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AP Verena von Derschau

Surfant sur le bilan sévère du contrôleur général des lieux privatifs de détention, le débat permanent sur l’état des prisons françaises et après une visite dans les sous-sols insalubres du Palais de justice de Paris, les douze jeunes avocats de la conférence du barreau de Paris ont décidé de dénoncer publiquement les conditions de détention dans les cellules de la souricière et du dépôt en essayant de s’en servir pour faire annuler des procédures devant le tribunal correctionnel de Paris. Lire la suite l’article

Le premier acte s’est déroulé jeudi devant la 23e chambre qui gère ces procédures expéditives. Venus en force, ces douze conseils qui, durant une année, vont être commis d’office dans des affaires pénales pour défendre les plus démunis, ont plaidé collectivement l’annulation d’un dossier au motif que leur client devait attendre son jugement dans un lieu “indigne de notre justice”. En l’espèce, le prévenu était un jeune homme de 18 ans jugé pour des outrages et des violences envers des policiers lors d’une interpellation musclée dans le XXe arrondissement de Paris le 17 mars dernier.

“La presse en parle, l’Europe en parle, mais les politiques ne s’y intéressent pas. C’est un coup de pinceau avant que le commissaire européen arrive, des réformettes, c’est un déni de justice”, s’est exclamé Me Pierre Combles de Nayves qui a pris la parole au nom des douze secrétaires de la conférence. Cette manifestation collective a été décidée après une visite de ces lieux de détention où “sous nos pieds des gens attendent parfois vingt heures dans des conditions indignes”.

Or, arguent les jeunes défenseurs, dans l’indifférence totale des trois magistrats, le code de procédure pénale prévoit la comparution d’un détenu dans des conditions correctes après un séjour dans un local spécialement aménagé. “Il aurait dû être libre et propre”, a martelé Me Combles de Nayves.

Pour Me Cédric Labrousse, le dépôt est “une zone de non-droit”. Il avait réclamé une semaine avant l’audience la copie du registre du dépôt où les gendarmes consignent les faits et gestes des détenus. “Au dépôt, mon client a droit à voir un avocat, de s’alimenter, de contacter un proche et de voir un médecin. Je n’ai aucun moyen, et le tribunal n’a aucun moyen de vérifier que ces droits lui ont été notifiés”, s’est insurgé l’avocat.

Visiblement embarrassée, la procureure Flavie Le Sueur a dû admettre que “les magistrats sont conscients que les conditions d’accueil sont tout à fait indignes et parfaitement inacceptables”. “Ce n’est pas un quatre étoiles. Mais c’est le reflet de ce qu’est la justice française aujourd’hui. Nous n’avons des ramettes de papier au compte-gouttes, pas de clé USB, pas d’écrans plats. Voilà les conditions dans lesquelles on travaille ici”, a-t-elle souligné.

Sans prendre position, elle a laissé le choix au tribunal d’annuler le PV de comparution immédiate, “ou pas” ou de renvoyer l’affaire afin d’aller visiter le dépôt. Dans la soirée, le jeune prévenu a finalement écopé de trois mois ferme et a été remis en liberté. Sans publier ses motivations, le tribunal a rejeté les nullités soulevées. La peine étant relativement faible, l’histoire n’ira probablement pas en appel.

“On compte remettre ça”, promet d’ores et déjà Me Combles de Nayves. Les douze secrétaires de la conférence se disent “scandalisés” par l’indifférence des magistrats et espèrent bien tomber un jour sur une formation qui, à l’image de ce qui s’est passé récemment à Créteil, annulera des comparutions immédiates à cause des conditions de détention dans les dépôts insalubres des palais de Justice français. AP

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Froid, manque d’hygiène : en cellule à Bobigny

Détention. Le contrôleur des prisons publie ses recommandations après sa visite au dépôt du tribunal de grande instance.

ONDINE MILLOT

Les toilettes sont bouchées et on trouve, par terre, une bouteille remplie d’urine. Les murs sont couverts de traces d’excréments. On aperçoit dans une pièce à côté un homme en train de se déshabiller pour être fouillé : les portes du local de fouille ne ferment pas, il ne peut pas se cacher. Il fait froid, l’odeur est «pestilentielle».

