d’orgue d’une ‘réaction des élites’ à la vague des dossiers politico-financiers des années 90”, écrit Transparency.

L’organisation suggère donc à l’Elysée de renoncer à la réforme concernant le secret-défense et, s’il supprime le juge d’instruction, de créer un “procureur général de la République”, nommé par le Parlement à une majorité des 3/5e afin de garantir l’indépendance du système judiciaire.

La loi devrait permettre aux associations d’agir contre la corruption, avance-t-elle aussi.

Transparency salue en revanche l’action de Nicolas Sarkozy au niveau international pour l’encadrement des pratiques des paradis fiscaux, qui a connu un début d’application.

Le rapport suggère au gouvernement de “concrétiser” l’annonce du ministère de l’Economie, qui a promis d’exiger des banques françaises ayant des filiales dans ces pays de rendre leurs activités plus transparentes.

L’ONG salue aussi une loi de novembre 2007 qui offre aux salariés du privé une protection légale contre les représailles éventuelles de leurs employeurs lorsqu’ils dénoncent une pratique de corruption dans leur entreprise.

Rappelant par ailleurs que Nicolas Sarkozy s’était engagé à un renforcement des moyens matériels d’action du pôle financier du tribunal de Paris, Transparency constate que cette promesse n’a pas été tenue, les moyens étant stables.

Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse

LE MONDE

STRASBOURG ENVOYÉ SPÉCIAL

C’est une audience importante pour l’avenir de la justice française qui s’est tenue, mercredi 6 mai, devant la formation la plus solennelle de la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg. Au détour d’une affaire de droit commun, l’interpellation de trafiquants de stupéfiants par la marine nationale, la Cour pose en effet la question du statut des procureurs en France.

Le 10 juillet 2008, en première instance, la Cour avait affirmé : “Le procureur de la République n’est pas une autorité judiciaire”, en précisant : “Il lui manque en particulier l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir ainsi être qualifié.”

Les 181 procureurs de la République et leurs substituts sont-ils des magistrats, garants des libertés individuelles, comme le prévoit la Constitution ? Ou ne sont-ils que des préfets judiciaires, soumis aux injonctions du pouvoir exécutif, dans les affaires sensibles comme en matière de lutte contre la délinquance ?

Le gouvernement n’affiche pas d’inquiétude, mais si cet arrêt est confirmé, d’ici à la fin de l’année, il relancera un vif débat, sur une des réformes que le candidat Nicolas Sarkozy avait mise dans son programme en 2007 sans lui donner de suite à ce jour : séparer le corps judiciaire en deux, entre les juges, indépendants, et les procureurs. Il intervient au moment où le chef de l’Etat, en annonçant la suppression du juge d’instruction, propose un nouveau renforcement des pouvoirs du parquet et relance le débat sur son indépendance.

La Constitution de la Ve République a inscrit les procureurs dans un statut ambigu, à la fois soumis au pouvoir politique et indépendant, puisque, “à l’audience, leur parole est libre”. Mais, depuis 2002, la pratique de l’exécutif a nettement renforcé le lien hiérarchique. Rompant avec la pratique de la gauche entre 1997 et 2001, la majorité UMP a revendiqué le retour des instructions dans les dossiers particuliers et un contrôle hiérarchique resserré des procureurs par le garde des sceaux. A plusieurs reprises, Rachida Dati a déclaré : “Je suis la chef des procureurs.”

Depuis 2007, la mutation contre leur gré de plusieurs magistrats de haut rang, la nomination contre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de procureurs de premier plan, dont Philippe Courroye à Nanterre dans les Hauts-de-Seine, et la gestion controversée des affaires médiatiques, en dernier lieu celle de Tarnac, ont été perçues comme autant de signes de reprise en main politique.

Mercredi, à Strasbourg, l’avocat Patrice Spinosi est seul face aux vingt juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour dénoncer le manque d’indépendance des magistrats du parquet. De l’autre côté de la barre, huit personnes représentent le gouvernement français, et le défendent contre cette “présentation caricaturale”, selon les termes d’Edwige Belliard, directrice des services juridiques au ministère des affaires étrangères. Au premier, juste derrière l’étiquette “gouvernement”, se tient le procureur de Paris, Jean-Claude Marin.

