Jean-Pierre François

La médecin urgentiste avait refusé l’admission d’un malade en détresse respiratoire.

Les urgences de la clinique du Pont de Chaume  sur la sellette. Photo DDM, C.L

Les urgences de la clinique du Pont de Chaume  sur la sellette. Photo DDM, C.L

En ouverture de cette audience collégiale du tribunal c’est une bien douloureuse affaire qui est examinée. La prévenue au moment des faits qui se déroulèrent dans la soirée du 24 juin 2008 était médecin urgentiste à la clinique du Pont-de-Chaume. Ce soir-là, les pompiers reçoivent un appel pour porter secours à une personne domiciliée à Montricoux (qui souffre déjà d’un cancer en phase terminale) et chez qui on a diagnostiqué une détresse respiratoire. Les pompiers avec leur VS AB entrent en contact avec le médecin-régulateur du SAMU et foncent vers Montauban, en ayant l’ordre de se diriger sur la clinique du Pont-de-Chaume. Vers 20 heures et quelques, ce soir-là les pompiers se présentent avec le brancard à l’entrée des urgences. La médecin urgentiste refuse l’accès dans ses services car elle n’a plus de respirateur disponible et de lit adéquat dans son service. Elle demande aux pompiers de se diriger vers le CH de Montauban. Mais les dialogues «un peu tendus» avec le médecin régulateur du SAMU durent… et le malade se retrouve presque à l’abandon. Avant qu’un véhicule du SMUR n’arrive et ne puisse lui prodiguer les soins nécessaires à ce qui était un œdème pulmonaire. Après trois -quarts d’heures passés sur le parking de la clinique, le malade est dirigé sur le CH. Un mois plus tard il décédera. Son épouse et ses enfants déposent alors plainte. Presque deux ans après les faits l’urgentiste doit répondre devant la justice de « non-assistance à personne en danger ». Elle ne conteste rien de l’exposé des faits et s’explique en redisant à la barre ce qui est consigné dans les auditions.

Le pied posé contre le brancard

Au nom des parties civiles Me Laurence Boyer rappelle qu’outre la plainte de la famille, un courrier du SDIS 82 a manifesté son indignation contre les faits s’étant déroulés devant la clinique. Un courrier de la préfète allant dans le même sens fut aussi envoyé . La conseil de la famille insiste sur l’émoi des parties civiles qui revivent douloureusement le rappel des faits. Elle démontre que ce soir-là l’activité aux urgences était des plus normale. Elle stigmatise le délit de non-assistance, évoque ce qui est contesté par la défense notamment, le pied mis en avant pour bloquer la progression du brancard. Et elle réclame au titre de l’article 475-1 des dommages et intérêts conséquents en s’appuyant sur une jurisprudence.

Le substitut du procureur de la République Philippe Pomerol dans ses réquisitions reproche au médecin de ne pas avoir examiné le patient durant ces 45 minutes très longues. Il redit que ces faits sont inadmissibles et réclame contre la prévenue 1 500 € d’amende et une interdiction d’exercer de 3 mois (1).

« Le seul maillon retenu »

C’est maître Jean-François Decharme qui intervient pour défendre sa cliente. Il déplore que ce soit d’ailleurs la seule citée. Car pour lui ,elle n’est qu’un maillon d’une chaîne. Il déplore d’ailleurs l’entêtement du médecin régulateur, et explique qu’un autre médecin de la clinique durant le temps d’attente a examiné le patient. Il regrette vivement qu’il n’ait pu entendre les bandes enregistrées des conversations entre SAMU-pompiers et la médecin. L’ancien bâtonnier après avoir dit :« Médicalement le docteur a raison, mais humainement il a tort »,estime en conclusion que la « non-assistance ne peut-être retenue» et il va même jusqu’à affirmer que « la poursuite ne tient plus ». Enfin il réfute la «dictature de l’émotion» et demande que les sommes réclamées soient revues.

Le jugement est mis en délibéré au 6 avril.

(1) : Dans les jours qui ont suivi cette affaire la médecin a perdu son poste d’urgentiste, a écopé d’une sanction d’un mois d’interdiction d’exercer avec sursis de la part de l’ordre, a abandonné son cabinet en ville de Montauban. Et a toutes les difficultés pour repartir dans son métier en région toulousaine.

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