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La presse et les professionnels ont reçu un fascicule du ministère de la Justice intitulé “… Parce qu’il fallait moderniser la justice de la France pour l’adapter au XXIe siècle…”. “Une opération de communication personnelle”, dénoncent les syndicats de magistrats.

(DR)

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A quelques jours de son départ du ministère de la Justice, Rachida Dati a fait parvenir, mercredi 17 juin, à la presse un fascicule intitulé “…Parce qu’il fallait moderniser la justice de la France pour l’adapter au XXIe siècle…” qui dresse un bilan de ses deux ans de mandat depuis sa nomination par Nicolas Sarkozy en mai 2007.
La presse n’a pas été la seule destinataire, puisque les chefs de cour, les chefs de juridiction, les parlementaires, les doyens de faculté de droit et les représentants professionnels du monde judiciaire ont également reçu ce livret de 102 pages, où figure en couverture une photo de la ministre. “C’était l’occasion de dire ‘voilà le bilan’ après deux ans d’un éventail très large de réformes”, a expliqué la Chancellerie à nouvelobs.com. Mais est-ce que les personnes destinataires ne connaissaient pas déjà ce bilan?

Un traitement parfois partial

Le sommaire dresse un panorama des textes votés depuis deux ans, de la création du juge des victimes à la réforme de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) en passant par la mise en place du plan “Alerte enlèvement”. Certains sujets méritent toutefois une lecture plus approfondie. Exemples.
On peut lire que la justice pénale des mineurs avait été réformée de manière à aboutir à “un texte enfin plus clair”. La minorité pénale – c’est-à-dire l’âge en dessous duquel on échappe à la justice pénale – a été fixé à 13 ans avec toutefois quelques restrictions qui ne sont pas mentionnées et que l’Unicef avait dénoncées.
De même, de nombreux chiffres émaillent le chapitre relatif aux peines planchers, ces peines minimum pour les juges qui visent à lutter contre la récidive. Mais, étonnamment, pas une ligne sur la conséquence de cette mesure sur la population carcérale. D’ailleurs, si une partie du volume est consacré à la prison (notamment à travers les exemples du contrôleur général des lieux de privation de liberté ou la prévention des suicides), à aucun moment les chiffres de la population en prison ne sont cités. Donc, pour rappel, au 1er mars 2009, 62.700 personnes étaient incarcérées pour une capacité de 52.535 places. Un record de surpopulation a même été battu à l’été 2008.
Contactée par nouvelobs.com, l’Union syndicale des magistrats note également que Rachida Dati met en avant des réformes qui n’ont pas encore été votées comme la réécriture du Code pénal et du code de procédure pénale ou le projet de loi pénitentiaire qui n’est qu’au stade de la “présentation”, note l’USM dans un contre-bilan de l’action de la garde des Sceaux.

“Si Mme Dati y croit…”

Le livret sonne donc davantage comme “une opération de communication personnelle”, explique Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature, interrogée par nouvelobs.com. C’est “consternant mais pas étonnant”, renchérit le président de l’USM, Christophe Régnard. La conclusion du livre fait d’ailleurs grincer les dents des syndicats. On peut en effet lire: “La ministre, dès son entrée en fonction, a décidé d’aller à la rencontre des élus, des professionnels du droit et de la justice, des experts, des représentants du monde associatif… Le dialogue et la concertation n’ont jamais fait défaut”.
“Si Mme Dati y croit elle-même, très bien”, commente Christophe Régnard avant d’ajouter: “On peut dire que tout va bien, mais la réalité du terrain est très différente”. C’est “une contre-vérité” pour Emmanuelle Perreux qui cite l’exemple de la réforme de la carte judiciaire: “Rachida Dati n’a réuni qu’une seule fois le comité consultatif qu’elle avait créé”.
D’autant que la fin du mandat de Rachida Dati est notamment marquée par la plainte contre elle de l’USM pour “injure contre un corps constitué”.

Quel coût ?

Dernière interrogation: le coût d’une telle opération de communication. Interrogée sur le nombre de fascicules imprimés et sur le coût pour le ministère d’une telle distribution, la Chancellerie n’a pas souhaité répondre. “Le budget du ministère est déjà exsangue”, souligne Christophe Régnard, tandis qu’Emmanuelle Perreux dénonce le fait qu’une telle “opération pour vanter les mérites de Mme Dati est payée par le contribuable sur les moyens du ministère alors que d’autres dépenses sont bien plus prioritaires”.
(nouvelobs.com)
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Dati laisse un bilan très critiqué et une image écornée

Deux ans après sa nomination-symbole au ministère de la Justice, Rachida Dati va quitter ses fonctions en laissant un bilan très critiqué et une image personnelle écornée.