Une délégation de la Cour de cassation a fait le déplacement à Strasbourg pour l’occasion. Depuis juillet 2008, l’arrêt Medvedyev est comme une épée de Damoclès qui pèse sur les magistrats du parquet, attachés à leur statut. “Les magistrats du parquet sont amovibles, révocables et soumis aux sanctions du pouvoir”, plaide Me Spinosi. “Cette subordination est loin d’être théorique, elle est réelle. Depuis 2004, l’autorité du garde des sceaux se fait sentir avec plus de force”, poursuit l’avocat qui énumère des exemples récents d’intervention du pouvoir : de la mutation contre l’avis du CSM du procureur général d’Agen à l’automne 2007, à la convocation nocturne du procureur et d’un substitut de Sarreguemines (Moselle), à la demande de la ministre de la justice, après le suicide d’un mineur à la prison de Metz. Il cite aussi la convocation d’un vice-procureur de Nancy pour des propos tenus à l’audience, critiquant les peines planchers, alors que l’un des piliers du statut des magistrats du parquet est leur liberté de parole à l’audience.

Me Spinosi avait l’embarras du choix, tant les exemples d’interventions du ministère de la justice ont été nombreux. A la veille de l’audience de Strasbourg, le CSM a voté un avis défavorable à la mutation forcée du procureur général de Riom (Puy-de-Dôme), Marc Robert, en fonction depuis 2000, auquel la chancellerie reproche d’avoir exprimé ses réserves sur la réforme de la carte judiciaire et l’application des peines planchers pour les récidivistes.

De son côté, le gouvernement français s’est volontairement tenu à l’écart de ce débat mercredi, en se focalisant sur le fond de l’affaire : les circonstances dans lesquelles, en 2002, un bateau de trafiquants de drogues a été arraisonné par la marine française et neuf membres de son équipage arrêtés au large du cap Vert – conditions qui, selon la CEDH, n’ont pas respecté “les voies légales” en raison des traités internationaux alors en vigueur.

Le commentaire de la Cour sur le statut du parquet intervient en appui de sa démonstration. Il n’est pas l’argument premier qui a fait condamner la France. C’est au nom de la violation de l’article 5-1 sur le droit à la liberté et à la sûreté de la Convention européenne des droits de l’homme que la France a été sanctionnée. Le gouvernement français constate que la Cour n’a posé de question sur le statut du procureur, ni lors de son instruction, ni lors de cette deuxième audience. L’indépendance du parquet, “ce n’est pas le sujet”, insistait Jean-Claude Marin, en sortant de l’audience. En espérant convaincre la Cour que les conditions d’arraisonnement étaient légales, le gouvernement pense faire tomber l’argument sur le statut du parquet.

Mais le problème restera en suspens, car l’arrêt Medvedyev s’inscrit dans une jurisprudence constante de la CEDH, qui pousse les Etats à renforcer les conditions nécessaires pour que les membres du parquet aient un statut de magistrat. Comme le résume le premier avocat général à la Cour de cassation, Régis de Gouttes, dans un article à paraître dans les Cahiers de justice (Dalloz/ENM) : “Il doit être indépendant de l’exécutif et des parties, impartial et non subordonné directement à ses supérieurs hiérarchiques.” M. de Gouttes ajoute que la CEDH “contrôle de plus en plus rigoureusement le respect et l’effectivité” de ces conditions. La CEDH rendra son arrêt d’ici à la fin 2009.
Alain Salles

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NOUVELOBS.COM |
En 2006, un commerçant de 58 ans avait tué un cambrioleur qui tentait de le voler. Le procureur requiert un non-lieu pour l’homme et une mise en accusation pour les deux complices.

Un commerçant de 58 ans avait tué un cambrioleur qui tentait de le voler. Le procureur requiert un non-lieu pour l’homme et une mise en accusation pour ses 2 complices.

Un commerçant de 58 ans avait tué un cambrioleur qui tentait de le voler. Le procureur requiert un non-lieu pour l’homme et une mise en accusation pour ses 2 complices.
(c) Reuters
Le procureur de la République de Créteil a requis un non-lieu à l’encontre d’un commerçant qui avait tué en 2006 à son domicile de Nogent-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, un malfaiteur venu le cambrioler, a-t-on appris vendredi 24 avril de source judiciaire. Le procureur a également requis la mise en accusation des deux complices du cambrioleur pour tentative de vol à main armée, a ajouté la même source, confirmant une information du Parisien/Aujourd’hui en France.
Le juge d’instruction, qui peut suivre ou non les réquisitions du procureur, n’a pas encore statué, a souligné la source judiciaire.

