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Le procès de Gigi Becali, le patron du club roumain de football Steaua Bucarest accusé de corruption dans une affaire remontant à mai 2008, a été suspendu mercredi à la demande des avocats, a-t-on indiqué de source judiciaire.

Les juges de la Cour d’appel de Cluj (nord-ouest) ont admis deux “exceptions de non-constitutionnalité” formulées par deux des avocats concernant les accusations visant leurs clients. Le procès reprendra lorsque la Cour constitutionnelle se sera prononcée sur ces exceptions.

M. Becali est accusé d’avoir tenté de verser 1,7 million d’euros aux joueurs du club Universitatea Cluj pour les inciter à tenir en échec le CFR Cluj, grand rival de son propre club, en fin de saison dernière. Prévenus des intentions du patron du Steaua, les procureurs du Parquet anticorruption (DNA) avaient interpellé quelques minutes avant la fin du match cinq personnes en possession d’une valise contenant 1,7 million d’euros.

M. Becali a rejeté les accusations à son encontre, affirmant que l’argent était destiné à l’achat d’un terrain à Cluj.

Parmi les accusés figure également le sélectionneur national Victor Piturca, accusé d’avoir “favorisé l’auteur de l’infraction” en signant comme témoin un pré-contrat portant sur la transaction. Selon les procureurs, ce document représente un faux destiné à cacher la véritable destination des 1,7 million d’euros saisis à Cluj.

Point de vue
Une imposture bulgare ?, par François Frison-Roche
LE MONDE | 14.02.09 | 13h30  •  Mis à jour le 14.02.09 | 13h30

ingt ans après la fin du régime communiste et deux ans après son entrée dans l’Union européenne, la Bulgarie n’est pas à la hauteur des attentes qu’elle suscitait parmi ses partenaires. Au-delà de la suppression récente de fonds d’adhésion pour fraudes, elle inquiète au point que la mise en application de la clause de sauvegarde en matière judiciaire prévue à l’article 38 du traité d’adhésion est évoquée par certains Etats membres. Depuis de nombreuses années, le système judiciaire, pilier de toute démocratie, est miné par la criminalisation rampante de l’Etat et la corruption. L’exemple récent de ce que l’on appelle “l’affaire Borilski” en est une illustration.

Martin Borilski était un jeune Bulgare de 24 ans en quatrième année de droit à Paris. En juillet 2000, il a été assassiné de 93 coups de couteau. Malgré les preuves scientifiques accumulées par la police française et transmises à la justice bulgare, ses meurtriers présumés, deux Bulgares qui étaient parvenus à quitter la France, viennent d’être acquittés en appel. Bien que les autorités françaises aient manifesté une très grande vigilance sur ce dossier (l’ambassadeur de France s’est déplacé lors du premier procès devant le tribunal de Choumen, la garde des sceaux a évoqué l’affaire avec son homologue bulgare), l’aboutissement judiciaire de ce crime après neuf ans de procédure est révélateur d’une justice dévoyée, achetée, gangrenée.

L’un des deux accusés, Gueorgui J., n’est autre que le fils d’un ancien haut responsable du service de l’instruction devenu “avocat d’affaires” très influent dans la principale ville côtière de la mer Noire. Il ne fait pas de doute que ce “jugement” est un déni de justice. Obtenu par corruption ? Sous la menace ? A “l’incompréhension” exprimée par l’ambassadeur de France après ce verdict, la ministre de la justice bulgare a déclaré à la télévision que la justice était “indépendante”. Force est de constater que l’impunité totale dont certains peuvent se prévaloir du fait de leurs liens politiques ou de l’influence que leur procure leur fortune est une caractéristique locale.

On assiste depuis de nombreuses années, dans les Balkans et en Bulgarie en particulier, à un phénomène de criminalisation de l’Etat. Ce phénomène est plus dangereux que les manifestations de criminalité économique et de corruption que dénonce avec raison l’UE. Après la chute du “parti-Etat” communiste, la machine de l’Etat – son administration, son système judiciaire, sa police – n’a pas acquis la capacité à exercer ses missions régulatrices et de “bonne gouvernance”. Faute de volonté politique et d’un personnel de remplacement qualifié, les nouveaux organes institutionnels mis en place à l’époque ont été “investis” pour être instrumentalisés au profit de quelques groupes de personnes cherchant à s’approprier un maximum de ressources. Non seulement le Parlement, le gouvernement, la présidence de la République, les municipalités, la Prokuratura, les hautes instances judiciaires, la police… sont concernés, mais aussi les partis politiques et les médias.

