le vendredi 11 septembre 2009 à 04:00
C’est a priori un profond remords traîné tel un boulet trente-quatre ans durant. Un homicide sur la conscience d’un quinquagénaire soucieux, aujourd’hui, d’obtenir sa rédemption, à l’abri de toute poursuite judiciaire pour un crime commis en 1975. Louis M., 53 ans révolus, domicilié dans la région de Saint-Etienne (Loire), a clairement revendiqué sa participation à un meurtre commis à Annemasse (Haute-Savoie) selon une information révélée par Le Progrès, le quotidien lyonnais. Le crime assumé est en outre couvert par la prescription criminelle, théoriquement de dix ans. La justice n’a donc plus aucun moyen aujourd’hui de rouvrir une enquête et de traduire devant une cour d’assises le ou les auteurs de cet homicide reconnu commis sur une épicière, sexagénaire à l’époque des faits, abattue chez elle. Contacté, le parquet de Saint-Etienne n’a pas souhaité s’exprimer.
A l’origine des confessions singulières de Louis M., une volonté de contrition adossée à une soudaine et récente spiritualité. Rongé par le remords et des convictions religieuses récentes, celui qui se présente sans barguigner comme ayant donné son concours à un meurtre s’était rendu, en avril 2009, au commissariat central de Saint-Etienne afin d’y révéler son forfait commis aux dépens de Marie-Angèle Contat, épicière, 67 ans, le 14 mai 1975, à son domicile. En quête d’une authentique rédemption, le présumé meurtrier, qui aux termes du Code pénal ne sera jamais jugé, franchit les portes du commissariat, sa foi et ses révélations explosives en bandoulière. En gage de sincérité, l’homme, qui désire s’amender coûte que coûte, met également en cause son cousin, d’un an son aîné, qu’il dépeint comme celui ayant porté des coups mortels à la victime. Des déclarations que l’individu dénoncé nie aujourd’hui avec la dernière énergie.
Sollicité par France-Soir, Eric Simon, le chef de l’antenne de la police judiciaire (PJ) à Saint-Etienne, confirme l’étonnante confession de Louis M., qu’il a auditionné au printemps dernier après s’être véritablement immergé dans un dossier aux cotes foisonnantes et resté mystérieux plus de vingt ans. « Il est venu nous voir à deux reprises », commence sobrement le patron de la PJ stéphanoise. La première fois ? En mars 1996. Louis M. est entendu par la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du département de la Loire. « Ses déclarations ont été comparées aux faits de mai 1975. » Le parquet de Saint-Etienne décide de renvoyer l’encombrant dossier à celui de Thonon-les-Bains, puisque le crime s’est déroulé dans son ressort tandis que le cousin – Louis M. persiste à en faire l’auteur principal du crime –, appartenant à la communauté des gens du voyage, y est domicilié.
Les magistrats de Thonon ne mettent pas longtemps avant de se rendre à l’évidence : les faits sont bel et bien prescrits. Autrement dit, pas moyen de poursuivre Louis M. et son cousin pour un crime dont l’enquête a été refermée, en 1986, faute d’éléments nouveaux… Le commandant Simon est formel : ses collègues de l’époque ont exploré toutes les pistes possibles sans en négliger aucune. « J’ai consulté dans le détail toutes les pièces avec les moyens de l’époque. N’oubliez pas qu’en 1975 les relevés d’identité judiciaire n’étaient pas aussi perfectionnés qu’aujourd’hui. En tout cas, toutes les hypothèses ont été soigneusement soupesées, insiste le policier. La famille de la victime, ses voisins, tout son environnement professionnel : rien n’a été laissé au hasard. Nos collègues ont même fait des recherches poussées jusque dans les milieux marginaux d’Annemasse, sans rien trouver. Finalement, la thèse retenue fut celle du crime crapuleux d’un rôdeur… » Entre-temps, en mars 1996, Louis M. finit par passer à confesse en ayant sans doute à l’esprit qu’il est protégé des rigueurs de la loi par le jeu de la prescription.
Deuil
Rebelote en avril 2009. Le pauvre hère veut, dit-il, la main sur le cœur, de nouveau se purger d’un passé qui, décidément, ne passe pas. Cette fois, les policiers sont au parfum et ont d’autres chats à fouetter. Et font volontairement l’impasse sur l’audition d’usage. Le récit est connu. La prescription garantie. Rien ne sert, selon eux, de remuer le couteau dans la plaie. « Je ne l’ai pas réentendu, ça ne servait à rien, puisque je connaissais tout de l’histoire », confirme le commandant Simon, qui a acquis la certitude de bien avoir affaire au(x) véritable(s) meurtrier(s) de Marie-Angèle Contat. La lecture détaillée de l’ensemble des pièces du dossier et les constatations matérielles ont achevé de convaincre le patron de l’antenne de la PJ stéphanoise. « J’estime qu’il y a des choses qu’il n’a pas pu inventer tout seul, qui reposent sur des éléments factuels indiscutables. Son récit est d’autant plus crédible qu’il a fait état avec précision d’éléments jamais évoqués à l’époque par la presse. » C’est ainsi que le policier a pu procéder, mardi 8 septembre, à l’audition du cousin désigné par Louis M. comme complice et auteur des coups fatals portés à l’épicière sexagénaire. « Cet homme nie totalement les faits rapportés malgré la prescription qui lui est favorable. De toute façon, il s’agissait d’une audition sur déplacement volontaire. Nous n’avions aucun moyen de coercition à son encontre. C’est déjà bien qu’il ait accepté de se rendre à notre convocation. Dommage que nous n’ayons pas eu les mêmes moyens techniques et scientifiques lorsque le crime a été commis », soupire, philosophe, Eric Simon.
Les parquets de Saint-Etienne et de Thonon-les-Bains ont toutefois ordonné une enquête préliminaire afin d’« apporter une réponse à la famille de la victime, dont certains membres en étaient à l’époque venus à se suspecter, explique une source proche de l’enquête. La famille, qui s’était entre-déchirée à l’époque, devrait aujourd’hui pouvoir faire son deuil une bonne fois pour toutes. »
Edition France Soir du vendredi 11 septembre 2009 page 12
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