“Aucunement utile et positif”

Me Tarik Abahri, l’avocat de la famille du cambrioleur décédé, a déclaré que ce non-lieu ne serait “aucunement utile et positif car on envoie un message selon lequel un citoyen peut se faire justice lui-même et cela peut compromettre la paix sociale”.
“Si humainement on peut comprendre la réaction du commerçant en raison d’un sentiment d’insécurité, sur le plan légal, les éléments ne sont pas réunis pour justifier la légitime défense car il n’y a pas de proportionnalité”, a-t-il poursuivi.

2 complices interpellés

Le 27 octobre 2006, trois hommes s’étaient introduits au domicile d’un directeur commercial en textile de 58 ans pour le voler. Ce dernier avait réussi à retourner l’arme d’un des assaillants blessant l’un d’eux âgé de 26 ans, connu des services de police, et qui était ensuite tombé par la fenêtre du premier étage, faisant une chute de quatre mètres. Touché à trois reprises, dont deux dans le dos, il avait succombé à ses blessures et ses deux comparses avaient pris la fuite.
Les deux complices, âgés de 23 et 27 ans à l’époque, avaient été interpellés quelques jours plus tard.

“Honnête homme”

Le commerçant avait quant à lui été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire, suscitant une réaction de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.
Dans une lettre au garde des Sceaux de l’époque, Pascal Clément, il avait estimé que les Français “ont du mal à admettre qu’un honnête homme, agressé chez lui, menacé de mort avec une arme et craignant pour la vie de son épouse soit en retour mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire”

LE MONDE |

oup sur coup, deux juges d’instruction de la section financière de Paris ont vu rouge. Après Xavière Simeoni, c’est au tour d’un autre magistrat, René Grouman, d’avoir signifié au policier Patrick Hefner, patron de la sous-direction des affaires économiques et financières (Sdaef) de la préfecture de police, que la brigade financière qu’il supervise était dessaisie de l’enquête liée au groupe Casino. La décision des juges fait suite aux révélations du Canard enchaîné du 8 avril sur un embarrassant dîner au domicile de Philippe Courroye.

A la table du procureur de Nanterre – dont l’épouse travaille pour la fondation Casino -, se sont en effet retrouvés Jean-Charles Naouri, patron du groupe Casino, son avocat Paul Lombard, et M. Hefner. Or ce dernier enquête sur une série de plaintes liées au groupe de distribution en conflit avec la famille Baud, fondatrice des enseignes Franprix et Leader Price, détenues par Casino. Le litige qui oppose les deux parties dure déjà depuis deux ans, et a pris un tour judiciaire. La juge Simeoni instruit ainsi une plainte pour abus de biens sociaux de Casino versus Baud, tandis que le juge Grouman, lui, fait exactement la même chose en sens inverse, Baud versus Casino. Or, la famille Baud détenant toujours 5 % de Franprix et 25 % de Leader Price, les deux camps s’affrontent sur la valorisation de ces actions. Et chacun tente de peser sur la décision qu’un tribunal arbitral devrait rendre en juin.

Présentant au mois de mars les résultats du groupe Casino, M. Naouri avait affirmé, devant la presse, que tout devait être réglé “d’ici fin 2009”. C’est pour s’assurer que les choses allaient assez vite que la rencontre chez M. Courroye aurait été organisée…

“PRATIQUES COURANTES”

Découvrant ces agapes dans le Canard enchaîné, Mme Simeoni a alors convoqué dans son bureau M. Hefner, qui a reconnu les faits. La magistrate, considérant que cela pouvait fragiliser toute la procédure, lui a aussitôt annoncé qu’elle lui retirait l’enquête, sans avoir encore désigné quel service de police reprendrait l’enquête. Une façon aussi de démontrer l’indépendance d’un juge d’instruction très irrité par les méthodes d’un procureur.

La plupart des protagonistes refusent aujourd’hui de s’exprimer à visage découvert sur ce dossier. M. Hefner, qui jouit d’une très bonne réputation, continue de bénéficier de la confiance de sa hiérarchie et de ses collègues, mais le mal est fait. Pour certains, il s’agit de “pratiques courantes” et jamais “médiatisées”.