Geôles. On croirait là une description des geôles d’une dictature archaïque, mais non, il s’agit des observations faites par le contrôleur des prisons lors d’une visite au dépôt du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis), le 13 octobre. Une semaine après avoir rendu public son rapport annuel, le très actif contrôleur Jean-Marie Delarue publie ce matin au Journal officiel les «recommandations» que lui ont inspiré cette visite à Bobigny. On y retrouve un certain nombre de points dénoncés dans son rapport, qui concernait l’ensemble des 52 lieux de privation de liberté visités depuis juillet 2008, notamment les conditions d’hygiène déplorables et l’absence totale d’intimité.

Au dépôt du tribunal de Bobigny, au moment de la visite de Jean-Marie Delarue et de son équipe, 50 personnes étaient présentes à l’intérieur du bâtiment, qui comporte 31 cellules. Le dépôt est l’endroit où sont transférées les personnes qui terminent une garde à vue et attendent d’être déférées au parquet ou jugées en comparution immédiate. La plupart ont déjà passé au moins une nuit, parfois plus, en garde à vue, où ils n’ont pu, note le contrôleur dans son rapport, ni se reposer, ni se laver.

«Ogre».On attendrait donc du dépôt qu’il soit un sas leur permettant de se préparer au rendez-vous avec le procureur ou à l’audience qui les attend : «Toute personne doit pouvoir comparaître dignement devant son juge ; cette exigence rejoint celle des droits de la défense», écrit le contrôleur dans ses recommandations. Hélas, c’est l’inverse. «Le sommeil est perturbé par un éclairage permanent des cellules y compris la nuit et par l’absence de véritable couchage» (ni matelas, ni couverture, la seule possibilité est de s’allonger sur des bancs en béton). «La toilette est impossible» et la nourriture insuffisante (pas de petit-déjeuner le matin, un seul sandwich pour la journée).

A nouveau, Jean-Marie Delarue demande à ce que «la pratique du retrait du soutien-gorge et de la paire de lunettes de vue» soit abandonnée. «La chronique des commissariats ou brigades recèle peu de récits d’attaques au soutien-gorge», notait-il ironiquement dans son rapport. Il insiste pour que la confidentialité des entretiens avec les avocats et travailleurs sociaux soit assurée – ce qui n’est pas le cas actuellement -, répète que les fouilles doivent respecter l’intimité. Et que, au dépôt de Bobigny comme dans les autres lieux de détention, l’exigence de sécurité, cet «ogre jamais rassasié», cesse de bafouer constamment les droits de l’homme.

Accusée d’exhibition sexuelle par un maton, une avocate nancéienne monte au créneau devant la cour d’appel.

NANCY.- Procès hors norme que celui qui s’est déroulé hier, pendant tout l’après-midi, devant la cour d’appel de Nancy. Il s’agissait de juger une avocate, relaxée en première instance, poursuivie pour « exhibition sexuelle » sur la foi des déclarations d’un surveillant du centre de détention d’Écrouves.
L’affaire remonte au 8 octobre 2007. Ce jour-là, le maton, alerté, selon ses dires, par un silence prolongé, prétend avoir été témoin d’un acte sexuel, entre une avocate et un détenu, lors d’un parloir. Il alerte ses supérieurs, accusant l’avocate d’avoir prodigué une fellation à son client. Pas banal, évidemment. Mais pas si simple. Car l’accusateur varie et rien ne vient corroborer ses déclarations.
Fort logiquement, le 28 octobre 2008, l’avocate est donc innocentée par le tribunal correctionnel d’Épinal. Pourquoi, dans ces conditions, le Ministère Public s’est-il entêté, au point de porter le dossier devant la cour d’appel ? Au vu du procès qui s’est déroulé hier à Nancy, on peut se poser la question…

