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Stéphane Durand-Souffland
La personne qui harcelait Michel Dubec a été condamnée à dix-huit mois de prison dont huit ferme.

Psychiatre, spécialiste des tueurs en série, Michel Dubec est harcelé par une ancienne patiente.

Les risques du métier ? Le docteur Michel Dubec est harcelé, depuis des années, par une ancienne patiente, Brigitte B. Assisté par Me Georges Kiejman, ce psychiatre réputé, expert agréé par la Cour de cassation, connu pour ses travaux sur les tueurs en série menés avec son confrère Daniel Zagury, a obtenu de la cour d’appel la condamnation de sa tourmenteuse à dix-huit mois de prison dont huit ferme et trois ans de mise à l’épreuve. Une autre plainte du praticien est aujourd’hui à l’instruction, qui vise des faits postérieurs.

Au printemps 2008, à l’occasion du procès Fourniret et de son épouse, Monique Olivier, Mme B. avait approché des avocats, des journalistes et même le président de la cour d’assises des Ardennes, afin de discréditer l’expert qui devait déposer. Mme B., explique Me Bertrand Burgot, le second avocat du Dr Dubec, est de surcroît «à l’initiative d’une pétition sur Internet» accusant son client de faire l’«apologie du viol». Ce texte s’appuie sur des passages tronqués, relatifs à Guy Georges, extraits du livre Le Plaisir de tuer (Le Seuil, 2007), coécrit avec Chantal De Rudder, ancienne journaliste du Nouvel Observateur.

Par ailleurs une douzaine de plaintes ont été déposées à l’ordre des médecins contre le psychiatre, qui répond de «manquement à la dignité et à l’obligation de réserve, violation du secret professionnel». «On retrouve la phraséologie de la pétition dans la plupart d’entre elles», relève Me Burgot. La chambre disciplinaire de première instance devrait examiner l’affaire d’ici à la fin de l’année. Elle peut, le cas échéant, prononcer des sanctions allant du simple avertissement à la radiation.

Enthousiasme collectif

Le livre du Dr Dubec lui a valu, ainsi qu’à l’éditeur, une condamnation insolite devant le tribunal correctionnel de Paris pour «injures à caractère racial». Il était poursuivi par Maurice Joffo, jadis expertisé par le psychiatre puis condamné à de la prison ferme pour recel, et qui s’était senti mis en cause dans l’ouvrage en raison de sa judéité. Le fait que Dubec partage la même confession – il n’en fait pas mystère au fil des pages – n’a pas joué en sa faveur. Quoi qu’il en soit, explique Me Burgot, M. Joffo grossit la cohorte des plaignants du Conseil de l’ordre, au côté du père d’une victime de Guy Georges, alors que l’expert a livré sur celui-ci, aux assises, une déposition accablante, et le terroriste Carlos, également expertisé par l’auteur. L’avocate de Carlos, Me Isabelle Coutant-Peyre, confie d’ailleurs au Figaro que son attention a été attirée sur Le Plaisir de tuer par «une de (ses) clientes… Brigitte B.».

«Il est trop facile de poursuivre un médecin sans raison valable», estime Me Burgot. Un sentiment que partage le professeur Claude-François Degos, président du conseil départemental de l’ordre : «On dit que nous sommes protégés à l’extrême, mais c’est faux», confirme-t-il. La preuve est faite qu’une dénonciation, même fantaisiste, peut susciter un certain enthousiasme collectif. Surtout si elle est véhiculée par Internet, instrument rêvé pour la contagion de ce qui peut s’apparenter à un délire.