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Maître Marteau a vu la  situation des commis d'office se dégrader.

Maître Marteau a vu la situation des commis d’office se dégrader.

A Reims, les avocats commis d’office galèrent autant que leurs collègues des autres juridictions. Ils sortent les rames et croisent les doigts.

QUINZE heures, salle numéro 9 du tribunal de Grande instance de Reims. L’heure des comparutions sonne. Dans un couloir parallèle à la salle d’audience, les robes noires marchent d’un pas pressé. Plusieurs dossiers sous le bras, quelques avocats, commis d’office pour la journée, s’installent sur les bancs. Dans quelques secondes, les prévenus, présentés en comparution immédiate (CI) vont débouler dans le tribunal. Les avocats, eux, continuent de compulser les dossiers jusqu’au dernier moment.
Histoire d’en apprendre le maximum en un minimum de temps. Car être commis d’office, c’est un numéro d’équilibriste permanent. Pour le tribunal de Reims, ils sont plus d’une centaine de funambules. Dont Me Guy Marteau, trente années de barreau au compteur qui, lorsqu’il regarde dans le rétroviseur, est plutôt amer.

Garde à vue

« Les conditions de travail des avocats commis d’office ont évolué. Mais elles ne se sont pas arrangées. Nous avons en moyenne une heure pour préparer le dossier. Notre boulot consiste surtout à vérifier la validité des procédures engagées contre nos clients. Nous ne possédons pas le temps nécessaire pour effectuer correctement notre travail. »
Si les conditions de traitement des dossiers ne se sont franchement pas améliorées avec le temps, il y a un fait récurrent que la plupart des avocats commis d’office déplorent, il s’agit des procédures de garde à vue. En effet, pour la préparation de la défense, le fait de ne pas pouvoir être présent avec leurs clients lors des gardes à vue complique les choses. Doux euphémisme. « Plus le temps passe et plus nous nous rendons compte que les procédures sont non-contradictoires. On charge notre client sans que ce dernier ne puisse être assisté. C’est vraiment un souci pour nous et la préparation d’une défense convenable », poursuit l’avocat.

Plaider coupable

Depuis 2004 et la loi Perben sur la criminalité, la culture judiciaire a été ébranlée. Cette date correspond à celle de la mise en place de « la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » appelée plus couramment le plaider-coupable.
Pour le Garde des Sceaux de l’époque, Dominique Perben, il s’agissait « d’alléger les audiences correctionnelles, diminuer les délais de jugement et conduire au prononcé de peines mieux adaptées et plus efficaces car acceptées par l’auteur du délit ». Un vœu pieux ? Certains avocats rémois constatent que cette procédure qui devait désengorger les tribunaux les condamne « à faire de l’abattage ».
« Le ministère nous avait promis des avancées significatives et des améliorations de nos conditions de travail, c’est l’inverse. Il y a de plus en plus d’affaires à traiter. Personne ne gagne du temps, on court de dossiers en dossiers, nous n’avons pas su nous donner les moyens de nos ambitions », termine un autre, entre deux délibérés.
Le temps presse, il ne sait pas si son client va s’en sortir, il a « mal travaillé (son) dossier ».

Th.D.

Publié le lundi 16 août 2010 à 08H58

AP

Le tribunal de grande instance de Paris a condamné mercredi l’un des responsables du syndicat policier Synergie Officiers à un euro de dommages et intérêts pour des propos offensants envers les avocats lors d’une émission sur la garde à vue, mais a débouté l’Ordre des avocats de Paris qui demandait la condamnation de ce syndicat pour des propos similaires dans un tract. Lire la suite l’article

En novembre 2009, alors que le débat sur les conditions et la réforme de la garde à vue prenait de l’ampleur, le syndicat Synergie Officiers avait écrit qu’il n’avait “pas de leçon d’intégrité à recevoir de commerciaux (les avocats, NDLR) dont les compétences en matière pénale sont proportionnelles au montant des honoraires perçus”. Le mois suivant, M. Patrice Ribeiro, secrétaire général adjoint de ce syndicat, avait dénoncé sur RTL l'”offensive marchande” des avocats dans le débat sur la garde à vue qui n’interviennent que “pour une prestation tarifée”.