D’autres dénoncent un “acharnement” sur la personne de M. Courroye, mis en cause par des avocats dans le procès de l’Angolagate, qu’il avait instruit en tant que juge. Récemment décoré par Nicolas Sarkozy lors d’une cérémonie à laquelle participait l’avocat Paul Lombard, il est promis à succéder à Jean-Claude Marin au poste de procureur de Paris.

Isabelle Mandraud
Article paru dans l’édition du 03.05.09

Aux beaux jours, il se rend parfois en vélo au palais de justice.
Le bureau, encombré par des piles de livres et de dossiers, donne sur la place du Palais. Sur les murs, cohabitent des photos de famille, la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et une caricature témoignant du goût assumé du procureur pour la provocation. Sous le titre Le miel attire les mouches, le dessin montre un élu ceint d’une écharpe tricolore et entouré de mouches gourmandes en robes noires de magistrats. Éric de Montgolfier n’esquive aucune question.

Estimez-vous avoir rempli la mission impartie par la garde des Sceaux Élisabeth Guigou qui était de remettre de l’ordre à Nice ?

Ce n’était possible que dans le cadre de la loi. Sur les 23 dossiers (présentant des anomalies) transmis à mon arrivée, beaucoup étaient prescrits. Au tribunal, je pense avoir rempli l’objectif. La justice fonctionne normalement.

La justice n’a pas l’ambition de tout voir, ni de tout faire

Vous avez fait condamner plusieurs élus. D’autres responsables sont-ils passés au travers des mailles du filet ?

La justice n’a pas l’ambition de tout voir, ni de tout faire. Et puis, il y a des choses que je sais, ou que je crois savoir, et pour lesquelles je ne peux réunir de preuves. Alors, je les garde en mémoire en attendant d’être aidé par le hasard, la chance ou un témoignage.

Vous êtes à l’origine de la mise à la retraite forcée du juge Renard…

Je fus un simple révélateur. Le doigt, pour reprendre une chanson de Guy Béart, qui montre et qui, pour certains, est plus coupable que ce qu’il montre.

D’autres magistrats auraient-ils dû rendre des comptes sur le plan disciplinaire ?

Je n’ai pas le pouvoir d’envoyer quiconque devant le Conseil supérieur de la magistrature. Même si parfois, j’ai trouvé qu’on déshonorait facilement la justice.

Faut-il laisser le soin à l’institution d’exercer sa propre discipline ?

Un corps, quel qu’il soit, est toujours un peu corporatiste.

Le sentiment d’impunité, que vous fustigiez à votre arrivée, a-t-il régressé ?

C’est à mes concitoyens qu’il faut le demander. Il y a ceux qui répondront « non » parce que je n’ai pas déstabilisé leurs ennemis. Je serais un bon procureur à leurs yeux lorsque je les oublierai pour m’occuper des autres. Un franc-maçon du Grand Orient m’a lancé un jour : j’espère que vous allez nous débarrasser de Peyrat. Il n’avait rien compris

Et l’influence des milieux affairistes, maçons ou non ?

Qui peut la mesurer ? Le secret, ou la discrétion selon le terme employé, reste puissant. Maçon et affairiste, deux mots qui vont si mal ensemble. De manière générale, ce qui me trouble ici, c’est l’arrogance de la délinquance

Par exemple ?

Lorsque je fais condamner le maire de Villefranche, d’autres maires l’assurent de leur soutien. C’est étonnant. Le dernier week-end, je fais remarquer à un automobiliste mal garé que sa voiture gênait le passage d’un bus articulé. Il l’a très mal pris…

Vous ne l’avez pas verbalisé ?

(Sourire) Je n’ai pas mis autant de PV qu’on le raconte. Même si cela m’arrive de relever des immatriculations ou de rattraper une voiture de la police municipale venant de brûler un feu. Pour autant, je ne passe pas ma vie à relever des contraventions. La répression n’est pas la seule réponse.

Vous sentez-vous moins isolé qu’à votre arrivée ?

Il y a eu des moments éprouvants. Des collègues, dénonçant en interne les mêmes problèmes, n’ont pas apprécié que j’en parle publiquement. Avec ce raisonnement : ne montrons pas ce que nous sommes. Il est toujours difficile d’être procureur, ici plus qu’ailleurs. Avant d’accepter les offres des gens, on réfléchit. Qui aiment-ils, le procureur ou l’homme ?

Justement, est-il possible d’avoir des amis authentiques ?