Un placard à balais

Passons sur la présence grotesque de deux obscures parties civiles : l’association de défense des citoyens et l’association de promotion de la sécurité nationale. Le président de cette dernière participait au procès par visioconférence, depuis la prison de Poissy où il purge une lourde peine, alors même qu’il est totalement étranger à l’affaire !
Les débats ont commencé à devenir intéressants lorsque l’avocate mise en cause a expliqué pourquoi, selon elle, on lui fait ce mauvais procès. « Je suis la seule avocate à me déplacer régulièrement au centre de détention d’Écrouves où les conditions de parloir sont indignes et contraires à la loi », a-t-elle accusé. « Il est évident qu’ils étaient décidés à faire ce qu’il fallait pour que je ne revienne pas ».
Et de décrire une « ambiance insoutenable pour les détenus » et des conditions de détention « inadmissibles ».
Le parloir où l’avocate était cantonnée pour y recevoir ses clients, parfois pendant des heures, est un placard à balais d’un mètre trente-cinq sur un mètre dix-sept. Mesures confirmées par la présidente de la cour d’appel.
L’avocate accusée peut s’enorgueillir d’un passé professionnel honorable et sans tache, comme l’a confirmé le bâtonnier de l’Ordre des avocats en exercice en 2007. Mais, visiblement, c’est une « grande gueule », membre de l’Observatoire international des prisons.

Militante notoire


Aurait-on voulu faire taire cette militante du droit des détenus ? C’est ce que pense sa consœur Dominique Boh-Petit, citée comme témoin. Les avocats de la défense, Maîtres Saint-Pierre, Bouthier, Versini-Campinchi et Begel ont demandé la confirmation de la relaxe.
L’un d’eux a souligné à quel point sa cliente « fait l’objet de la vindicte de mouvements extrémistes, en raison de son activité militante notoire en faveur des droits des prisonniers ».
Quant à l’avocat général, il s’en est tenu à la ligne décidée par le Ministère Public.
Il a accordé foi aux déclarations du maton, contre l’avocate, réclamant 1.000 euros d’amende.
La décision sera rendue à une date ultérieure.

lbassand@estrepublicain.fr

Ludovic BASSAND
16/04/09

SOURCE

LES FAITS
Un rapport commandé par le gouvernement sur la réforme des professions des auxiliaires de justice suscite passion, émoi et controverse Hier, il y a eu la très co ntroversée réforme de la carte judiciaire (toujours en cours d’ailleurs). Demain, peut-être, viendra celle des auxiliaires de justice : avocats, notaires, mandataires judiciaires, commissaires priseurs, huissiers et avoués. Ces derniers étant déjà mal en point (il est question de les rayer de l’arbre généalogique judiciaire au 1 er janvier prochain).
Cette réforme donc, si elle voit le jour, s’inspirera très largement du rapport rendu ces jours-ci par Jean-Michel Darrois. Du nom de cet avocat d’affaires dont la tâche a été, ces derniers mois, d’échafauder une liste de recommandations concernant la mise en place
d’une grande profession du droit.
Voilà pour les grandes lignes. Car pour ce qui est du rapport lui-même, le bâtonnier Lætitia Janbon le dit sans détours : « Il y a, là-dedans, des éléments positifs, intéressants et… inacceptables. » Au chapitre du positif sont donc retenus la possibilité de créer des structures interprofessionnelles, une formation commune à l’ensemble des juristes, l’élargissement de l’aide juridictionnelle (mais dont le financement, déjà contesté, risque de poser un sérieux problème) et la possibilité, pour les avocats, de se voir confier la rédaction de certains actes tels que ceux réalisés aujourd’hui par les offices notariés. Voilà pour le positif.
De l’autre côté, il y a aussi « des choses, inquiétantes, dangereuses », souligne le bâtonnier Janbon. Comme, par exemple, la possibilité pour des juristes d’entreprises de devenir avocats, « sauf s’ils ont exercé huit années. Car cela pose un problème de déontologie », argumente-t-elle en évoquant, aussi, la possibilité de voir naître « un lien de subordination entre l’avocat et son employeur ».
Autre crainte : le risque, pour les robes noires, de « perdre leur indépendance. Darrois propose de permettre à des capitaux extérieurs d’investir dans des cabinets d’avoca ts ». Autre sujet de fâcherie : la création d’un haut conseil des professionnels du droit pour régler les litiges entre les différentes professions, « voire de créer des normes ». Et ce, alors que les intéressés ont déjà un conseil national des barreaux, une conférence des bâtonniers et un conseil de l’ordre dans chacun des barreaux. D’où la réticence avouée. Dernier point d’achoppement : la mise en place, en sus, d’une sorte de conseil régional de l’ordre avec, à sa tête, un magistrat. « Il n’y a aucun intérêt d’avoircet échelon supplémentaire ! », estime Lætitia Janbon.
Reste que le rapport Darrois (actuellement remis en question du reste) n’est que le fruit d’une commission de réflexion. Et le bâtonnier Châtel de le dire tout net : « Le Conseil national des barreaux est le seul organe représentatif de la profession ! » Il y a, enfin, cette difficulté qu’il y aura à rassembler les avocats pour la défense de leurs intérêts. D’où ce bon mot du bâtonnier Christol : « Dans la profession, nous réunissons des disciples de l’abbé Pierre et les nouveaux goldens boys. Il faudra trouver un minimum commun. » Clairvoyant. Mais la tâche ne sera guère aisée. La récente réforme de la carte judiciaire l’a montré.