Les propos de M. Ribeiro, accusant les avocats d’intervenir en garde à vue “pour des raisons financières et en les suspectant sans nuance de commettre de graves manquements à la déontologie” ont, selon le tribunal, brossé “un portrait uniquement négatif de la profession, sans évoquer le moindre avantage lié à la présence de l’avocat en garde à vue”.

Des propos qui, relève le tribunal, ont “dépassé les limites de la liberté d’expression et du droit de critique autorisée” et sont “constitutifs de faute délictuelle” ayant entraîné “un préjudice moral subi par la profession d’avocat dans son ensemble”.

M. Ribeiro a été condamné à verser un euro symbolique de dommages et intérêts à l’Ordre des avocats à la cour d’appel de Paris et au Syndicat des avocats de France (SAF).

Le tribunal a débouté l’Ordre des avocats de Paris et le SAF sur l’autre versant de leurs poursuites, le tract diffusé en novembre 2009 par ce syndicat. S’il considère “leur ton vif et leur caractère réducteur”, le tribunal considère que les propos poursuivis n’ont pas dépassé “les limites admissibles de la liberté d’expression et du droit de critique”.

Ce procès, qui avait duré trois jours en mars, avait tourné à un face à face entre partisans et détracteurs des conditions de la garde à vue. Des avocats de renoms étaient venus apporter leur pierre au débat sur la garde à vue et le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, cité par Synergie Officiers, avait voulu “faire entendre la voix de la police” avant de regretter que ce débat ait lieu dans une enceinte judiciaire. AP

Avocats, magistrats, et greffiers manifestent devant le Palais de Justice de Paris, le 14 janvier 2010

PARIS — Les sénateurs ont refusé mardi soir lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi organique réformant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) que les avocats qui y siègent continuent de plaider devant les juridictions judiciaires.

En première lecture du texte, les sénateurs avaient déjà pris une telle position en supprimant la faculté de plaider pour ces avocats qui était prévue dans le texte initial du gouvernement.

La ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie avait fait rétablir cette faculté de plaider lors du passage du texte devant l’Assemblée nationale mais les sénateurs ont persisté mardi.

Les sénateurs veulent en effet éviter tout conflit d’intérêt pour un avocat qui serait amené à plaider devant des magistrats, tout en devant se prononcer sur leur carrière et leur discipline.

Les sénateurs ont par ailleurs adopté deux amendements UMP. L’un signé par Hugues Portelli et Catherine Troendle vise à ce que le premier président de la Cour de Cassation ne puisse conserver la présidence de la Commission d’avancement. Cette commission est chargée de faire accéder les magistrats à un grade et d’examiner les recours sur les évaluations de magistrats et statuer sur les intégrations directes dans la magistrature.

L’amendement prévoit que la présidence ou la vice-présidence de la commission d’avancement “est assurée respectivement par le plus ancien des présidents de chambre ou par le plus ancien des premiers avocats généraux” non membres du CSM.

La gauche a soutenu cet amendement, “proprement révolutionnaire” selon le socialiste et ancien magistrat Jean-Pierre Michel “puisqu’il porte un coup à la situation hiérarchique de la magistrature” car “les membres de la commission d’avancement seront élus par leurs pairs”. Mme Alliot-Marie s’est déclarée favorable à l’amendement.

Le projet de loi organique détaillant la réforme du CSM, votée en 2008 dans le cadre de la révision constitutionnelle prévoit notamment que les magistrats ne seront plus majoritaires au sein du CSM: ils deviendront même minoritaires lorsque le Conseil statuera sur les nominations.

Le Sénat l’a voté en deuxième lecture mardi par 178 voix contre 141.

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(AFP) –

AP | 17.03.2010 | 12:44

Il n’y aura pas de poursuites disciplinaires contre les avocats qui avaient refusé d’être commis d’office à la suite de leur récusation lors des procès du braqueur Antonio Ferrara et d’Yvan Colonna en appel. En effet, après avoir engagé des poursuites en juillet dernier, le parquet général de Paris les a classé sans suite le 1er mars, a-t-on appris mercredi de sources judiciaires.