Des listes encore incomplètes ont été publiées, recensant les très nombreuses personnes occupant des postes de responsabilité dans tous ces secteurs et qui ont par le passé appartenu aux services de sécurité du régime communiste ou collaboré avec eux. Certains hauts responsables de ces anciens services, reconvertis dans “les affaires”, gravitent aussi autour du pouvoir de manière efficace. La Bulgarie est un petit pays, ses “élites” sont restreintes et, dans chaque secteur, tout le monde connaît tout le monde. Les biographies peuvent être facilement reconstituées.

Un ancien ambassadeur américain à Sofia soulignait dans une formule caustique que “le problème avec la criminalité organisée bulgare, c’est qu’elle est trop bien organisée”. Il faisait allusion à la filiation entre l’ancienne sécurité d’Etat dissoute au début de la transition et les principaux dirigeants de ces “groupes économiques” (dont l’origine des fonds laisse perplexes tous les experts occidentaux).

Deux sortes de criminalité organisée coexistent en Bulgarie. Si l’une est issue d’en bas, dirigée par des petits gangsters et autres trafiquants de tout poil, l’autre est organisée d’en haut par des gens éduqués, bien informés, qui ont une bonne connaissance des circuits les plus rémunérateurs et disposent d’un “portefeuille relationnel” conséquent dans les pays de l’espace postcommuniste. La première se met souvent au service de la seconde pour accomplir ses basses oeuvres.

Chacune a ses clans, ses secteurs d’activité privilégiée, son implantation géographique, ses codes, et il arrive, à l’occasion, que les loups se dévorent entre eux. Le plus grave est que depuis deux décennies, cette petite élite de la nomenklatura communiste est arrivée à mettre les représentants du pouvoir politique bulgare sous dépendance. Elle peut les influencer et faire en sorte que leurs choix législatifs la gênent le moins possible. Elle peut les manipuler, voire les corrompre, pour gagner du temps. Elle peut aussi avoir recours à l’assassinat pour se débarrasser d’un concurrent, intimider les entourages ou “redistribuer les cartes” comme ce fut le cas en 1996 avec le meurtre devant son domicile de l’ancien premier ministre Andreï Loukanov (trop bien informé sans doute sur les “ressources financières” disséminées à l’étranger par l’ancien Parti communiste) ou, en 2005, avec l’exécution en plein centre de Sofia du “banquier” Emil Kiulev, un ami proche de l’actuel président de la République. Ceux qui tentent d’enquêter et de dénoncer, comme le journaliste Ognian Stefanov, sont au mieux tabassés.

Gueorgui Stoev, lui, auteur de plusieurs ouvrages sur la mafia, a été assassiné dans la foule à un arrêt de bus il y a quelques mois à peine. La parution d’un livre du journaliste d’investigation allemand Jürgen Roth présentant des faisceaux d’indices concordants sur la criminalité organisée en Bulgarie a levé le voile. Même si l’opacité est la règle en la matière, le phénomène est donc bien cerné. Mais en Bulgarie, après quelques jours de scandale, le silence revient, la chape de plomb retombe, l’impunité continue. Il serait absurde et faux de dire que tous les responsables bulgares sont corrompus, mais beaucoup ont peur. Quand l’Etat est défaillant, c’est la loi du plus fort qui prévaut et, comme le dit un proverbe bulgare, “tête courbée n’est pas coupée”

Dans ce contexte, les autorités gouvernementales bulgares – de gauche ou de droite, actuelles ou futures – sont-elles en mesure de faire preuve de volonté politique comme le demande l’UE ? En l’état actuel, la réponse est négative. Que va-t-il alors se passer ? Des promesses seront évidemment faites à l’UE, des lois plus sophistiquées seront même adoptées, mais elles ne seront pas ou mal appliquées. Quelques affaires de corruption avérée seront mises en avant pour distraire l’opinion et c’est ainsi, par exemple, que l’ancien directeur de l’entreprise de chauffage de Sofia (Toplofikatsia), pris la main dans le sac, devrait passer en justice. De même quelques fraudeurs aux fonds européens et quelques juges de second rang joueront le rôle de fusibles. Un espoir subsiste encore : c’est l’Europe et une occasion se présentera, à savoir les élections législatives.

Contrairement à ce qui se passe en Europe occidentale, l’opinion bulgare est en attente de “plus d’Europe”. Le rapport d’évaluation du commissaire européen à la justice et aux affaires intérieures, Jacques Barrot, qui vient d’être rendu public, peut être un levier efficace pour susciter un électrochoc avant ces élections. Si rien n’est fait, si l’Europe ne répond pas aux demandes de l’opinion, les engagements des autorités, en fin de mandat et à bout de souffle, pourraient passer pour une imposture.

