NOUVELOBS.COM | 03.09.2009 | 18:44

La Cour suprême russe a renvoyé l’affaire du meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa devant le parquet, satisfaisant la requête de la famille, qui réclame “une nouvelle enquête” avant que les trois suspects ne passent de nouveau devant un juge.

La journaliste Anna Politkovskaïa, tuée en 2006. "La conscience de notre pays", dit la pancarte (AFP)

La journaliste Anna Politkovskaïa, tuée en 2006. “La conscience de notre pays”, dit la pancarte (AFP)

La Cour suprême de Russie a décidé jeudi 3 septembre de renvoyer au parquet l’affaire du meurtre de la journaliste russe Anna Politkovskaïa, accédant ainsi à une demande des proches de la victime après l’échec d’un premier procès.
“Notre requête a été entièrement satisfaite”, a déclaré Karinna Moskalenko, l’avocate de la famille.
La journaliste Anna Politkovaskaïa, qui s’était notamment illustrée en dénonçant les exactions russes en Tchétchénie dans le Novaïa Gazeta, a été tuée par balles en octobre 2006 dans son immeuble à Moscou.

“Ils étaient sur les lieux du crime et n’ont jamais pu expliquer”

Les proches d’Anna Politkovskaïa réclamaient une nouvelle enquête, trois complices présumés ayant été acquittés à l’issue d’un premier procès en l’absence de preuves suffisantes et le commanditaire de l’assassinat n’ayant toujours pas été identifié.
Leur demande était soutenue par le ministère public et la défense.
Si les enfants de la journaliste, Vera Politkovskaïa et Ilia Politkovski estimaient que les personnes acquittées le 19 février étaient impliquées dans le meurtre, ils jugaient surtout qu’une nouvelle enquête devait être menée avant que l’affaire ne soit renvoyée devant les juges.
“Nous insisterons (…) sur un renvoi de l’affaire au Parquet”, avait indiqué Ilia Politkovski. “Les accusés étaient impliqués dans l’assassinat: ils étaient sur les lieux du crime et n’ont jamais pu expliquer pourquoi”, avait-il ajouté.

Le commanditaire du crime, un homme politique russe ?

Les trois prévenus ont comparu le 5 août. Deux frères tchétchènes, Djabraïl et Ibraguim Makhmoudov, soupçonnés d’avoir surveillé la victime et d’avoir amené sur les lieux du crime le tueur présumé, et leur frère Roustam, en fuite.
Le troisième suspect, l’ancien policier Sergueï Khadjikourbanov est lui accusé d’avoir mis au point la logistique de l’assassinat.
Les parties civiles et la défense réclamaient par ailleurs que les audiences soient ouvertes au public, alors que lors du premier procès plusieurs séances s’étaient déroulées à huis clos sur décision du juge.
Ce dernier avait dans un premier temps tenté de fermer tous les débats au public pour protéger les jurés, mais ceux-ci s’étaient élevés contre cette décision.
Alors que l’acte d’accusation désigne, selon la défense, un homme politique russe non identifié comme le commanditaire du crime, cet assassinat n’a jamais été résolu, comme la plupart des affaires de ce type en Russie.

Novaïa Gazeta n’envoie plus de journalistes en Tchétchénie

La rédaction du tri-hebdomadaire Novaïa Gazeta, où travaillait Anna Politkovskaïa, a réclamé elle aussi une nouvelle enquête.
“Des jurés (du premier procès) m’ont dit que l’enquête était incomplète et qu’il manquait de preuves pour prononcer un verdict de culpabilité”, avait expliqué le rédacteur en chef adjoint du journal, Sergueï Sokolov.
Le journal d’opposition russe, où travaillait Anna Politkovskaïa, avait annoncé mercredi 12 août qu’il arrêterait d’envoyer des journalistes en Tchétchénie. La raison invoquée : l’insécurité croissante dans cette république russe du Caucase, toujours en proie à des violences.
“Suivant les traces de toute une série d’organisations internationales de défense des droits de l’homme et caritatives, Novaïa Gazeta a pris la décision de suspendre les activités de ses journalistes concernant la couverture des événements en Tchétchénie“, avait écrit le tri-hebdomadaire.

40 journalistes tués

“L’assassinat toujours non-élucidé d’Anna Politkovskaïa s’inscrit sur une liste de 40 autres noms de journalistes tués depuis 1993 en Russie pour leurs activités professionnelles”, a indiqué Oleg Panfilov, président du Centre du journalisme dans les situations extrêmes.
Aucun des commanditaires de ces quarante meurtres n’a jamais été identifié”, résume-t-il. Il cite ainsi l’exemple du journaliste Magomed Evloïev, qui dirigeait le site ingushetiya.ru, tué par un policier en Ingouchie en septembre 2008.
Une enquête pour “meurtre par imprudence” a été ouverte, mais le procès n’a toujours pas eu lieu, alors que les proches de la victime accusent les autorités de cette république du Caucase nord d’avoir commandité l’assassinat.
L’enquête sur l’enlèvement et l’assassinat, le 15 juillet dernier, de la militante russe des droits de l’Homme en Tchétchénie, Natalia Estemirova, connaîtra le même sort, malgré les promesses du président russe Dmitri Medvedev, estime encore l’expert.

(Nouvelobs.com avec AFP)

1 réponse
  1. Liberty
    Liberty dit :

    Quelle absence de démocratie. Et dire que cela ce passe en 2009.

    Nous avons vraiment de la chance donc restons vigileants sur toutes atteintes aux libertés, un basculement vers l’horreur est si vite arrivé.

    Répondre

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