Lors du procès en appel d’Yvan Colonna pour l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac, ses conseils avaient quitté le procès après le refus de la cour d’organiser une reconstitution des faits. Commis d’office, ils avaient refusé de continuer à assister leur client.

Les parquets généraux de Paris et Bastia avaient engagé des poursuites en juillet 2009 contre Mes Patrick Maisonneuve, Pascal Garbarini (Paris), Gilles Simeoni (Bastia) et Antoine Sollacaro (Ajaccio). Seul ce dernier comparaîtra le 26 mars devant la commission de discipline en Corse pour “outrage” à la cour d’assises pour avoir comparé cette dernière à la “junte birmane”, a-t-il précisé à l’Associated Press.

Le parquet général de Paris a également classé sans suite les poursuites diligentées contre les défenseurs du braqueur Antonio Ferrara et de deux de ses co-accusés, Dominique Battini et Hamid Hakkar. Récusés lors du procès en novembre 2008 pour l’évasion de l’Italien de la prison de Fresnes devant la cour d’assises de Paris, ils avaient refusé d’être commis d’office. Les poursuites du parquet visaient sept avocats. AP

http://www.bakchich.info/Du-riffifi-sous-les-robes,09788.html

Du riffifi sous les robes

Nevers walk alone | vendredi, 5 mars 2010 | par Anthony Lesme
Devant une justice sourde, l’avocat Roland Fontaine s’exaspère. Depuis trois ans, il espère que son ancien associé et sa collaboratrice soient jugés pour l’avoir escroqué. Enquête

Les baveux se crachent parfois l’un sur l’autre au risque de salir leurs robes. Le 1er septembre 2009, le bâtonnier de Nevers s’attaque à une affaire qui fait jaser la ville et la région depuis plusieurs années. Il saisit le conseil de discipline de la cour d’appel de Bourges pour engager des procédures disciplinaires contre deux avocats, soupçonnés d’avoir escroqué un… autre avocat : Roland Fontaine.

« Je comprends toujours pas ce qui a bien pu se passer, j’ai toujours été cool » lance cet avocat de 58 ans, un brin rock’n’roll, mais toujours abasourdi, semble-t-il, par les derniers coups de cymbale qu’il vient de recevoir ces dernières années par son ancien associé Maître Mazet, aujourd’hui à la retraite. « On s’entendait très bien, on était même ami. On partageait des bouffes, des vacances et notre cabinet d’avocat. Et puis un jour je tombe malade et dix mois après… mon cabinet, mes dossiers, tout avait disparu », résume Roland Fontaine.

Accusation d’abus de faiblesse

Ce n’est pas une leçon de magie mais plutôt des accusations d’abus de faiblesse. 25 ans durant, à Nevers, Fontaine a été associé à Claude Mazet. En avril 2006, il tombe gravement en dépression. Divorce douloureux, surcharge de travail, il est hospitalisé en cellule psychiatrique en région parisienne. « Bourré de cachetons », il sort en permission deux mois plus tard, le 29 juin 2006. « J’étais shooté à ce moment là, je me rappelle à peine de ce qui s’est passé. Je passe au cabinet… et mon associé en a profité pour me faire signer des papiers qui résiliaient le bail de notre cabinet et mettait fin à notre société de gestion commune, à effet le 31 décembre 2006. » Mazet, joint par Bakchich réfute : «  Il délire, il a signé en toute connaissance de cause. On était bien d’accord tous les deux. » Il ajoute :« Il joue les malades mais il était pas malade du tout. » Surprenant comme réponse car M. Mazet, à la suite de l’interview ne réfute pas qu’il était bien suppléant de Maître Fontaine, en charge de ses dossiers, le temps de sa maladie… Il ne nie pas non plus que trois jours plus tard, une réunion présidée par le bâtonnier Maître Maquard-Moulin, devaient se tenir afin de veiller au mieux sur les intérêts de Maître Fontaine.

