Le Fígaro

L’annulation d’un jugement, une décision exceptionnelle

Chaque année, environ 150 condamnés saisissent la Cour de révision pour obtenir l’invalidation de leur jugement. En 20 ans, seules quatre grandes affaires criminelles ont été rejugées.

La Cour de révision, le dernier espoir du condamné. Chaque année, entre 130 et 150 condamnés s’adressent à cette formation spéciale de la Chambre criminelle de la Cour de cassation pour voir leur jugement révisé. Au final, seule une condamnation sur cent, en moyenne, est annulée.
Avant d’en arriver là, le parcours est déjà long pour le détenu. Pour déposer une demande, il faut répondre à plusieurs critères : avoir été condamné de façon définitive (en appel puis en cassation) et, depuis 1989, apporter une preuve nouvelle de son innocence – où, à défaut, stipule la Cour dans ses textes, «un nouvel élément de nature à faire un doute sur votre culpabilité».
La Cour de révision ne peut pas être directement saisie par le condamné. Ce dernier doit d’abord formuler une demande auprès de la Commission de révision des condamnations pénales, qui décide ensuite de transmettre ou non le dossier à la Cour, composée de cinq conseillers issus de la Cour de cassation. Si elle se prononce en sa faveur, le condamné n’est pas définitivement blanchi : la plupart du temps, l’aval de la Cour de révision donne lieu à un nouveau procès, sauf si l’affaire est trop ancienne ou que la preuve de l’innocence apportée est indiscutable.
En vingt ans, 2.848 condamnés ont ainsi demandé l’annulation de leur condamnation. Parmi eux, la Commission a estimé que seuls 73 dossiers, transmis à la Cour de révision, répondaient à tous les critères. Cette dernière, au final, a annulé 43 condamnations, soit 1,5% des demandes seulement. Sur ces 43 dossiers, 39 étaient des simples délits et 4 de grandes affaires criminelles :

  • Rida Daalouche :

En 1994, ce tunisien est condamné à 14 ans de réclusion criminelle par la Cour d’assises des Bouches-du-Rhône pour le meurtre d’un revendeur d’héroïne dans un bar de Marseille. Deux ans plus tard, un rebondissement – un certificat médical attestant qu’il était en cure de désintoxication le jour du meurtre – lui permet de saisir la Cour de révision. En 1998, cette dernière lui donne raison. Rida Daalouche est définitivement acquitté au cours d’un nouveau procès, en 1999. En tout, il a passé cinq années en détention.

  • Rabah Meradi :

Condamné à quinze ans de détention pour viol et agression sexuelle en 1993, Rabah Meradi a vu sa condamnation partiellement annulée (le chef d’inculpation d’agression retiré) par la Cour de révision, puis en appel. Pour autant, sa peine de prison n’a pas été réduite.

  • Patrick Dils :

En 1989, alors âgé de 18 ans, Patrick Dils est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour les meurtres de deux enfants à Montigny-les-Metz, survenus deux ans plus tôt. En 2001, la Cour de révision annule cette condamnation. Mais, coup de tonnerre la même année : au cours d’un nouveau procès, il est une nouvelle fois reconnu coupable. Par chance pour lui, une nouvelle loi lui permet de faire appel de cette décision. Le 24 avril 2002, après des années de procédure, Patrick Dils est finalement acquitté par la Cour d’assises de Lyon. Au total, il a passé 13 années en détention.

  • Guilherme Ventura :

Le 3 juillet 2003, Guilherme Ventura, 52 ans, est condamné à dix ans de réclusion criminelle dans «l’affaire Topaze», un vaste trafic de stupéfiants. Le condamné décide de ne pas faire appel, contrairement à ses co-accusés. Surprise en 2004 : en appel, la cour d’assises des Bouches-du-Rhône statue que le trafic n’existait pas. Tous les condamnés sont libérés. Sauf Guilherme Ventura, qui n’a pas fait appel et qui donc, de facto, reste en prison. Ce dernier décide alors de saisir la Cour de cassation d’une requête en révision. La Cour lui donne raison et annule sa condamnation. Au cours d’un nouveau procès, Guilherme Ventura est acquitté, après avoir passé sept ans derrière les barreaux.

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