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Béatrice Matis est si petite que, assise, sa silhouette disparaît presque complètement derrière les panneaux de bois couleur menthe claire du box des accusés de la cour d’assises. On aperçoit tout juste le haut de sa coiffure brune et courte, et ses yeux, cernés et gonflés. Devant elle, la carrure imposante de Me Eric Dupond-Moretti semble la protéger de l’accusation de meurtre portée par l’avocat général et par les trois fils de la victime, parties civiles. Le corps de Monique Lejeune, lardé de nombreux coups de couteau, avait été découvert le samedi 8 février 2003, à 8 h 20, gisant dans l’allée dallée de sa maison, à Coulogne (Pas-de-Calais).

Le cadavre de la seconde épouse de Claude Lejeune, qui fut également, trente ans auparavant, le mari de Béatrice Matis et le père de leurs cinq filles, était allongé sur le dos, la jambe droite repliée, à deux mètres à peine du perron de l’habitation. Selon les légistes, sa mort remontait à la veille, « entre 20 heures et minuit ». Le décès ayant été causé par une dizaine de plaies fatales, dont « cinq cardiaques », les dernières avant la fin. Des coups nécessairement portés dans le hall d’entrée de la demeure de Monique Lejeune, comme en témoignent les flaques de sang et la multitude de projections sur les murs, meubles et portes.

« Déjà morte avant de se trouver là »

Du 1,51 m de sa cliente, de sa corpulence fragile dans sa petite veste de cuir noir sur son pull rayé vert et mauve, Me Dupond-Moretti pensait sans doute se servir pour convaincre les jurés que Béatrice Matis n’avait pu commettre ce crime « extrêmement violent », selon les médecins légistes. Le pénaliste lillois, en cette première journée d’audience, a d’ailleurs écouté avec attention les témoignages des experts qui ont rapporté que « deux coups de couteau avaient été portés aux tendons des poignets » – « des plaies qui nécessitent une grande force physique ». De surcroît, ils ont constaté des « lésions de défense » prouvant que la victime ne s’était pas laissé faire, « elle a même essayé de se saisir de la lame ». Et l’avocat, malin, de demander benoîtement les mensurations de la victime : « 87 kg pour 1,62 m – c’était une femme de forte corpulence », ont répondu sans sourciller les médecins.
C’est alors que le coup de théâtre survint, sans que personne, bien sûr, ne s’y attende. Il a surgi – c’est assez rare pour le souligner — de la bouche d’un des deux légistes, dont le ton presque péremptoire, pourtant, agaçait déjà l’auditoire. « Elle était déjà morte avant de se trouver là. » Stupeur.

L’expert, pourtant auteur de rapports versés au dossier, a été sommé de préciser. « Pour se retrouver là, le corps a été soit transporté, soit traîné. Mais dans cette seconde hypothèse, il y aurait eu des traces » sur les dalles. Or, les jurés ont pu le constater à l’instar de la salle entière, il n’y en a pas. Pis, il n’existe pas non plus de traces de sang entre le cadavre de Monique Lejeune et le perron. Et, « avec de tels coups portés au cœur, très hémorragiques et incapacitants, la victime n’a eu que, grand maximum, cinq minutes à vivre. Il était impossible de bouger et de sortir ». Son corps, lourd, aurait-il donc été porté ? Dans la salle, le silence est total lorsque le président Schaffhauser fait acter les affirmations du légiste.

« Il faut trouver un alibi pour Jean-Luc »

L’acte II, lui, s’est joué en deux scènes. la première en fin de matinée lundi, lorsqu’une dame s’est avancée à la barre. Son témoignage n’a pas duré longtemps : elle a simplement confirmé le mystérieux coup de téléphone qu’elle et son mari ont reçu le 9 février 2002, lendemain, donc, de la découverte du crime. L’appel ne leur était pas destiné, mais le couple a malgré tout branché le haut-parleur et écouté la conversation. Il y est question d’un « Jean-Luc, dépressif, à qui il ne faut pas en vouloir ». « La police va nous interroger, il faut trouver un alibi entre 19 heures et demi et 8 heures moins vingt. Il faut aussi laver absolument le pantalon dans la machine à laver… » Le « Jean-Luc » serait-il Jean-Luc Flament, l’un des fils de Monique Lejeune ? L’homme a, un temps, été soupçonné puis écarté par les « aveux » – réfutés aujourd’hui – de Béatrice Matis. Il s’avance à la barre en fin d’après-midi. Et le jure : il « n’a pas tué (sa) mère ».

Béatrice Matis, elle, se mord les doigts. Elle s’en veut de ne pas avoir dit plus tôt à la police qu’elle était passée « cinq minutes » chez l’épouse de son ex-mari : « J’ai été sotte, j’ai été folle de ne pas dire que je l’avais vue. » L’audience se poursuit aujourd’hui avec, notamment, les témoignages des enquêteurs de police.


De notre envoyée spéciale à Saint-Omer, Sandrine Briclot, le mardi 6 octobre 2009 à 04:01

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