Selon un avocat présent à cette réunion et qui préfère rester anonyme, Mazet « se pointe avec les papiers de dissolution en disant que c’est Fontaine qui lui avait demandé de dissoudre. Fontaine était là, au fond de la salle, complètement hagard, il n’était pas dans son état normal. » Mazet, du bout des lèvres, acquiesce que c’est bien lui qui avait demandé à Fontaine de dissoudre leur association, pour dit-il « des questions techniques », « ces locaux que nous occupions étaient des locaux loués avec un préavis de six mois, il fallait à tout prix donner au propriétaire le congé avant la fin du mois de juin pour le 31 décembre suivant. » [1]

Carcan judiciaire

Fontaine était-il en état de signer de tels papiers ? La justice le dira. Enfin si elle souhaite se manifester… la DIPJ (Direction Interrégional de la Police Judiciaire) avait enquêté et transmis ses conclusions au Parquet qui classe très rapidement l’affaire. Réouvrir l’enquête ailleurs, c’est le souhait de Fontaine, « loin du microcosme de la justice locale » et qui pourrait avoir précipité, selon lui, la décision du juge. Peine perdue, le juge d’instruction de Chartres ne se dit pas compétent et renvoie l’affaire à Nevers. Mais le juge nivernais tarde à se manifester… tant et si bien que la réforme de la carte judiciaire rend impossible l’affaire à Nevers puisque le tribunal est… supprimé. Magie, magie, la justice d’aujourd’hui… Fontaine se dit outré et milite pour que son affaire soit jugé le plus vite possible. Et si possible en toute indépendance. Pourquoi pas à Paris ? C’est le souhait de Maître Herzog – troisième avocat de Fontaine-, défenseur entre autres de Nicolas Sarkozy, et qui offre ses services gratuitement à Fontaine pour défendre dit-il l’éthique de la profession « contre des pratiques épouvantables ».

Accusation de dossiers partagés

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Fontaine, qui avait une clientèle plus nombreuse que son associé, travaillait depuis cinq ans avec une collaboratrice, Garance Agin. Selon Fontaine, «  quand je pars en maladie, elle et Mazet vont écrire sous mon nom, en s’abstenant de préciser qu’il me suppléait pendant mon absence alors que la loi les y oblige. (…) Alors que j’étais au fond du lit à l’hôpital, ils écrivaient avec mon papier et ma signature “Je vous indique que désormais mes dossiers seront suivis par Maitre Agin (ou Maître Mazet)”. » Du faux en écriture privée selon lui, (délit passible de deux ans de prison ferme). Mazet et Agin démentent. Agin se défend et déclare à Bakchich que le 6 septembre 2006, le bâtonnier de Nevers, des avocats, Mazet, Fontaine et elle-même « avons décidé d’un partage des dossiers puisque Fontaine a indiqué qu’il ne pouvait plus exercer sa profession » et elle ajoute « il était d’accord pour qu’on prévienne les clients et que les avocats reprennent la gestion des dossiers ». Version contredite par Maître Thibert, avocat à Nevers et présent ce jour-là. Joint par téléphone, il déclare : «  Il n’y a pas eu répartition des dossiers. On en a en effet discuté mais vu que Fontaine n’était pas dans un état pour dire si oui ou non il était d’accord, on a remis ça à plus tard. » Selon Fontaine, l’enquête de la DIPJ montre que Thibert n’est pas le seul à témoigner dans ce sens. Aussi n’aurait jamais été tranchée la répartition des dossiers.

