Gilbert Collard
Même le comte de Monte-Cristo n’en croit pas l’imagination d’Alexandre Dumas. En Angleterre, un prisonnier vient d’être innocenté, après avoir subi vingt-sept ans d’incarcération !

Il avait été condamné à la prison à perpétuité pour un meurtre dont on sait maintenant qu’il ne l’avait pas commis. Sean Hodgson a été libéré le mercredi 18 mars 2009 par décision de trois juges de la Haute Cour de Londres.
Pourquoi ? En 1982, Sean est reconnu coupable du meurtre et du viol d’une jeune fille de 22 ans, Teresa De Simone, retrouvée étranglée à l’intérieur de sa voiture dans un parking de Southampton. Pour le condamner, les juges tranquilles de Sa Gracieuse Majesté disposaient des habituelles évidences : il avait fait des aveux, puis il s’était rétracté ; son groupe sanguin, A, correspondait à celui du sperme retrouvé – au passage, il faut rappeler que le groupe A est attribuable à un tiers de la population masculine. A l’époque du procès, l’avocat avait plaidé que les aveux n’avaient aucune valeur, son client étant un menteur pathologique. Evidemment. Les juges, qui ne veulent, la plupart du temps, ne point voir au-delà des apparences – le confort des apparences ruine l’esprit de justice –, qui se contentent du prêt-à-porter de la culpabilité, ont habillé Sean de la prison à perpétuité… et ont depuis bien dormi, bien ronflé, bien mangé, bien jugé, certains toujours d’accomplir consciencieusement leur haute besogne. Le problème, c’est qu’un innocent, ça gueule énormément, au point même de déranger non le sommeil sentencieux des juges, mais la routine judiciaire qui n’accepte pas les remises en cause de l’autorité de la chose jugée… cette chose.

Dans sa prison aux longues années lugubres, Sean se bat ; on rigole, on ne le croit pas, on l’envoie balader du ballet de ses aveux. Il a maintenant 57 ans et son insistance à se dire innocent fatigue les gens intelligents qui savent. D’avocat en avocat, d’échec en échec, de rebuffade en humiliation, Sean, procédurier comme un possédé, tente encore un appel. On décide enfin d’examiner l’ADN prélevé sur la scène de crime… ce n’est pas celui du condamné ! Depuis, la police a rouvert l’enquête, car un innocent en prison, c’est un coupable en liberté, poncif souvent oublié par les effarés de l’évidence !

Cette histoire se passe en Angleterre, pas en France bien sûr, ici tout va bien. Jamais un juge français, juge ou procureur, ne tarderait à communiquer une pièce à la défense, jamais il n’accorderait de crédit aveugle à des aveux, jamais il ne croirait obstinément à des affirmations policières ; jamais il ne livrerait à l’opinion publique une enquête en cours, alors même que l’intéressé n’a pas accès à son dossier : Dray Julien, qui est un Anglais, non ? Colonna, qui est un Anglais retenu prisonnier à Sainte-Hélène, non ? Outreau, qui est une province où naquit miss Marple, non ? Machin, c’est un truc anglais, non ? En France, dans les prisons et hors des prisons, des innocents paient très cher le fonctionnement d’un système imprudent et impudent que dénonce dans son livre Alain Juppé, ancien Premier ministre qui alors n’avait pas levé le petit doigt pour changer les choses. Le petit doigt de la justice, bien sûr ! Qui les entend, ces cris ? Qui les écoutent ? Parfois, il n’y a pas d’ADN, ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas d’erreur, d’acharnement, de mauvais juges, de mauvais policiers, de mauvais journalistes, de mauvais avocats, de mauvais experts… Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas d’innocents condamnés… en Angleterre !

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