Posté par Rédaction le fév 17th, 2010 // 8 Commentairespartger sur facebook

El Watan, 17 février 2010

Parce qu’il a fait éclater le scandale des magistrats faussaires en 1992, Benyoucef Mellouk continue d’affronter la machine judiciaire. Après une condamnation de 4 mois de prison ferme pour diffamation, confirmée à huis clos en juillet 2008, M. Mellouk sera rejugé une seconde fois, lundi prochain. Ses plaignants, les ex-ministres de l’Intérieur, Mostefa Mohammedi, et des Moudjahidine, Mohamed Djeghaba, n’ont pas apprécié que leurs proches soient cités comme faussaires.

L’infatigable Benyoucef Mellouk, l’homme par qui le scandale des magistrats faussaires est arrivé, comparaîtra lundi prochain devant la cour d’Alger, pour répondre du délit de diffamation. A l’origine, une plainte déposée par deux anciens ministres, Mostefa Mohammedi, de l’Intérieur et Mohamed Djeghaba, des Moudjahidine, sept ans après l’éclatement de l’affaire en 1992, et où Mellouk avait cité, preuves à l’appui, les noms de leurs proches parmi les magistrats faussaires. En février 2008, soit 9 ans plus tard, Mellouk est déféré au tribunal de Sidi M’hamed, qui le condamne à 4 mois de prison ferme, en dépit d’une majestueuse plaidoirie de maître Mokrane Aït Larbi rappelant au jeune magistrat, qui présidait l’audience, le principe de la prescription.

A l’issue de ce procès auquel ont assisté de nombreux citoyens et anciens moudjahidine, le verdict est tombé comme un couperet, suscitant moult réactions. La première a été celle du concerné lui-même, qui, à sa sortie du tribunal, a déclaré : « C’est la mafia politico-judiciaire qui m’a condamné », défiant par la même occasion les plaignants, les deux ex-ministres, de l’affronter « devant les Algériens sur le dossier des magistrats faussaires pour faire éclater la vérité et rien que la vérité… ». Moins de deux ans après avoir fait appel de cette condamnation, Mellouk apprend incidemment dans les couloirs du Palais de justice de Abbane Ramdane, à Alger, que son affaire a été enrôlée et jugée à « huis clos », sans qu’il ne soit informé ou convoqué.

La cour a confirmé le premier jugement, en condamnant Mellouk à une peine de 4 mois de prison ferme, le 14 juillet 2008, sans sa présence ni celle de son avocat. Pour Mellouk, il s’agit « d’une négligence délibérée » qui a pour but de le sanctionner d’avoir dit la vérité, avec des preuves irréfutables. Ses preuves : ce sont ces dossiers accablants de plus de 300 cas de magistrats faussaires qui ont utilisé la corruption pour obtenir des postes, et qu’il traîne depuis 1992. A cette époque, Mellouk était fonctionnaire au service des affaires sociales et du contentieux du ministère de la Justice et venait d’étaler les résultats de son enquête sur les colonnes de l’Hebdo libéré – un journal qui a disparu –, en réclamant une enquête judiciaire.
Il ne cesse de dénoncer ceux qui ont falsifié l’histoire

En réaction, c’est contre lui et le journal que la machine judiciaire est mise en branle par Abderrahim Kherroubi, ex-ministre de la Justice. Poursuivi pour « vol et divulgation de dossiers confidentiels », il sera condamné, en 1997, à une peine de trois années avec sursis et durant sa détention préventive, certains dossiers sur lesquels il a travaillé ont été subtilisés. Sorti encore plus fort de cette rude épreuve, Mellouk déclare que son combat continue, car il ne fait que « démasquer les harkis tapis dans les rouages de l’Etat, et qui pour bon nombre d’entre eux occupent de hauts postes de responsabilité ».

En dépit des menaces de mort, des intimidations et des pressions, il ne cesse de dénoncer « ceux qui ont falsifié l’histoire de la Révolution. Je ne regrette rien, quitte à être condamné à mourir en prison », dit-il. Selon lui, l’affaire des magistrats faussaires « implique plusieurs ministres de la Justice, et le dossier en béton qu’il affirme détenir, contient 200 affaires de corruption, d’abus d’autorité et 300 affaires de faux et usage de faux mettant en cause de nombreuses personnalités dans le gouvernement. Il se trouve que de nombreux magistrats mis en cause ont des appuis solides dans les hautes sphères de l’Etat, ce qui les préserve de toute poursuite judiciaire.

De nombreux cadres de la justice n’ont jamais fait la révolution et certains après vérification des faits étaient entre 1954 et 1962 au service de l’administration coloniale et membres du Comité de salut public alors que d’autres faisaient partie de la promotion Lacoste et des harkis ». Très graves révélations qui provoquent, en 1999, la riposte de Mostefa Mohammedi et Mohamed Djeghaba, deux anciens ministres dont des proches sont cités par Mellouk. Ils déposent plainte pour diffamation et pour la seconde fois, cet ex-fonctionnaire, pourtant chargé d’assainir les plans de carrière de ses collègues de la chancellerie, se retrouve condamné à une peine de 4 mois de prison ferme, confirmée à l’issue d’un procès tenu à huis clos, pour avoir dit une vérité vérifiable. Mais la Cour suprême a accepté son pourvoi en cassation et le procès aura lieu lundi prochain, à la cour d’Alger, avec une nouvelle composition.

Contacté hier, Mellouk aussi tenace qu’il y a 18 ans, déclare : « Je n’ai pas peur et je les mets au défit de prouver le contraire de ce que j’ai avancé. L’affaire des faux magistrats est un énorme crime commis contre l’Etat. » Il interpelle le président de la République, premier magistrat du pays, en lui disant : « Il faut mettre un terme à cette affaire en nettoyant les rangs de la magistrature de ceux qui souillent l’histoire de nos martyrs. » Mellouk exprime néanmoins son doute quant à la volonté du pouvoir à ouvrir réellement le dossier des magistrats faussaires. Il accuse la « mafia politico-judiciaire » d’être à l’origine de la cabale dont il fait l’objet. « Mon combat est un devoir que je ne regrette pas, parce que j’ai les originaux de tous les documents qui attestent ce que j’avance… », souligne Mellouk en espérant que son appel trouvera écho auprès des hautes instances du pays.

Par Salima Tlemçani

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