Sur les courriers adressés aux clients de Fontaine, l’ex-collaboratrice de Fontaine ne nie pas avoir utilisé son en-tête « j’ai toujours utilisé son papier en-tête pour informer les clients des enquêtes en cours. Fontaine était d’accord sur tout ». Fontaine était-il capable d’être d’accord à cette époque ? Selon les avis des psychiatres que Bakchich a consultés, il ne l’était pas. Agin poursuit :-En tant que collaboratrice, on utilise le papier en-tête de son maître de stage. -Mais avez-vous précisé dans les courriers que vous étiez sa suppléante (obligation réglementaire) ? – Réponse étonnante de l’avocate : « Je n’ai jamais été informé que j’étais sa suppléante ». Maître Maquard-Moulin, bâtonnier de Nevers à l’époque, chargé de nommer et surveiller les suppléances, se refuse à tout commentaire. Fontaine, lui, est catégorique : « Maître Agin était bien informée de sa suppléance et quand bien même elle ne l’eut pas été, elle aurait dû s’abstenir de toucher le moindre dossier ». CQFD.

Furax

Fontaine constate : « ils ont pillé ma clientèle. Si un premier courrier était envoyé pour dire que “je” ne pratiquais plus, un second était envoyé dans la foulée au nom de Mazet ou Agin pour dire qu’il reprenait les dossiers ». Un de ses clients, M. Dumarais, joint par Bakchich confirme la version de Fontaine. Il déclare que l’avocat lui a déclaré en septembre 2006 que Fontaine lâchait le cabinet et qu’il reprenait son dossier, une affaire matrimoniale. Mais aujourd’hui Dumarais est furax puisque les associés de Mazet (qui ont hérité du dossier) lui demandent de payer ses honoraires. « C’est hors de question, je les ai déjà payés à Fontaine en 2006. Ce sont des pratiques de bandits. »

Rien lâcher

« Cette histoire est celle d’une mort sociale formule Fontaine. Pensant mettre fin à mes jours, j’ai préféré me battre, porter plainte et ne rien lâcher. De toute façon je n’ai pas le choix, je suis incapable de retravailler tant que la justice n’a pas fait son devoir. »

[1] Fontaine nie une quelconque échéance puisque le renouvellement du bail était automatique depuis de nombreuses années et qu’il n’y avait pas feu en la demeure… Reste que Mazet prend ses clics et ses dossiers et s’associent en fin d’année avec deux autres avocats. « Je ne pouvais pas rester seul », ajoute-t-il, faiblard, en fin d’interview.

50 ans au barreau, Me Gaston Mesnard raconte « sa vie au tribunal »


Entre deux audiences, Maître Mesnard s’octroie une petite pause. Photo Maël Fabre

De la cour d’assises au simple délit de vol, Maître Mesnard est l’un des ténors du barreau nazairien.

Ce vendredi après-midi, dans la salle du tribunal correctionnel de St-Nazaire, un vieil homme vêtu d’une longue robe noire s’avance lentement vers le barreau, légèrement courbé. Il ne lève pas les yeux vers l’assemblée, prend place au deuxième rang et pose délicatement sa canne le long du banc.En haut du tableau

Gaston Mesnard, 50 ans au barreau du tribunal nazairien, dispose d’une sorte d’immunité complice. Pas un mot à son client, pas un sourire à l’huissier : il commence sa plaidoirie : « Monsieur le président, oui, le jeune père ici présent a fait une bêtise et il le reconnaît… ». Une partition connue sur le bout des doigts. Il faut dire que Me Mesnard est un peu chez lui ici : « J’ai prêté serment en 1960. J’étais alors le 10e avocat à rentrer au barreau de St-Nazaire », raconte-t-il.

La plaidoirie, sa vie sociale

Né dans la cité industrielle, d’une famille modeste, il a toujours refusé d’apprendre à « parler la plaidoirie. Je plaide comme je parle. Un jour, un magistrat m’a dit qu’il aimait lire mes conclusions car elles sont charpentées ». Mais depuis des années, Me Mesnard a constaté un fort changement dans la relation entre avocats et magistrats : « On nous prend de haut. Jadis, c’était plus d’égalité à égalité. Depuis la création de l’École de la magistrature, les relations ne sont plus très bonnes… », explique le spécialiste, tout en ajoutant : « Il ne faut pas se plaindre de la justice nazairienne ».

