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L’histoire de ce magistrat qui a instruit l’affaire Festina est celle d’une « descente aux enfers », selon l’expression de son conseil, Me Jean-Marc Darrigade, qui l’a assisté le 13 juillet lors de son audition devant le Conseil supérieur de la magistrature. Patrick Keil, mis en examen dans une procédure pénale pour « corruption et violation du secret professionnel », avait été suspendu provisoirement de sa fonction de magistrat en septembre 2008. La semaine dernière, le représentant du ministère de la Justice a requis sa révocation sans perte des droits à la retraite. Le substitut du procureur était arrivé à Montpellier en 2007 après un divorce difficile et un avis défavorable à une mutation sur l’île de La Réunion. Au fil des semaines, Patrick Keil entre dans une spirale infernale : il fréquente les bars, connaît de graves difficultés financières et se lie d’amitié avec un chirurgien dentiste impliqué dans une affaire de fraude à l’assurance maladie. Ce dernier va lui prêter de l’argent, lui offrir de nombreux repas… en échange de son aide. Mais Me Darrigade l’assure, « Patrick Keil n’a pas modifié la procédure judiciaire de l’affaire » qui embarrasse le médecin. Le magistrat, cependant, a accepté la manne du dentiste, ce qui constitue un manquement grave. « C’était de la corruption de survie. C’est un dossier pathétique sur le fond, un sacré gâchis », observe le défenseur. Le CSM doit rendre son avis mardi. Il sera ensuite déposé sur le bureau de la garde des Sceaux. Michèle Alliot-Marie devrait se prononcer d’ici un mois.
Didier Legrand, 57 ans, juge d’instruction au Mans (Sarthe).
Magistrat instructeur depuis 1998 au Mans, Didier Legrand a été entendu le 1er juillet dernier. Le reproche de sa hiérarchie ? « Sa lenteur dans son travail », résume son conseil, Me Jean-Luc Jacquet. Mais pas seulement. Lors de la visite de l’inspection des services judiciaires dans son bureau, « des incohérences entre le contenu des dossiers et les « notices » – compte rendu d’activité semestrielle envoyées à ses supérieurs – ont été décelées », confie l’avocat. Le magistrat est ainsi soupçonné d’avoir falsifié ses fameux compte rendu afin de masquer son inefficacité. Devant ses pairs, Didier Legrand a nié. Mais le magistrat, qui a connu « quelques phases brillantes » dans sa carrière avant de sombrer dans la dépression, miné par la surcharge de travail, risque d’être mis à la retraite d’office. Son défenseur espère toutefois un déplacement à un autre poste. « Le souhait de mon client est de continuer à œuvrer, mais il y a un problème de confiance avec l’histoire des notices », observe-t-il. La décision du CSM est attendue mercredi.
La sanction à l’encontre de Jean-Luc Raynaud, conseiller à la cour d’appel de Saint-Denis, à La Réunion (DOM), accusé d’avoir « manqué de dignité et de prudence », notamment lors d’une aventure extraconjugale, sera également connue mercredi. La chancellerie avait demandé son déplacement d’office. L’avocat du magistrat, Me Thierry Massis, avait estimé, lui, que les faits reprochés étaient « bénins » et qu’il fallait tenir compte du « climat délétère de l’île ».