Oui, sinon ce serait affreux. Je ne veux pas tomber dans cette paranoïa qui créerait autour de moi le désert.

Récemment vous avez dit : je me sens Niçois…

Je ne me sens pas Niçois, je suis Niçois. Depuis dix ans. C’est mon pays, car c’est aussi la France. Mais je refuse de distinguer entre les vrais Niçois et les autres.

De ces dix années, quels furent les meilleurs moments ?

Il s’agit de souvenirs personnels et non professionnels.

Et les pires ?

Le rapport (à charge) de l’inspection générale et les cris de haine l’ayant accompagné. La récente comparution en correctionnelle. Les insultes qui me suivent régulièrement, jamais en face. J’aimerais tellement que l’on vienne me le dire en face. Au moins une fois.

Vous est-il arrivé de vous tromper ?

Qui ne s’est jamais trompé ? Cela m’est arrivé dans les procédures. Faut-il interrompre un pacte de corruption, dès qu’on en a connaissance et au risque de ne pas réunir de preuves suffisantes, ou le laisser se développer et en profiter pour placer les suspects sur écoute ? J’ai souvent fait le premier choix, avec sans doute des conséquences sur les résultats.

Comme dans l’affaire Sulzer ?

Peut-être…

Dans ce dossier, un avocat affirme que vous avez cherché à atteindre le maire de Nice (Jacques Peyrat) par le biais du chef de la police municipale…

Nombre d’avocats pensent qu’ils peuvent dire n’importe quoi, sans risque. Je les regarde avec grande commisération.

Dans l’affaire Hallyday (accusé un moment de viol par une hôtesse), vous êtes-vous trompé ?

Non. Même si j’ai dit et écrit que jamais plaignante ne fut aussi maltraitée par la justice. J’ai requis un non-lieu en faveur du chanteur en considération de charges insuffisantes pour une mise en examen.

Mon rôle c’est de diriger le parquet, pas de le tenir en laisse

Après votre relaxe à Lyon, en voulez-vous aux juges d’instruction qui vous ont renvoyé en correctionnelle ?

Je n’ai aucune envie de leur tresser des couronnes. Quand je vois tout ce qu’on a fait pour justifier ma comparution, jusqu’à un jugement de 51 pages, je reste perplexe.

Votre image de magistrat à « abattre » n’en sort-elle pas renforcée ?

 Aux beaux jours, il se rend parfois en vélo au palais de justice.  :  archives Patrice Lapoirie

Voulait-on m’abattre ? J’ai peine à le croire. Si le procès a atteint ma famille, il m’a beaucoup appris sur le plan professionnel. J’imagine comment celui cité sans raison à la barre peut s’y faire mouliner. Depuis, je suis encore plus vigilant sur les preuves à charge.

« Peu m’en chaut, avez-vous dit à l’audience, d’être traité de mauvais chef de parquet ». L’important est d’être un bon magistrat…

On s’étonnait que je n’aie pas été informé de tous les détails de l’affaire en question. Mon rôle, c’est de diriger le parquet, pas de le tenir en laisse.

– Vous allez requérir dans le sulfureux dossier Cosme. Pourquoi ne pas soutenir plus souvent l’accusation ?

Vous n’avez aucune idée (ton irrité) de ce qu’est le rôle d’un chef de parquet. Il faut établir des rapports, des statistiques. On ne peut pas être partout. Quand je vais à la maison d’arrêt pour rencontrer les détenus, c’est moi qu’ils veulent voir.

Est-ce si important de vous y rendre ?

Oui. Lors de ma dernière visite, j’ai ainsi appris de la bouche d’une détenue que 47 jours de remise de peine lui avaient été illicitement supprimés. Je suis intervenu pour rétablir ses droits

Depuis 2003, et votre refus de partir à Versailles malgré l’injonction de la Chancellerie, une autre proposition vous a-t-elle été faite ?

Non.

Vous sentez-vous oublié ?

Je ne suis pas malheureux à Nice. L’important, c’est d’être utile. Et ne pas s’ennuyer, ce qui est impossible tant la délinquance est variée.

Vous avez toujours dit qu’il ne fallait pas rester trop longtemps dans un même poste…

C’est vrai. Cinq ans, c’est bien. Le risque en prolongeant, c’est de prendre de mauvaises habitudes. Je ne pense pas en avoir pris. L’avantage, c’est de bien connaître le territoire.