Rompre avec le quotidien

De son client ce jour-là, il a à peine retenu le prénom. Il a juste fait le job. Le job, c’est quoi ? « Défendre un client, mais qu’il n’accepte pas la tape dans le dos. Je n’ai jamais sympathisé. Une fois, j’ai donné 100 F à l’un d’eux qui sortait de prison et qui est venu me voir à mon cabinet. Il avait faim. Depuis ce jour où je lui ai donné ce billet, je ne l’ai jamais revu ».

Les histoires de famille, les secrets cachés sous les matelas et les conduites sous l’emprise de l’alcool sont le quotidien de Gaston Mesnard : « J’adore ce que je fais mais je déteste y penser en sortant de mon cabinet. C’est pour cela que, contrairement à certains confrères, je n’ai jamais habité au même endroit ».

Et, dans une vie d’avocat, il y a toujours une affaire qui marque : « J’ai défendu un homme à la cour d’Assises de Nantes il y a de nombreuses années. Il a été condamné à mort. L’avocat doit obligatoirement assister à l’exécution. Moi, je n’ai jamais pu ».

Pas envie de raccrocher

Ce métier, il lui « doit tout ». « C’est ma vie sociale, ma passion ». Jamais il n’a pensé à remiser sa robe, encore moins à montrer quelques signes de faiblesses devant le tribunal. « Il faudra bien penser un jour à la retraite. Mais, tant que ma santé me le permet, je reste ! ».

Maël Fabre

Il plaide comme il parle : cinq décennies au barreau du tribunal

Publié le 27 février 2010 à 10h06 | Mis à jour le 27 février 2010 à 10h08

Le criminaliste Benoît Cliche... (Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse)

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Le criminaliste Benoît Cliche

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

André Cédilot
La Presse

«La loi est faite pour les parties et non pour le juge.» Cette petite phrase résume à elle seule la manière dont la Cour d”appel a cassé sans ménagement la décision de la juge Sophie Bourque, de la Cour supérieure, d”acquitter l”avocat des motards, Benoît Cliche, en 2008.

Dans un jugement unanime rendu hier, le plus haut tribunal du pays a ordonné la tenue d”un nouveau procès. Le criminaliste bien connu est accusé de gangstérisme et d”entrave à la justice. Il avait été arrêté en novembre 2003 pour avoir facilité les affaires du narcotrafiquant Steven «Bull» Bertrand. Me Cliche aurait agi comme intermédiaire avec les membres du clan, pendant que Bertrand était en prison.

Un premier procès instruit à l”automne 2007, devant le juge Jean-Guy Boilard, s”était terminé par un désaccord du jury. Appelée à présider le second procès, au début de l”année suivante, la juge Sophie Bourque avait entraîné l”acquittement de l”avocat, en refusant de se prononcer sur l”admissibilité de l”écoute électronique. Elle avait expliqué que le juge Boilard s”était déjà prononcé lors du premier procès The health care reform law will expandaccess to affordable-health.info coverage and broaden affordable-health.info benefits. et qu”il l”avait déjà rejetée. Elle n”avait donc pas à revenir là-dessus.

Selon la Cour d”appel, c”est là une erreur, puisqu”il ne s”agissait pas de la suite du premier procès, comme la juge Bourque l”a fait valoir, mais d”un nouveau procès. En écartant d”emblée l”écoute électronique, la juge Bourque privait le ministère public d”une bonne part de sa preuve et, s”il y avait lieu, de pouvoir peut-être présenter de nouveaux éléments de preuve.

«Quelle que soit la raison qui a causé la tenue de la nouvelle instruction, l”administration de la preuve sera faite de la même façon, avec la même nécessité pour le juge de statuer sur la recevabilité des éléments de preuve», soumet le tribunal d”appel. La Cour supérieure devra donc trouver un juge et tenir un nouveau procès dans les plus brefs délais.

Du même auteur

La cour d’appel de Bordeaux s’est prononcée mardi en faveur de l’application du mandat d’arrêt européen émis par l’Espagne à l’encontre de l’avocat espagnol Joseba Agudo, accusé d’appartenance à l’ETA, a-t-on appris auprès de ses avocats.

