Reporters Sans Frontières

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Publié le 11 décembre 2009

“En l’état actuel de l’enquête, le procès pourra difficilement contribuer à faire la lumière sur l’assassinat d’Alisher Sayipov. La précipitation de la justice et la légèreté du dossier d’accusation risquent de mener droit à l’erreur judiciaire. À tout le moins, elles ne permettront pas de découvrir les véritables mobiles et les commanditaires de l’assassinat de ce journaliste de premier plan“, a déclaré Reporters sans frontières.

Le 9 décembre 2009, la Cour suprême de la République kirghize a rejeté la demande de complément d’enquête qu’Avaz Sayipov, le père du journaliste, avait déposée fin octobre.

“De toute évidence, les autorités ne tiennent pas particulièrement à ce que l’enquête soit menée jusqu’au bout, et préfèrent que cette affaire délicate – et potentiellement encombrante diplomatiquement, si l’on suit les pistes menant aux services secrets ouzbeks – soit classée le plus vite possible”, a poursuivi l’organisation. “L’accusation repose principalement sur les déclarations d’un témoin qui n’est jamais apparu en public.”

Produits une première fois au tribunal local d’Och, en juillet 2009, les indices matériels avaient été jugés insuffisants par le juge Koichubek Jobonov. Cependant, la demande de complément d’enquête de ce dernier avait été rejetée en appel par le tribunal régional le 22 septembre, et les jurés avaient été remplacés. Avaz Sayipov, préoccupé par l’absence du témoin et de l’accusation lors des audiences, avait alors à son tour demandé une nouvelle enquête.

La décision de la Cour suprême, en principe définitive, coupe court à ces requêtes et inaugure la reprise du procès du principal prévenu, Abdufarit Rasulov, par le tribunal local d’Och. Ce villageois de la région de Batken (Sud-Ouest) aurait été arrêté en février, quand la police routière a découvert dans son véhicule une importante quantité de drogue et le revolver de marque Makarov qui aurait servi à abattre Alisher Sayipov. Selon le prévenu, qui nie toute implication et fait état de tortures lors de son interrogatoire, ceux-ci auraient été déposés dans sa voiture par un inconnu qu’il venait de prendre en stop.

Selon les autorités, Abdufarit Rasulov aurait été reconnu par l’unique témoin visuel du crime, qui accompagnait le journaliste au moment où il a été abattu, le politologue Ikbol Mirsaidov. Cependant, ce dernier ne s’est jamais présenté aux audiences, et il évite tout contact avec la famille Sayipov depuis l’assassinat.

Dans un climat d’opacité totale vis-à-vis du public et même de la famille Sayipov, les enquêteurs et les autorités ont multiplié les déclarations contradictoires. Selon des annonces antérieures, la police était déjà censée être en possession de l’arme du crime, quand elle l’a “retrouvée” aux mains de M. Rasulov. Le 26 octobre, le ministère de l’Intérieur a affirmé être à la recherche d’un second suspect dénommé Sharakhmatullaev, sans donner plus de précisions.

Les proches du journaliste ont exprimé leurs plus grands doutes quant à la culpabilité d’Abdufarit Rasulov, a priori dépourvu de tout mobile et de tout lien avec le journaliste. Ils déplorent le fait que les enquêteurs aient ignoré la surveillance dont Alisher Sayipov faisait l’objet de la part des services secrets ouzbeks, en raison de sa couverture très critique de la politique de Tachkent.

Alisher Sayipov, fondateur du journal en langue ouzbèke Siyosat et correspondant de Ferghana.ru et Radio Free Europe, avait été abattu en pleine rue à Och (Sud), le 24 octobre 2007.

(Photo : Ferghana.Ru)

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