Pourriez-vous achever votre carrière à Nice ?

J’ai dit que j’étais disponible pour aller ailleurs. Mais ce n’est pas moi qui décide. Si je dois rester à Nice, cela sera sans aucun chagrin.

Un jour, vous vous êtes décrit en « réactionnaire de gauche »…

Pour soigner le paradoxe. Les gens de gauche me voient à droite. Et inversement.

Deux dirigeants UMP, Éric Ciotti et Christian Estrosi, disent du bien de vous. Cela vous amuse, vous réjouit ou vous agace ?

Il m’arrive de dire du bien d’eux. Pourquoi n’en diraient-ils pas de moi ? Tous deux ont compris que je n’étais pas acharné à la perte de quiconque. Je rends grâce à Christian Estrosi (alors patron du département) d’avoir avancé avec la justice dans le domaine de l’enfance. J’aurais adoré travailler de la même manière avec le maire de Nice de l’époque…
Propos Recueillis Par Jean-paul Fronzes

Nice-Matin

Nice-Matin

LE MONDE |

Le procureur général de la cour d’appel de Riom (Puy-de-Dôme), Marc Robert, a saisi le Conseil supérieur de la magistrature, qui doit l’auditionner lundi 27 avril, pour refuser sa nomination comme avocat général à la Cour de cassation. Cette décision a été prise par la ministre de la justice, Rachida Dati, “dans l’intérêt du service”. Dans une lettre adressée à ses pairs, M. Robert explique en substance qu’il refuse d’être l’une des dernières victimes de Mme Dati, avant son départ du ministère. La garde des sceaux l’avait pris à partie lors d’une réunion des procureurs généraux à propos de la carte judiciaire. Déjà, à l’automne 2007, l’ancien procureur général d’Agen, Bernard Blais, avait contesté sa nomination. Le cas de M. Robert est plus symbolique : il est l’un des derniers procureurs généraux nommé par la gauche et l’un des farouches partisans d’un changement du mode de nomination des magistrats du parquet.

Alain Salles

Laurence de Charette

Les justiciables pourront bientôt se plaindre d’un juge directement auprèsdu Conseil supérieur de la magistrature.

La responsabilité des magistrats sera bientôt accrue : Nicolas Sarkozy a annoncé mardi qu’un texte, répondant à ce credo qu’il a maintes fois défendu, devrait être présenté dans les prochaines semaines.

Alors que le Conseil su­périeur de la magistrature (CSM) s’apprête à rendre sa décision sur l’avenir du juge Fabrice Burgaud, le magistrat instructeur de l’affaire d’Outreau, le président de la République a déclaré qu’il ne «laisserait pas des affaires comme Outreau sans réponse». Une manière, sans doute, d’afficher sa détermination alors que les sages, eux, ont eu besoin d’un mois de plus que prévu pour déterminer si le jeune juge d’instruction peut ou non être sanctionné.
«Qualification disciplinaire»

Ces nouveaux textes, dont Le Figaro a pris connaissance, prévoient deux changements majeurs dans l’organisation de la justice. Ils permettront aux justiciables qui s’estiment lésés par leur juge de saisir eux-mêmes le Conseil supérieur de la magistrature, et réforment la composition du CSM lui-même.

Ces deux lois organiques sont en réalité la déclinaison de la réforme constitutionnelle votée l’an dernier à Versailles. Le projet de loi organique relatif au statut de la magistrature prévoit que «tout justiciable, qui estime, qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant, le comportement adopté par un magistrat (…) dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, peut, lorsque le magistrat visé n’est plus saisi de la procédure, saisir le Conseil supérieur de la magistrature».

Les plaintes des justiciables seront étudiées et «filtrées» par deux sections au sein du CSM, l’une pour les juges du siège, l’autre pour les juges du parquet. C’est bien le comportement du magistrat qui est visé par le texte, et non la décision de justice elle-même, qui ne peut être contestée que devant la juridiction d’appel.

Au nom de l’indépendance des magistrats, le Conseil constitutionnel a en effet déjà retoqué un texte de loi présenté par Pascal Clément, le prédécesseur de Rachida Dati à la Chancellerie, tentant d’élargir la définition de responsabilité disciplinaire.