J.-F. C.
Il y a quelque 50 000 avocats en France. Et ils sont 791 inscrits au barreau de Montpellier.

A l’heure qu’il est, le rapport Darrois n’a finalement toujours pas été oficiellement remis au Président de la République et sa remise est retardée au 6 avril à 15h30 pour cause de réunion du G20 à Londres…

Pour autant, le rapport est disponible depuis ce soir 18h00 sur différents sites internet et blogs d’avocats. Dès lors, c’est désormais un secret de polichinelle et nous avons estimé que nous devions le diffuser largement à nos lecteurs qui ne doivent pas être les derniers à en prendre connaissance.

Les travaux de la commission et le rapport lui-même ont déjà fait couler beaucoup d’encre et la production ne risque pas de s’amenuiser dans les semaines et les mois à venir.

La FNUJA va prendre le temps de l’analyse et de la réflexion et laisse les réactions « à chaud » à ceux qui se laisseront tenter par cet exercice risqué. Notre 66ème Congrès qui se déroulera du 20 au 24 mai 2009 sera l’occasion idéale pour réfléchir, élaborer et structurer une réaction aux propositions nombreuses formulées dans ce rapport et qui constituent a priori pour beaucoup autant d’occasions que notre profession doit saisir pour se moderniser et diversifier ses activités.

Je pense notamment à :

– l’acte d’avocat et à sa force probante égale à celle de l’acte authentique ;
– une formation commune des différents professionnels du droit ;
– la possibilité pour un avocat de partager les honoraires du notaire lorsque les deux interviennent sur un dossier, afin de ne pas alourdir le coût de l’intervention de deux professionnels pour le justiciable ;
– une limitation de l’effet du numerus clausus des notaires en permettant aux notaires assistants de créer de nouvelles charges, dès lors que cette création intervient dans le cadre d’une structure interprofessionnelle avec des avocats ;
– un renforcement du périmètre du droit ;
– l’extension du champ d’activité des avocats ;
– l’interprofessionnalité avec les experts comptables, dans le respect de l’indépendance des différents professionnels.

La FNUJA est particulièrement fière d’avoir proposé les deux mesures relatives à la protection accrue des collaborateurs libéraux :

– l’augmentation du délai de prévenance en fonction de l’ancienneté dans le cabinet, dans la limite de douze mois ; et
– la proposition de créer une indemnisation des collaborateurs en cas de rupture à l’initiative des cabinets grâce à la souscription par les ordres d’une assurance-chômage collective.
(sur ces deux mesures Cf. cliquez ici)

Nous serons en revanche plus dubitatifs notamment s’agissant :
– de la proposition de financer l’augmentation à venir du budget de l’aide juridictionnelle par une taxe sur le chiffre d’affaires des professionnels dispensant des conseils juridiques (avocats, notaires, experts comptables…) ;
– la création des internats du droit en matière d’aide juridictionnelle
(sur ces deux points Cf. cliquez ici)

En conclusion de ce très bref aperçu, si la Commission Darrois n’a pas été au bout de la démarche qui lui avait été assignée par le Président de la République, il convient de reconnaître que le travail réalisé est de qualité et qu’il ouvre des perspectives nouvelles pour notre profession que les jeunes avocats ne manqueront pas de saisir.

Olivier BURETH
Président de la FNUJA

Rapport sur les professions du droit

AFP Frédéric FARINE
“Nous sommes gérés à 1.500 km, ce qui confine à l’imbécilité”, a déclaré à l’AFP, Me Patrick Lingibé, bâtonnier de Guyane, le seul département d’outre-mer sans cour d’appel et dont l’organisation judiciaire est gérée à Fort-de-France (Martinique).