Chercheur au Centre d’études et de recherches de science administrative (CERSA) de Paris-II, spécialiste de la Bulgarie

Article paru dans l’édition du 15.02.09
Mohammed Bouyeri, l'assassin du réalisateur néerlandais Theo Van Gogh, ferait partie du réseau terroriste Hofstad.(Photo: AFP)

Mohammed Bouyeri, l’assassin du réalisateur néerlandais Theo Van Gogh, ferait partie du réseau terroriste Hofstad.
(Photo: AFP)
Ce lundi s’ouvre à Amsterdam le procès du réseau terroriste Hofstad. Quatorze inculpés se succèderont à la barre, jusqu’à la mi-février, au cours d’audiences séparées. Parmi eux, Mohammed Bouyeri, 27 ans, l’assassin de Theo van Gogh, un cinéaste connu pour ses critiques à l’encontre de l’islam.

De notre correspondante aux Pays-Bas

La justice néerlandaise cherchera à démontrer que Mohammed Bouyeri, déjà condamné à la prison à vie en juillet dernier, n’a pas agi seul. Se trouve au coeur du procès qui commence ce lundi son appartenance à un réseau plus vaste, Hofstad (la cité de la cour de justice, hofstad en néerlandais), baptisé ainsi par la police en raison de ses bases à La Haye. Composé en majorité de jeunes Néerlando-marocains qui se seraient radicalisés au contact les uns des autres, ce réseau est accusé d’avoir  «conspiré en vue de commettre des actes sérieux de terrorisme».

Comme ses comparses, Mohammed Bouyeri fait peur, aux Pays-Bas, par la violence de son acte et un fanatisme qui le pousse, encore aujourd’hui, à écrire des pamphlets contre l’islam modéré, depuis les quartiers d’isolement où il purge sa peine. Ce jeune islamiste radical incarne aussi un terrorisme «local» en contradiction totale avec l’esprit de tolérance de la société dans laquelle il a grandi. Si son rôle avant le meurtre de Theo van Gogh a été sous-estimé par les services secrets, qui avaient pourtant infiltré le réseau Hofstad, c’est qu’il avait très peu de contacts à l’étranger.

Contrairement à d’autres inculpés, comme Nourredin el Fatmi, 22 ans, arrêté et relâché au Portugal en 2004, ou encore Jason Walters, 19 ans, soupçonné d’avoir suivi une formation au Pakistan, Mohammed Bouyeri passait pour second couteau, un simple porteur de messages. Il a bien essayé de se rendre en Tchétchénie, mais il a été refoulé à la frontière russe et a dû faire demi-tour, a révélé le journaliste néerlandais Emerson Vermaat dans son livre De Hofstadgroep, paru en octobre 2005.

Le meurtre comme le plus haut but à atteindre

Central aux yeux de l’opinion néerlandaise, l’aspect purement «local» ou non du groupe sera minutieusement examiné au cours du procès. Et ce, d’autant plus que Mohammed Reha, un Belge d’origine marocaine arrêté le 16 novembre au Maroc, a affirmé avoir été en contact avec Samir Azzouz, qui aurait refusé la participation de combattantes basées en Belgique à un attentat suicide en préparation aux Pays-Bas.

En attendant le dénouement du procès, prévu pour le 24 février 2006, «la nationalisation du terrorisme semble relever d’une attitude très calviniste de remise en question de soi-même», critique le sociologue Paul Scheffer. «Comme le terrorisme allemand des années soixante-dix a pu être influencé par la guerre du Vietnam, ces jeunes musulmans sont très au courant de la situation en Tchétchénie, en Palestine ou en Irak, poursuit-il. Ils en tirent une motivation plus forte que les frustrations vécues ici, aux Pays-Bas».

Le procès s’est ouvert sur l’interrogatoire de Malika, proche du groupuscule. Elle fait partie des cinq jeunes femmes, parmi lesquelles des ex-épouses des inculpés, qui ont livré des témoignages compromettants pour eux à la police. En septembre, Malika avait affirmé que le groupe s’était radicalisé au cours de l’été 2004, et qu’il se rencontrait régulièrement chez Mohammed Bouyeri. Nawal, une autre jeune femme, a, quant à elle, confirmé les soupçons qui pèsent sur un Syrien de 43 ans, Redouan al-Issa. Leader présumé du groupe, il a quitté le pays le 2 novembre 2004, le jour du meurtre de Theo van Gogh, et s’est volatilisé depuis.

Nawal a aussi confessé que jusqu¹à une période récente, elle considérait le meurtre comme le plus haut but à atteindre, et se considérait capable d’assassiner une personnalité telle que Ayaan Hirsi Ali. Cette députée conservatrice d‘origine somalienne, partie en croisade contre l’islam après les attentats du 11 septembre, vit sous haute protection depuis le meurtre de son ami Theo van Gogh. Des menaces de mort explicites à son encontre avaient été laissées par Mohammed Bouyeri sur le corps de sa victime, dans une lettre transpercée d’un poignard.

par Sabine  Cesso

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