Recours à la saisine

Le nouveau texte organique joue cette fois sur la saisine : alors que seuls le garde des Sceaux et la haute hiérarchie pouvaient jusqu’à présent transmettre un dossier litigieux à la haute instance disciplinaire, cette possibilité est ouverte aux justiciables. Dans la magistrature, beaucoup craignent que cette nouvelle procédure soit utilisée par certains pour déstabiliser les juges.

Le projet de loi organique relatif à la réforme du CSM ne touche lui pas directement les justiciables, mais il bouleverse les rapports de force entre la magistrature et le pouvoir politique – en faveur de ce dernier. Soupçonné de corporatisme, le CSM ne sera plus composé exclusivement de magistrats : les personnalités extérieures y de­viendront majoritaires. Les élus syndicaux sont écartés de la formation plénière – celle qui donne le la – au profit de la haute hiérarchie, ce qui suscite de vives protestations du syndicat majoritaire, l’USM

Guillaume Perrault

Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur et président de l’UMP, Nicolas Sarkozy a croisé le fer avec les syndicats de magistrats.

«Je ne suis pas garde des Sceaux, mais il y aurait des choses à faire dans ce secteur. Ne le répétez pas, on me prêterait des ambitions que je n’ai pas.» Ainsi s’exprimait Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, devant les élèves de l’École nationale de la magistrature, à Bordeaux, le 12 décembre 2003.

Lorsqu’il assumait les fonctions de «premier flic de France», Sarkozy ne s’était pas privé de critiquer des magistrats lors d’affaires criminelles qui avaient choqué l’opinion. Et certaines de ces polémiques avaient fait date. «L’homme soupçonné d’avoir tué un policier de 32 ans le mois dernier avait été arrêté 53 fois et condamné à 21 reprises !», avait-il ainsi tonné en octobre 2003. Sarkozy avait réclamé à cor et à cri des «peines planchers», sans craindre d’empiéter sur les plates-bandes du ministre de la Justice, Dominique Perben. Au printemps 2007, à peine après avoir quitté le ministère de l’Intérieur, le président de l’UMP avait inclus les peines planchers dans son programme lors de la présidentielle.

La responsabilité des magistrats avait aussi été l’occasion d’un bras de fer entre Nicolas Sarkozy et ­les syndicats de magistrats dès juin 2005. L’auteur supposé d’un crime de sang qui avait alors frappé les esprits – l’assassinat de Nelly Crémel, une mère de famille de 39 ans tuée en Seine-et-Marne pendant son jogging – s’était en effet révélé être un condamné à perpétuité pour meurtre, qui avait bénéficié d’une libération conditionnelle.

«Une décision aussi grave que la remise en liberté d’un assassin qui commet à nouveau un assassinat ne pose-t-elle pas la question de la responsabilité des magistrats ?», avait lancé Sarkozy, redevenu ministre de l’Intérieur. «Le juge qui a fait une faute devra payer», avait-il tranché.

http://www.lefigaro.fr/medias/2009/04/22/240ab75a-2ebb-11de-a9a4-5018d54e05d1.jpgNicolas Sarkozy entouré de Bruno Cotte, président de la Chambre criminelle de la Cour de cassation et Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de Cassation, en 2007.

Bousculé par son encombrant voisin de la Place Beauvau, qui s’était rendu aux obsèques de la victime, le ministre de la Justice, alors Pascal Clément, avait accepté de mettre à l’étude une réforme de la responsabilité des juges, qui n’avait toutefois pas abouti à un projet de loi.

«La pensée unique» critiquée

Manifestement ravi du tollé politico-médiatique provoqué à chaque fois par ses critiques contre les juges – la gauche et les syndicats de magistrats lui reprochaient d’accréditer la formule simpliste «les policiers arrêtent les délinquants, les tribunaux les relâchent» -, Nicolas Sarkozy avait in­variablement répondu à ses dé­­tracteurs en mettant en cause «la pensée unique».

Lors de la campagne présidentielle de 2007, le candidat UMP écrivait ainsi dans son programme : «Je veux que le Conseil supérieur de la magistrature soit composé majoritairement de non-ma­gistrats, que vous puissiez le saisir si vous vous estimez victimes de la négligence ou de la faute d’un magistrat.»

La réforme du CSM, adoptée lors de la révision de la Constitution en juillet 2008, ambitionne désormais de passer du discours aux actes.

» Bientôt un texte sur la responsabilité des juges

Maison de l’outre-mer, vol de sable sur un chantier… plusieurs enquêtes sont en cours.
K.L.

