mercredi 11.02.2009, 04:51 – La Voix du Nord
Terme d’une audience marathon de six jours devant la cour d’assises du Nord, le verdict est attendu dans quelques heures au palais de justice de Douai. L’avocat général, qui a requis hier des peines allant de quatre à quinze ans de réclusion criminelle, a renvoyé dos à dos les sept accusés comparaissant pour le crime de Kevin Marty.
Depuis le début, dans ce dossier, la vérité épouse des contours très fluctuants. Elle oscille au gré des versions servies par les accusés, selon les questions qui leur sont posées. Hier matin, les langues se sont déliées, et la scène du crime, dans toute sa brutalité, est apparue avec un peu plus d’acuité aux yeux des jurés qui, cet après-midi, auront à se prononcer en leur âme et conscience sur le degré d’implication des uns et des autres. « Y en a-t-il un seul qui doive échapper à la sanction et à la culpabilité ? », s’est interrogé Me De Abreu dans sa plaidoirie, à la défense des intérêts de la famille Marty.
Dans son réquisitoire, l’avocat général, Olivier Declerck, a évoqué « une responsabilité collective », dans cette « expédition punitive qui a tourné au drame ». L’analyse du représentant du ministère public le pousse tout de même à distinguer trois hommes (1) parmi ces « gens ordinaires », dont le rôle central relève, à ses yeux, de l’évidence : Jérôme C., bien sûr, celui qui a porté les coups, contre qui il a réclamé une peine de réclusion allant de douze à quinze ans Pierre V., le conducteur (huit ans) et Damien B. (huit ans), que la partie civile a dépeint comme le « fournisseur de haine ».
Pour la première fois, tous les accusés se sont accordés là-dessus, s’agissant de ce dernier : cette nuit-là, dans la voiture de Pierre V., lui, et lui seul, aurait désigné Kevin Marty à la vindicte populaire, libérant la meute. Bien esseulé tout à coup, l’intéressé a nié en bloc hier matin, campé sur sa version comme un naufragé s’accrocherait à une bouée de sauvetage.
Il ne conteste pas la suite : excepté Pierre V., resté au volant, tous se sont bien jetés hors du véhicule, à la poursuite du pauvre gosse. Jérôme C.
est le seul à être remonté à bord, à la place du passager avant. Pierre V. a enclenché la marche arrière, dépassant le groupe, jusqu’à ce qu’il arrive à hauteur de Kevin Marty. Jérôme C. ne lui a pas laissé l’opportunité d’aller plus loin. Pierre V., qui se trouvait aux premières loges, raconte : « Kevin est tombé tout de suite, après le premier coup de bâton. Jérôme C. a continué de le frapper alors qu’il était à terre. » Avec « acharnement », dira-t-il également. « Un véritable massacre », résumera l’avocat général.
Décrochés à l’arrière, les autres disent ne rien avoir vu de la scène. Ont-ils vu, en revanche, le corps de Kevin Marty étendu à terre ? Jérôme C. et Pierre V. sont les seuls à répondre à cette question par l’affirmative. Damien B., Vincent W., Loïc D., David J. et Steven V. jurent leurs grands dieux le contraire : ils avaient coupé leur course et ne pouvaient pas être arrivés à l’angle de la ruelle où Kevin est tombé la voiture, avec Jérôme C. et Pierre V. à son bord, est venue les récupérer avant. La partie civile n’y croit pas une seconde. « Ils ne pouvaient pas ignorer ce qui venait de se passer », a soutenu Me De Abreu. Mes Pietrzak et Gilliard, qui ont plaidé dans la soirée la cause de leurs clients respectifs, Steven V. et David J., ne disent pas le contraire finalement, en introduisant la notion de non assistance à personne en danger.
Une fois tout le monde remonté dans la voiture, les propos de Jérôme C. furent dénués d’ambiguïté. « Soit il est dans le coma, soit il est mort », aurait-il annoncé en substance. Et comme si le décès de Kevin Marty ne suffisait pas, après un crochet par le « Faubourg » (Duchâteau, à Denain), cinq des accusés, à l’exception de Loïc D. et Vincent W., revinrent sur place dans l’idée de « finir le travail ». Deux ans et demi plus tard, c’est ce que s’apprête à faire la cour d’assises du Nord. • SÉBASTIEN CHÉDOZEAU
> 1. – Quatre ans de réclusion ont été requis contre les quatre autres accusés, Loïc D., Vincent W., David J. et Steven V.
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