28 juillet 2009 à 06h00

Roger Toutin à son arrivée à la cour d’Assises du Nord, le 25 novembre 1985. (Photo archives Nord éclair)

L’un des derniers parrains lillois, Roger Toutin, est tombé pour le meurtre de deux hommes de main du « milieu », tués à Lille en 1978. Leurs corps ont été découpés et coulés dans du béton avant d’être jetés dans l’Oise. Toutin sera condamné à 18 ans de prison en 1985.



BRUNO RENOUL > bruno.renoul@nordeclair.fr
C’était un parrain à l’ancienne, avec le verbe haut, la gâchette facile et cette propension à échapper à la police grâce à la loi du silence ancrée dans le « milieu » traditionnel, fait d’honneur et de peur. Arrivé dans les années 70 à Lille, en provenance du sud et avec ses relations pour tout bagage, Roger Toutin n’a mis que quelques années pour se tailler la part du lion dans le « milieu » lillois.
« C’était un des principaux truands, il touchait au proxénétisme, au racket, au jeu, gérait des établissements de nuit, et n’hésitait pas à éliminer physiquement ses adversaires », se souvient Philippe Lemaire, procureur de la République de Lille, qui a planché à l’époque sur l’affaire en tant que jeune substitut. « La PJ a tourné autour de lui pendant des années avant de le coincer. » Ce sera finalement l’assassinat de deux de ses lieutenants qui perdra « Roger la béquille ». En 1978, deux exécutants inséparables du milieu lillois, Pierre Gonzales, 38 ans, dit « Pierrot le Frite », et Areski Omeiri, 43 ans, dit « Jean La Couture », disparaissent simultanément. Très vite, la rumeur accuse Roger Toutin d’avoir abattu les deux hommes de sang froid dans sa discothèque, le Splash, alors située rue Saint-Étienne.

« C’étaient des hommes de main, il semble qu’ils aient essayé de le faire chanter, ils se sont peut-être enhardis sans savoir à qui ils avaient affaire », estime Luc Frémiot, procureur de la République de Douai, qui a partiellement instruit l’affaire.
Plusieurs éléments pèsent alors contre Toutin. Le soir de sa disparition, Omeiri a été vu ensanglanté par des clients du Splash, en train d’appeler à l’aide. Le personnel de la discothèque, lui, prétendra bien sûr ne rien savoir. Toutin lui-même niera avoir croisé Omeiri ce soir-là, avant de reconnaître s’être simplement battu avec lui.
En guise d’indices, il y a aussi la moquette du bureau de Toutin, dans lequel le double meurtre est censé s’être produit, qui a été changée après les faits.
L’escalier dans lequel Omeiri a été aperçu a été repeint. Et une trace de balle a été découverte dans une poutre de la pièce !

En 1979 et 1980, les deux cadavres sont enfin découverts tour à tour dans l’Oise. Tous deux sont extraits de deux malles identiques, lestées de béton. À l’intérieur, des corps tués par balle, dépecés et découpés à la tronçonneuse… Identifiés comme étant ceux d’Omeiri et de Gonzales, les cadavres ne permettent cependant pas d’impliquer Toutin, qui bénéficie d’un non-lieu en avril 1982.
n mois après, coup de théâtre : la propre femme de Toutin, Monique Bridoux, 37 ans, porte plainte contre son mari pour tentative de meurtre, et en profite pour l’accuser de l’assassinat des deux truands !
« On a pu aussitôt l’inculper. Pour moi, c’était ma première grosse affaire, raconte Luc Frémiot. À chaque fois que je l’entendais, on changeait de bureau pour éviter une évasion. S’il s’était tu et s’était tenu à sa version, il aurait sans doute été acquitté. Notre chance, c’est qu’il avait une conception de l’honneur qui lui interdisait de se taire, il voulait jouer le jeu et gagner. Chaque interrogatoire durait six ou sept heures. Et finalement, il a perdu… » Défendu par de brillants avocats, Roger Toutin, alors âgé de 53 ans, a réussi à distiller le doute lors de son procès, qui s’est tenu en 1985 aux Assises de Douai. Traitant sa femme d’« ordure » en plein tribunal, il cherchera à la noircir coûte que coûte pour mieux affaiblir son témoignage.
En vain : condamné à 18 ans de réclusion, Toutin ne s’en remettra pas. Libéré pour raisons médicales, il mourra au début des années 1990.

6 réponses
  1. toutin veronique
    toutin veronique dit :

    bonjour je suis la fille de roger toutin et j’aimerais en savoir un peut plus sur mon pere que je n’ai finalement connu que derriere les barreaux d’une prison et j’aimerais rencontrer quelqu’un qui puisse m’en raconter un peut plus sur lui

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  2. janot
    janot dit :

    si je peux vous aider un peu à vous reconstruire contactez moi, car je comprends totalement cette démarche, vis-à-vis d’un passé qui me tourmente toujours 0680947511

    Répondre

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