Du statut d’icône de la diversité à une élection au Parlement européen aux allures de disgrâce, la chute aura été dure pour celle qui était la protégée de Nicolas Sarkozy, la première femme issue des “minorités visibles” nommée place Vendôme.

Son passage à la Chancellerie, le plus controversé de toute la Ve République, a été marqué par la mise en chantier de nombreuses réformes visant à “moderniser” la justice, de la refonte de la carte judiciaire, vieux serpent de mer, aux peines planchers. Rachida Dati a bénéficié d’un budget en hausse de 6,6% en deux ans.

En bon soldat de la Sarkozie, la ministre de Justice n’a laissé à personne d’autre le soin de mettre en scène son bilan. Elle a fait publier au frais du ministère un opuscule de 102 pages. La semaine dernière, elle adressait des messages aux personnels des juridictions, de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse et de l’administration centrale de son ministère.

Les syndicats de magistrats ne la regretteront pas, qui évoquaient mercredi “un gâchis”. L’action à la tête du ministère de celle qui se présentait à son arrivée comme la “chef des procureurs” a été “une véritable entreprise de destruction de l’institution judiciaire”, estime Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

“Au-delà de l’autosatisfecit, la justice d’aujourd’hui est toujours aussi misérable qu’il y a deux ans”, remarque le président du syndicat majoritaire. Rachida Dati, c’est “tout pour la communication et pas grand-chose pour le fond”.

“Au bout de deux ans, le ministère de la Justice sort affaibli, divisé”, poursuit Emmanuelle Perreux. La présidente du Syndicat de la magistrature (SM, minoritaire) dénonce “un véritable malaise dans la magistrature, à l’administration pénitentiaire”, une “politique pénale aveugle” et une ministre qui “ne s’est jamais plongée réellement dans les dossiers”. “Elle s’est tout de suite positionnée en bon petit soldat du président de la République, sans volonté de débattre”, accuse Mme Perreux.

Pour lui succéder, “il faut quelqu’un qui arrive dans un esprit de dialogue, de concertation et d’apaisement”, juge la présidente du SM. Le nom du ministre du Budget Eric Woerth circule pour la remplacer.

Les socialistes pointent pour leur part les “chantiers inachevés” du garde des Sceaux. Lors des questions au gouvernement, le député PS Jean-Michel Clément a égrené mercredi la liste des rapports restés sans lendemain: Guinchard sur les contentieux judiciaires, Lamanda sur la rétention de sûreté, Varinard sur la justice des mineurs, Léger sur la justice pénale. Le projet de loi pénitentiaire, auquel Rachida Dati voulait laisser son nom, n’a toujours pas été examiné par les députés.

“Depuis deux ans, cette majorité oeuvre en profondeur pour réformer la justice”, a répondu le porte-parole du gouvernement Luc Chatel. Rachida Dati était absente.

A sa décharge, beaucoup remarquent que le garde des Sceaux n’a plus la main sur la politique pénale ou les nominations. Toutes les décisions sont prises à l’Elysée, où le conseiller justice de Nicolas Sarkozy, Patrick Ouart, fait figure de ministre-bis. “Ce n’est évidemment pas son bilan à elle seule, c’est le bilan de l’exécutif et du Parlement aussi”, observe le député UMP François Goulard.

Si son action est très critiquée, son image a été entachée par la publication de deux biographies au vitriol. “Belle-amie” de Michaël Darmon et Yves Derai, et “Du rimmel et des larmes” de Jacqueline Rémy, ont révélé au grand jour la “tueuse” et l'”intrigante”, prête à tout pour se hisser au sommet du pouvoir.

La ministre de la Justice a autant fait parler d’elle dans la presse people que dans les chroniques judiciaires. La naissance en janvier de sa fille Zohra a déchaîné les passions, et les supputations sur l’identité du père.

Bientôt en exil à Strasbourg et Bruxelles, Rachida Dati n’entend pas délaisser le terrain parisien. Forte de sa popularité intacte -elle se classe quatrième à droite dans le dernier palmarès TNS-Sofres-, celle qui est maire du VIIe arrondissement rêve ouvertement de l’Hôtel de Ville en 2014. Pas sûr que Nicolas Sarkozy lui laisse cette opportunité. AP

Les 30 réformes de Rachida Dati vues par l’USM


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