La Guyane, c’est “entre 70 et 90 meurtres par an, plus qu’à Paris intra-muros”, souligne le procureur de la République François Schneider.

“En termes de charge de travail, la Chancellerie considère que chaque magistrat doit traiter 1.100 affaires par an. On en est à 4.800 par magistrat du parquet à Cayenne”, poursuit-il.

“Il y a une attitude de mépris de la Chancellerie”, estime Me Lingibé qui avait “cru à la volonté affichée d’une politique forte pour la Guyane lors d’une réunion au ministère de la justice le 19 mars”.

Selon l’avocat, “le mouvement va prendre d’autres formes d’action”. “Et puisque la garde des Sceaux et son cabinet sont en partance, pour nous, il s’agit maintenant d’aller au coeur de l’Elysée pour trouver des solutions politiques pérennes”, a-t-il promis.

Quelques jours après le début de la grève, Rachida Dati avait envoyé à Cayenne une mission d’inspection qui lui a rendu son rapport le 25 mars. Or, un audit des chefs de cour de 2008 a déjà souligné le “problème central” du tribunal de grande instance de Cayenne, à savoir les effectifs. Ce déficit en fonctionnaires a été chiffré à une vingtaine.

Le 26 mars, Me Lingibé a reçu un courrier de la Chancellerie dont l’AFP a pris connaissance, lui annonçant le déblocage de “100.000 euros” pour notamment “réparer des infiltrations d’eau” ou refaire “l’outil informatique”.

“A part ces 100.000 euros pour des réparations d’urgence, on n’a pas avancé. Cette lettre reprend ni plus ni moins les mesures annoncées par les chefs de cour (de Fort-de-France) avant la grève”, affirme-t-il.

Parmi ces mesures figure aussi l’envoi de vacataires sous forme “de déblocage de crédits de 56 mois” de vacation. “Une décision déjà prise par les chefs de Cour avant la grève et qui ne répond pas aux besoins”, selon le juge Stéphane Rémy, du syndicat de la magistrature.

Au titre du “renforcement des effectifs” figure également “l’installation du président du Tribunal de grande instance”. Or, si le TGI de Cayenne n’avait plus de président depuis fin juillet 2008, il en est pourvu depuis le 24 mars et cette arrivée était prévue avant la grève.

Il est évoqué aussi “des réflexions de fond à bref délai” sur l’organisation administrative de la justice en Guyane, avec la création d’une cour d’appel, d’une cité judiciaire à Cayenne et d’un TGI à Saint-Laurent du Maroni (frontière du Surinam).

“La réflexion évoquée est certes intéressante mais par rapport aux avancées d’un contrat d’objectifs signé en 2005 avec le précédent garde des Sceaux, on se demande si l’on n’est pas dans un jeu de dupes”, a commenté Me Lingibé.

Ce contrat proposait en effet de réfléchir à l’opportunité de créer une juridiction à Saint-Laurent du Maroni.

Du fait de la grève, aucun dossier de la session d’assises de mars n’a pu être jugé.

Quant aux archives (d’avant 2006) et aux scellés de la juridiction, faute de place au tribunal, ils sont toujours à l’abandon, moisissant sans surveillance depuis des années dans l’ancienne prison désaffectée de Cayenne.

Un film retrace le combat de Christian Laplanche pour porter la robe noire, en dépit de vieilles condamnations

“Cinq ans et demi à se battre pour exercer le métier qu’on veut exercer, c’est long et pénible”, confie Christian Laplanche.

Un documentaire diffusé samedi sur France3 Sud, un livre à paraître dans les mois prochains… Christian Laplanche avait un besoin impérieux de raconter son étonnant combat pour porter une robe d’avocat. Il l’endosse depuis que le barreau de Paris l’a accueilli dans ses rangs, en juillet dernier.

Le conseil de l’ordre n’a rien vu à redire au fait que, il y a vingt-cinq ans, Christian Laplanche avait commis des braquages dans les Bouches-du-Rhône, qui lui ont fait connaître la prison et les cours d’assises. Alors que les barreaux de Nîmes, d’Avignon et de Cayenne lui avaient singulièrement claqué la porte au nez, au motif d’un oubli et d’une réhabilitation impossibles.

