Le Post Aglio E Cipolla – LePost

Quand Silvio Berlusconi invite la justice à dîner chez un ami, l’immunité se décide à table. Au menu et représentée, la cour constitutionnelle qui devra bientôt se prononcer sur la validité du lodo Alfano, créé ad-hoc pour assurer l’impunité au Cavaliere, notamment dans le cadre de l’affaire Mills qui a reconnu le corrupteur sans pouvoir le condamner: lui. Mais aussi la main mise sur la Cassation. On y prépare le retour du doyen Corrado Carnevale (”Carnaval”, oui…), surnommé le juge ”tue-sentences” pour son consciencieux travail anti-antimafia et qui fut lui-même condamné à 6 ans de prison en 1993 pour association mafieuse, il y a exactement 8 ans aujourd’hui. Puis relaxé par la Cassation en 2002 et réintégré par l’anti-Etat italien: l’anti-antimafia. 

”Un dîner entre gens de bonne compagnie, censé rester secret, qui se déroule en mai dernier chez un juge de la Cour constitutionnelle, Luigi Mazzella, ex-ministre italien de la fonction publique sous le deuxième gouvernement Berlusconi, et réunit autour de la table un autre juge de cette même Cour, Paolo Maria Napolitano, ancien chef de cabinet de Gianfranco Fini durant le deuxième gouvernement Berlusconi et membre du Conseil d’Etat ; l’actuel ministre de la Justice, Angiolino Alfano; le sous-secrétaire à la présidence du Conseil, Gianni Letta ; les présidents de la commission des Affaires constitutionnelles du Sénat, Carlo Vizzini, et de la Chambre des Députés, Donato Bruno, et enfin le président du Conseil des ministres en personne, Silvio Berlusconi.” (Jean-Marie Le Ray, Adscriptor in ”Berlusconi: Assaut final à la justice” 28.06.2009)

Le retour du juge ”tue-sentences”

Si Angelino Alfano, ministre de la Justice italienne a assuré  l’impunité au Cavaliere (en signant un papier qu’il n’avait peut-être pas rédigé lui-même dit-on…), Corrado Carnevale assura lui ce qui ressemble à une impunité permanente à la Mafia. Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomma ”le juge tue-sentences” (l’ammazza-sentenze): en tant que président de la 1ère section de la Cour Suprême de la Cassation, c’est à dire la plus haute instance de la justice italienne, il avait tout pouvoir pour ”casser” les sentences, ce  qu’il fit systématiquement en faveur des mafieux”.

Pour illustrer cette invraisemblable supputation, on doit parler de Carnevale lui-même qui fut inculpé pour… association mafieuse en 1993 et condamné par la Cour d’Appel de Palerme le 29 juin 2001 -il y a exactement 8 ans aujourd’hui- à 6 ans de prison et l’interdiction d’exercer sa profession. Bon anniversaire Carnaval. Il peut le fêter en riant: tout fut balayé, ”cassé” justement par la… Cassation, le 30 octobre 2002, ”faute de preuves suffisantes”.

”Carnevale à la cassation, Borsellino et Falcone au cimetière”… *

Carnevale, à travers les manigances du Cavaliere et de ses hommes pourrait  se retrouver de nouveau dans quelques mois à la tête ‘’suprême” de la Cassation. Un homme qui dit regretter d’avoir un jour promu Di Pietro (Mains propres…), et crache volontiers sur les tombes de Falcone et Borsellino, héros nationaux du pool antimafia, assassinés tous deux en 1992.

Corrado Varnevale, encore, qui né en 1930 devrait être à la retraite, mais qui bénéficie d’un bonus institutionnel grâce à, encore ici, une petite loi ad personam lui permettant, au grand bonheur des bénéficiaires, de rester en place -en récupérant  le temps ”perdu” à cause de sa condamnation!- et continuer sa brillante et fulgurante carrière dans l’anti-État. Carnevale qui refuse de croire, d’écouter, les repentis comme Buscetta qui via Falcone expliquèrent enfin ce qu’est la Mafia, prouvèrent qu’elle EXISTE. Carnevale etc.