Ses défenseurs ont fait valoir une nouvelle fois que l’application du mandat d’arrêt européen émis par l’Audience nationale espagnole était basée sur des documents trouvés en France et aux mains d’un magistrat parisien, ce qui “en principe ne peut pas se faire”, a plaidé Me Maritxu Paulus-Bassurco.

Le tribunal de Pau (Pyrénées-Atlantiques) avait cependant déjà rejeté cet argument le 17 novembre dernier en autorisant la remise de Joseba Agudo aux autorités espagnoles. Me Paulus-Basurco s’était alors pourvu en cassation.

La cour d’appel de Bordeaux avait demandé le 19 janvier un complément d’information à la juge antiterroriste Laurence Le Vert pour s’assurer que Joseba Agudo ne faisait l’objet d’aucune instruction en France.

Le mandat d’arrêt européen émis par l’Espagne se base sur des documents saisis à Bordeaux par la justice française lors de l’arrestation de Francisco Javier López Peña, alias “Thierry”, chef présumé de l’ETA, le 20 mai 2008.

Joseba Agudo, 34 ans, est incarcéré à la prison de Seysses (Haute-Garonne) depuis son arrestation à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) le 28 octobre. Il est accusé d’association de malfaiteur en lien avec une entreprise terroriste par l’Audience nationale espagnole qui le soupçonne, en sa qualité d’avocat de membres de l’ETA, d’avoir transmis des informations au sein de l’organisation clandestine. AP

AP | 16.02.2010 | 17:29

NOUVELOBS.COM | 26.01.2010 | 10:03

De plus en plus de gardes à vue sont annulées en France. En cause : l’absence d’avocats. La prochaine réforme de la procédure pénale va-t-elle changer les choses ? L’enquête de Nouvelobs.com.

Michèle Alliot-Marie estime que "les droits de la défense seront mieux garantis" dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. (AFP)

Michèle Alliot-Marie estime que “les droits de la défense seront mieux garantis” dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. (AFP)

Le rapport de force entre avocats et policiers sur les conditions de la garde à vue entre dans un moment décisif. La décision, jeudi dernier, de la cour d’appel de Nancy de refuser de prendre en compte des procès verbaux de garde à vue dans une affaire de stupéfiants, au motif que les deux suspects n’avaient pu rencontrer leur avocat avant la 72e heure, montre qu’une clarification des textes s’impose. A Bobigny aussi, des magistrats ont récemment exigé la présence des avocats des suspects dès le début de la garde à vue, s’appuyant sur des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Des officiers de police ont alors refusé de procéder aux interpellations demandées. Les opérations liées à des affaires de stupéfiants ont dû être annulée suite à ce désaccord. De même, la cour d’appel de Rennes a annulé une procédure car les auditions avaient débuté avant l’arrivée de l’avocat. Avec d’autres, ces arrêts font jurisprudence sans que le ministère de la Justice en tire concrètement les conséquences. Dans un entretien à La Croix, Jean-Paul Costa, président de la CEDH rappelle que si, pour le moment, les arrêts de la Cour européenne ne lient que les Etats directement visés par la plainte, il faut “arrêter de jouer à cache-cache. Les Etats ne doivent pas attendre que des dizaines de justiciables déposent des recours à Strasbourg pour réviser leurs lois”. Interrogé par Nouvelobs.com lundi 25 janvier, Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la Magistrature, estime de son côté que, si elle n’est pas modifiée, la prochaine réforme de la garde à vue préparée par le ministère de la Justice se heurtera rapidement aux récents arrêts de la CEDH.
Alors que Michèle Alliot-Marie finalise la réforme de la procédure pénale, le Syndicat des Avocats de France et le Syndicat de la Magistrature estiment que, telle qu’elle se profile, la réforme de la garde à vue n’ira pas assez loin. Promis pour la première semaine de février, le texte n’a toujours pas pu être visé par les syndicats. “Nous n’avons même pas été consultés” s’indigne Matthieu Bonduelle. Le directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie avait promis des “fenêtres de concertations” en cours d’élaboration du texte : il n’y en a pas eu le moindre rendez-vous. Cette absence de concertation ne surprend pas le Syndicat des Avocats de France puisque les travaux du ministères étaient clairement présentés comme confidentiels.