En 2003, ce Nîmois décide de s’inscrire au barreau. Ses diplômes, sa carrière de professeur de droit puis de maître de conférences l’autorisent à exercer la profession d’avocat. La douche est glacée lorsque le barreau lui refuse son inscription au motif qu'”il ne remplit pas les conditions d’honneur et de probité indispensables à la profession d’avocat”. Son passé l’a rattrapé, en dépit d’une réinsertion exemplaire depuis une vingtaine d’années : ses condamnations sont non avenues, son casier judiciaire purgé et sa réhabilitation établie de droit.

Christian Laplanche riposte, saisit la cour d’appel qui lui donne raison et ordonne son inscription au barreau de Nîmes. Pour les juges, l’avocat a “donné des gages de réinsertion sociale plus que suffisants”. Prestation de serment, installation dans son cabinet de la rue du Mûrier d’Espagne, premiers clients, premières affaires… “Que ce soit devant un tribunal correctionnel ou une cour d’assises, je me sens à ma place. Je ressens très fort les enjeux. Peut-être parce que je suis déjà passé par la moulinette des juridictions répressives.” Dans les années 1980, le jeune Laplanche avait su gagner la confiance des magistrats.

D’abord, celle du juge d’instruction de Tarascon – il entrera par la suite dans les ordres – qui fait confiance au gamin qui a braqué La Poste de Barbentane. Il le libère sous contrôle judiciaire. Une liberté remplie par les études. Et devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, le président d’alors, Bernard Fayolle, mais surtout les jurés, donnent sa chance à cet accusé sur le chemin de la rédemption, inscrit à la fac de droit. C’est sûrement pour cela que Christian Laplanche a la défense pénale dans les tripes.

En 2006, après quinze mois d’exercice, la Cour de cassation annule la décision ordonnant son inscription au barreau. “Dès le lendemain, je recevais un fax du bâtonnier m’indiquant que mon cabinet allait être liquidé, que je n’étais plus avocat.” La secrétaire licenciée, les clients évaporés en laissant une belle ardoise d’honoraires non payés et ce satané passé qui lui “revenait en pleine gueule”. Aucun droit à l’oubli, pas la moindre reconnaissance de vingt ans d’une vie sans tache.

Le barreau d’Avignon ne veut pas de lui non plus. Celui de Cayenne où il enseigne à la faculté de droit traîne des pieds… Ces refus successifs “laissent des traces. On sort brûlé d’une affaire comme celle-là”. Les caméras de Jarmila Buzkova ont suivi ce cheminement chaotique, depuis la première prestation de serment, à Nîmes en 2003, à celle de Paris, le 6juillet dernier. Le droit chemin, cinquante-deux minutes d’images, d’interview pour montrer le coeur d’une profession qui ne cesse de plaider face aux juges que lorsque la peine est purgée, il faut faire confiance.

Un peu l’histoire du cordonnier le plus mal chaussé… Dans son nouveau cabinet, ouvert au centre de Nîmes, Christian Laplanche redémarre son activité. Il sait gré au barreau de Paris non pas de lui avoir fait une fleur mais d’avoir appliqué la loi. “Pour le bâtonnier de Paris, le mot réhabilitation a un sens, un sens juridique et un sens moral.”

Quelques dossiers ouverts seulement mais une farouche envie de revanche. “Cinq ans et demi à se battre pour exercer le métier qu’on veut exercer, c’est long et pénible.” La page est tournée. Il ne reste plus qu’à devenir simplement Me Laplanche et non plus “le braqueur devenu avocat”. Encore un beau défi à relever…
Par Luc Leroux ( lleroux@laprovence-presse.fr )

Laurence de Charette
Un budget de 300 millions par an, près de 900 000 justiciables bénéficiant de cette assistance juridique gratuite : le système de l’aide juridictionnelle est au bord de l’implosion.

Dans le box de la 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le jeune homme aux cheveux d’ébène tente de faire entendre sa cause aux trois magistrats. Le prévenu «se disant Abdelkarim Melloulah», palestinien, a été interpellé près de Montparnasse, avec une fausse carte de résident belge. Dans la petite salle d’audience, le public s’agite lorsque son avocat prend la parole : le conseil du jeune homme est complètement inaudible. L’avocat commis d’office, d’origine asiatique, ne parle qu’à peine le français… Il ânonne une argumentation commençant par «c’est très dur pour lui» et s’achevant par «demande la relaxe totale ». Sur le banc d’à côté, deux de ses confrères gardent la tête baissée, légèrement mal à l’aise.