Comment est-il possible que Corrado Carnevale soit déjà revenu à la Cassation? En 2003 le gouvernement Berlusconi fait discrètement passer un texte prévoyant la réintégration possible à la Cassation d’hommes dans sa situation (condamnés puis blanchis), et précise par un décret de loi en 2004 que cela doit être possible même si les postes ne sont pas disponibles (en cas de ‘’surnombre”). Le 30 juillet 2007, le gouvernement Prodi vote un décret empêchant la réintégration des ”plus de 75 ans” (Carnevale fêtait alors ses 74 ans…). En octobre 2008 le gouvernement  Berlusconi supprime ce décret. Entre temps, le 21 juin 2007, Corrado Carnevale a repris son ”activité judiciaire” au sein de la Cassation, président de la première section civile : il est aujourd’hui en piste pour briguer la ”grande présidence”, l’un des objets du secondo piatto de ce dîner berlusconien:

Raser au sol la justice italienne telle quelle est aujourd’hui: les hommes de la Liberté et affiliés présents projettent tout simplement ”la création d’un nouveau Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dont fera partie, de droit, non plus le procureur général, mais le premier président de la Cour de cassation”. C’est à dire Corrado Carnevale prochainement, si le grand projet devient réalité.

Carnevale sur Giovanni Falcone: ”Un crétin indigne d’etre respecté, meme mort”.

On se demande parfois pourquoi se donner tant de mal. Le ”très sage” président de la République Giorgio Napolitano est toujours aussi calme, et Nicolo Mancino [1] est aujourd’hui à la tête du CSM. Nicola Mancino qui, le jour de son entrée au ministère de l’Intérieur, 1er juillet 1992, ne  se souvient pas d’avoir rencontré Paolo Borsellino. C’était 5 semaines après l’assassinat de Falcone et 3 avant celui de Borsellino. Le rendez-vous, selon certains -dont le repenti Giovanni Brusca, l’homme qui actionna le bouton tuant Falcone, sa femme et ses gardes du corps-, avait pour objet de clarifier un point important avec le juge antimafia Borsellino: tout arrêter car l’État négociait avec Cosa Nostra. Et Mancino avait été, toujours selon certains, nommé ad-hoc pour mener à bien l’accord depuis le ministère de l’Intérieur, comme se permet de supputer Salvatore Borsellino, frère du juge assassiné.

”La Constitution veut un magistrat en toge et pas en uniforme. (…) Je suis un juge et je me refuse à combattre aussi la Mafia, mon travail n’est pas de lutter” (Corrado Carnevale [2])

Si cela ne suffisait pas, voici ce qu’on peut lire ce matin, 29 juin 2009, dans La Repubblica: ”Les premiers travaux de l’après séisme ont été confiés à un entrepreneur abruzzese en lien avec des prête-noms qui recyclaient, ici à Tagliacozzo, le ”trésor” de Vito Ciancimino…”.

Ancien maire de Palerme (Democrazia Cristiana) dont il incarna la ”mise à sac”, Vito Ciancimino (1924-2002) de Corleone a été défini par la justice comme représentant ”l’infiltration la plus explicite de la Mafia dans l’administration publique”. Ces gens que Carnevale n’a jamais voulu combattre.

Fromage et dessert. Peut-être nous expliquera-t-on sur la presse humoristique appartenant au Cavaliere (Il Giornale, Libero, CHI, Oggi…) qu’ainsi, et montrant l’exemple, le diner privé et ”constitutionnel” de Berlusconi et ses amis, ne pèsera pas sur le budget de l’État, ou anti-État… En Italie c’est la République et la Démocratie qui offrent. Et on fait carnaval toute l’année sur les sépultures des héros.

AeC

http://www.aglioecipolla.com

[1] Quand Wikipedia est en friche… Voici ci-dessous la  page française existante sur Nicola Mancino. Je me permets de le copier car les propod tenus y sont oh mon dieu diffamatoires et ne resteront vraisemblablement pas longtemps en ligne… la page italienne se limite à signaler que le rendez-vous avec Borsellino serait prouvé par sa trace dans l’agenda du juge assassiné, agenda où le juge assassiné reportait les rendez-vous effectués :

”Nicola Mancino est un homme politique italien qui a occupé le poste de président du sénat de la république italienne. Il fut a ce titre, président par intérim de la république italienne en 1999. Actuellement Nicola Mancino assume la direction du Conseil Superieur de la Magistrature italienne (CSM). Nicola Mancino est considéré comme le mandant de l’homicide du juge Paolo Borsellino, martyre de la Repubblique, héros des Italiens”. (Wikipedia France)

[2] La Repubblica, Wikipedia

Sources et liens:

[fr] Berlusconi: Assaut final à la justice (Jean-Marie Le ray)

[it] * ”Carnevale in cassazione, falcone e Borsellino al cimitero” (Marco Travaglio)

[it] ”Il ritorno di Carnevale” Nicola Tranfaglia

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