Explosion des gardes à vue

Si la Garde des Sceaux prétend en limiter l’expansion, le nombre de gardes à vue atteint pour le moment des records : 577.816 personnes se sont retrouvées dans cette situation en 2009, soit une augmentation de 35,42 % en cinq ans. Pour Jean-Louis Borie, président du Syndicat des Avocats de France, cette explosion s’explique par la politique du gouvernement pour lequel “la culture du chiffre est devenue synonyme d’efficacité”. Le nombre de gardes à vue fait désormais partie des éléments pris en compte pour déterminer l’efficacité d’un commissariat. L’hypothèse d’une modification du texte rassure Jean-Louis Borie : “Si on obtient des garanties procédurales, ça les calmera!”
Actuellement, lors d’une garde à vue décidée par un fonctionnaire de police ou un gendarme, l’avocat est présent au début de la mesure pour une visite d’une demi-heure. Il n’a alors pas accès au dossier ni aux interrogatoires. Dans les cas de délinquance ou de criminalité organisée, l’avocat ne peut intervenir qu’au bout de 48 heures et au bout de 72 heures pour les affaires de stupéfiants et de terrorisme. Dans tous les cas, l’avocat n’assiste pas aux interrogatoires et n’a pas accès au dossier de son client.

Une réforme incomplète

La réforme présentée par Michèle Alliot-Marie devrait prendre en compte les recommandations du comité de réflexion présidé par Philippe Léger. Sur cette base, peu de choses devraient donc changer alors que pour Jean-Louis Borie, il y a vraiment urgence à modifier en profondeur les conditions de la garde à vue. Le rapport Léger se contente en effet de donner à l’avocat la possibilité de revenir au bout de la 12e heure de garde à vue et d’avoir accès aux procès verbaux des auditions. Après 24 heures, l’avocat pourrait assister aux auditions.
Les demandes du Syndicat des avocats et du Syndicat de la Magistrature vont beaucoup plus loin. Matthieu Bonduelle explique que son syndicat réclame la présence de l’avocat du début jusqu’à la fin des audiences. De plus, l’avocat devrait avoir accès à tout le dossier et non pas seulement aux PV d’audition. Le Syndicat de la Magistrature veut aussi qu’il n’y ait plus de différence entre les affaires et demande la suppression des 72 heures de garde à vue pour les affaires de terrorisme : “C’est 48 heures, point”. Jean-Louis Borie réclame, lui aussi, la suppression des régimes dérogatoires. Ce dernier précise que si l’avocat doit être présent à tous les stades de la garde à vue, il faut en assumer les complications mais que sur ce point là, au moins, ce sera aux avocats de s’organiser. Il faut donc une réforme procédurale mais aussi une réforme sur le financement des avocats, et là, ce sera l’affaire de l’Etat. Jean-Louis Borie évoque la piste d’une taxe sur les contrats de protection juridique.

Surdité gouvernementale

Face à l’augmentation des recours devant la CEDH et des arrêts des cours d’appel, Matthieu Bonduelle s’étonne de la “surdité gouvernementale”. Michèle Alliot-Marie estime que “les droits de la défense seront mieux garantis” dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. Elle a annoncé que les avocats pourront assister aux auditions des suspects lors des renouvellements de garde à vue, et que “l’aveu en garde à vue sera insuffisant pour justifier à lui seul une condamnation”. Les demandes des syndicats ne sont pourtant pas prises en compte et Matthieu Bonduelle pense que “le gouvernement va au devant de grandes difficultés“. Et d’ajouter : “Ils veulent à tout prix faire passer les réformes voulues par le président, peu importe le reste”. Le Syndicat de la Magistrature se désole d’autant plus que ces méthodes sont contraires aux promesses de dialogue social de Michèle Alliot-Marie. “Elle prétendait faire oublier les dérives de l’équipe précédente mais il n’y a pas plus de dialogue social qu’avec Rachida Dati”, conclut Matthieu Bonduelle.

(Louis Morice – Nouvelobs.com )