«Le système des avocats commis d’office et de l’aide juridictionnelle coûte de plus en plus cher à l’État, mais pourtant, il ne donne satisfaction à personne !» analyse froidement un spécialiste de la Chancellerie. Le dispositif vise à donner à tous un égal accès à la justice en assurant le financement par l’État des frais d’avocat pour les plus démunis. En 1997, 890 000 personnes en ont bénéficié. Mais, même les avocats le reconnaissent, un prévenu bénéficiant de l’aide juridictionnelle sera la plupart du temps moins bien défendu qu’un autre. Pourtant, en dix ans, le montant consacré par l’État à cette enveloppe a augmenté de 72 % pour atteindre plus de 300 millions par an.

Ce jeudi, comme tous les jours au palais de Paris, plusieurs dizaines de prévenus ont été transférés dans la matinée au local «P12», pour y rencontrer un avocat commis d’office. De brefs échanges, deux ou trois heures au maximum avant l’audience. À Paris, ces permanences pénales sont recherchées par les jeunes avocats : même modestement rémunérées (en moyenne 192 euros pour un dossier correctionnel), elles assurent un minimum d’activité et permettent de «draguer» au passage d’autres clients à venir… «Certains jours, les jeunes avocats traînent dans les couloirs, devant les salles correctionnelles où les familles guettent le passage des leurs, dans l’espoir de récupérer un dossier», raconte un habitué du palais. Certaines permanences, quand elles sont rémunérées à l’acte, peuvent même s’avérer très lucratives : les membres de la commission Darrois, qui a planché sur le sujet, ont relevé le cas d’un avocat ayant touché près de 1 936 euros, après avoir assisté une dizaine de prévenus en une seule après-midi…
Manque de rigueur

Le système de l’aide juridictionnelle n’est en effet pas qu’un mécanisme de solidarité mais aussi un marché pour les professionnels du droit. Un marché qui devrait être amené à s’étendre encore – certains prédisent même un doublement de la dépense – avec la réforme annoncée de la procédure pénale qui doit renforcer le rôle de la défense face à un parquet menant l’enquête à la place du juge d’instruction.

Or, malgré son ampleur, la distribution de l’aide juridictionnelle, d’abord réservée aux personnes les plus démunies (moins de 911 euros de revenus mensuels) puis accordée selon un système dégressif, manque cruellement de rigueur. Dans les affaires pénales, les avocats commis d’office interviennent le plus souvent dans l’urgence, sans beaucoup de vérifications. Sur le formulaire ad hoc, les avocats parisiens ont tout simplement pris l’habitude de rayer d’un trait les questions portant sur les ressources du demandeur et d’inscrire un gros « zéro »…. pour ne pas prendre le risque de n’être payés ni par l’État, ni par le prévenu. Dans les affaires civiles (divorce, affaires familiales, etc.), les vérifications devraient être plus rigoureuses, puisque la demande se fait avant la procédure. Mais il reste de nombreuses failles dans le contrôle des bureaux d’aide juridictionnelle.

Ces bureaux ne prennent que très rarement en compte le changement de situation financière d’un justiciable alors que la loi prévoit un retrait de l’aide en cas d’augmentation des revenus. De même, lorsqu’une procédure se poursuit en appel, l’aide est automatiquement maintenue, sans vérification. Pas moins de 10 332 décisions de maintien de plein droit ont de cette façon été enregistrées en 2008, pour un budget de 3,4 millions d’euros. Et parfois, le montant en jeu du litige est moins élevé que la somme dépensée par l’État pour rémunérer les avocats…

Depuis peu de temps, les fonctionnaires ont reçu la consigne de demander au justiciable s’il ne bénéficie pas d’une assurance juridique qui pourrait prendre en charge les frais de justice. Mais le justiciable reste libre de sa réponse : or, il est parfois plus simple de solliciter l’État que l’assureur.

AFP
Les avocats de Guyane ont entamé mercredi leur troisième jour de grève des audiences au tribunal de Cayenne pour réclamer plus de moyens pour l’institution judiciaire dans ce département d’outre-mer, avec le soutien du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).