Les enquêtes judiciaires ne sont pas «en souffrance» dans les Hauts-de-Seine, assure-t-on au parquet de Nanterre. Au contraire : elles sont désormais rapides. Anticipant le projet de suppression du juge d’instruction, Philippe Courroye, le procureur de Nanterre, privilégie désormais la carte de l’enquête préliminaire confiée à la police à la saisine des juges d’instruction. Souvent limitées aux premiers faits relevés, ces enquêtes font l’objet de citations directes au tribunal, quand elles ne sont pas classées sans suite.

L’affaire de la SEM Coopération 92 a été ainsi classée dans la discrétion à l’automne. Cette structure créée sous Pasqua, en cours de liquidation par le département, était dotée d’un budget de 4,5 millions d’euros. Très critiquée pour son opacité, elle a été présidée par Sarkozy entre 2004 et 2005, jusqu’à ce que le commissaire aux comptes refuse d’en approuver la comptabilité. Coopération 92 avait pour priorité la construction de ponts et de salles de classe dans le haut-Ogooué, la région du président Omar Bongo, au Gabon. Le commissaire aux comptes avait révélé des présomptions d’emploi fictif concernant Alain Robert, patron de la fédération de Paris du Rassemblement pour la France (RPF), et il signalait les études réalisées par le fils d’un conseiller général, Jean-Paul Dova, sur les échanges entre le 92 et Hongkong.

«Jeté en pâture». Le parquet avait ouvert une enquête préliminaire, mais il s’est aperçu que les réquisitions bancaires avaient été effectuées sans autorisation par les policiers. Les documents ayant été «saisis de manière irrégulière», l’enquête devenait «nulle». Elle s’était restreinte aux faits de «prise illégale d’intérêts» d’un montant estimé à 80 000 euros concernant les Dova père et fils. Ce qui tombe bien puisque Jean-Paul Dova est devenu vice-président du conseil général chargé de la coopération internationale.

Autre affaire, celle de la Maison de l’outre-mer en cours de liquidation et qui fait l’objet d’une enquête préliminaire à la suite d’une plainte du département. Cette structure, créée à l’initiative de Pasqua et confiée à un membre du RPF, a été fermée par Sarkozy. Fin 2006, le conseil général a voté une subvention de 870 000 euros pour apurer le passif. «Ce qu’on a reproché à la Maison de l’outre-mer, c’est de ne pas nous avoir rendu compte de l’usage des fonds, du fait de l’importance de la subvention», explique Alain-Bernard Boulanger, premier vice-président (DVD) du conseil général. «Ce sont les liquidateurs qui ont disparu, rétorque l’un des responsables de l’association. Nos archives ont été emportées par les services du département.» La Maison de l’outre-mer, qui voulait développer des hébergements d’urgence, n’aurait pas prévu la décision du département de lui couper les vivres. «On nous a reproché aussi des conventions de remise de fonds, en espèces, pour l’organisation d’une initiative haïtienne, mais cela avait été fait en accord avec la présidence du conseil général», signale l’ex-directeur qui se plaint «d’avoir été jeté en pâture» par le département. Le parquet envisage désormais la citation directe de deux suspects.

Dernière casserole en date : en 2008, le président du conseil général, Patrick Devedjian, révèle la «disparition» d’une livraison de sable sur l’un des chantiers départementaux dont la SEM 92 est maître d’ouvrage, celui de la construction de l’IUT de Gennevilliers. Plusieurs centaines de milliers d’euros sont en jeu. Une enquête préliminaire est ouverte et en cours. «J’ignore qui a pu voler le sable, commente Boulanger, qui préside la SEM. C’est assez classique sur les chantiers.»

«Musée». La société d’économie mixte SEM 92, avec ses 90 millions d’euros d’investissement annuels, était une pièce maîtresse de l’ancien conseil général présidé par Pasqua. On la retrouve dans le dossier de la fondation Hamon, actuellement à l’instruction à Versailles : un projet de musée avorté sur l’île Saint-Germain, qui a coûté 7 millions d’euros. «La SEM 92, qui avait la maîtrise d’ouvrage du futur musée, a encaissé près de 4 millions d’euros pour rien,explique Philippe Gumery, l’avocat du donateur. Son intervention s’est limitée à l’élaboration du projet et à la destruction d’une boulangerie industrielle sur le site. Et il n’y a toujours pas eu d’enquête de ce côté-là.»