Leur mouvement perturbe fortement une session d’assises commencée lundi.
Les avocats guyanais réclament davantage de postes de fonctionnaires et notamment des greffiers, la création d’un tribunal de grande instance à Saint-Laurent du Maroni (frontière du Surinam) et le rétablissement d’une cour d’appel.

“Nous avons toujours demandé les mêmes choses depuis des années” a indiqué à l’AFP le juge Stéphane Rémy, du Syndicat de la magistrature. La juridiction de Cayenne est “administrée” par Fort-de-France en Martinique, où se trouvent le parquet général et la cour d’appel.

Et pourtant “la juridiction de Cayenne a une activité supérieure à celle de Fort-de-France dans certains domaines “, a assuré un magistrat du parquet. Ainsi en 2008 il y a eu 745 comparutions immédiates au tribunal de Cayenne contre 480 à Fort-de-France.
Selon des chiffres fournis à l’AFP par la juridiction de Cayenne et par le parquet général de Fort-de-France, le tribunal de grande instance et la cour d’appel de Martinique comptent 58 magistrats et 105 fonctionnaires. En Guyane, le tribunal de grande instance et la chambre détachée de la cour d’appel ne comptent que 23 magistrats et une quarantaine de fonctionnaires effectivement en poste.

04/03/2009

Sale ambiance dans le petit monde judiciaire brestois, depuis qu’un avocat a porté plainte contre un policier. Dix mois après les faits, un juge d’instruction vient tout juste d’être désigné. À Rennes. Les faits remontent au1eravril2008. Ce jour-là, dans le palais de justice de Brest, un avocat commis d’office remet un papier, sur lequel figurent ses coordonnées professionnelles, à l’un des deux mis en examen qu’il vient d’assister devant le juge des libertés et de la détention. Le chef de l’escorte de police s’interpose, et contre toute attente, saisit le papier et le lit. D’abord interloqué, l’avocat proteste. Il remet un deuxième billet, identique, au second mis en examen. Malgré les mises en garde de l’avocat, le policier récidive. Pour l’avocat, l’infraction d’atteinte au secret des correspondances, «principe fondamental de la défense», est constituée. Il porte plainte.

Plainte classée avocats au créneau

Deux mois plus tard, après avoir entendu les seuls policiers de l’escorte et effectué un rappel à la loi, le procureur de la République estime que «l’incident» est clos. Il classe l’affaire. Impensable pour l’avocat, qui estime que son intégrité professionnelle a également été mise en cause. Il dépose une nouvelle plainte, avec constitution de partie civile. Procédure qui a pour avantage, à ce stade, de déclencher automatiquement l’ouverture d’une information judiciaire. Ce qui est fait, le 10octobre dernier. Fait rarissime, l’Ordre des avocats décide, à l’unanimité, de se joindre à l’action judiciaire, en déposant, lui aussi, plainte. «Il s’agit d’une grave atteinte aux droits de la défense, souligne-t-on à l’Ordre des avocats. Si cela n’avait été qu’un simple incident, vous pensez bien que nous aurions réglé cela différemment». Le climat est alors tellement «électrique» que le parquet de Brest et les différentes parties émettent le souhait de dépayser le dossier. La Cour de cassation est saisie. Elle vient tout juste d’accéder à la demande des parties. Elle a confié, ce mois-ci, le dossier à un juge d’instruction rennais, «dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice».

* Hervé Chambonnière
4 mars 2009

AFP
Les avocats de Guyane ont entamé une grève générale des audiences, jour d’ouverture d’une session d’assises qui  risque d’être fortement perturbée. “La grève est prévue au moins sur toute cette première semaine d’assises” a déclaré le bâtonnier Patrick Lingibé, pour qui “le service public de la justice ne garantit plus au justiciable un traitement acceptable,” notamment en matière de longueur des procédures.

Les avocats demandent “le rétablissement de la Cour d’appel de Guyane, une autonomie financière locale pour la Chambre détachée de la Cour d’appel de Fort de France et un renfort régional de greffiers,” selon le bâtonnier. Malgré une forte montée de la délinquance ces dix dernières années et une croissance démographique estimée à 3,9% par an par l’Insee, la Guyane n’a pas de Cour d’appel de plein exercice et est administrée par Fort de France en Martinique à environ 1.800 km.

02/03/2009