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Par Chloé Leprince
A la veille des Etats généraux de la justice, des élus de droite tentent de discréditer le Syndicat de la magistrature, trop critique.

Sarkozy rencontre les magistrats de la Cour de cassation à Paris le 7 janvier 2009 (François Mori/Reuters).

Dans trois semaines démarrent les Etats généraux de la justice pénale [1], auxquels s’associent des poids lourds comme Robert Badinter ou Eva Joly. Ces magistrats, avocats, et juristes sont entrés en résistance dans la foulée des déclarations de Nicolas Sarkozy [2], le 7 janvier. Ce jour-là, devant la Cour de cassation, le président de la République annonçait la suppression du juge d’instruction. Alors même que la commission Léger, qui planche sur la question, n’a pas encore rendu ses conclusions.

Depuis, branle-bas de combat dans le monde de la justice: on y goûte d’autant moins le slalom présidentiel, entre promesses de dialogue et décisions unilatérales, que la réforme Dati de la carte judiciaire [3] exaspérait déjà. La tension entre Nicolas Sarkozy et le monde judiciaire, magistrats en tête, ne date pas d’hier. A l’époque où ce dernier occupait encore le ministère de l’Intérieur, le syndicat de la magistrature avait même accusé Sarkozy de faire la chasse aux “juges rouges”.

En juin 2006, celui qui occupait alors la Place Beauvau avait pris de front les magistrats de Bobigny. Non content de les accuser de “démissionner”, Nicolas Sarkozy déclarait par exemple:

“J’aimerais que l’on m’explique comment on empêche un délinquant de récidiver si l’on n’a pas le courage de le mettre en prison.”

Car aujourd’hui, c’est plutôt leur “laxisme” qu’on reproche aux “juges rouges”, à commencer par ceux qui sont au Syndicat de la magistrature [4], classé à gauche. Mais, en 1975, lorsque l’expression s’est installée, c’était plutôt pour l’audace d’un jeune magistrat de ce même syndicat, Patrice de Charette, qui avait mis en prison un patron à Béthune après le décès d’un salarié au travail. (Voir la vidéo)

Trente-quatre ans plus tard

Trente-quatre ans plus tard, l’expression “juge rouge” peut sembler surannée. Elle refait pourtant régulièrement surface, localement: des élus UMP accusent encore les juges du Syndicat de la magistrature de gigoter un peu trop à gauche. “Des attaques sporadiques, souvent dans l’est de la France, bizarrement”, précise Hélène Franco, de cette organisation qui compte 600 adhérents et fait plus d’un tiers des suffrages aux élections professionnelles.
“Potaches” à Nancy

Ce fut le cas à Nancy, début janvier. Lorsque Marie-Agnès Credoz, présidente du tribunal de grande instance de Nancy, prononce son discours à l’audience de rentrée, voilà moins de vingt-quatre heures que Nicolas Sarkozy a annoncé la suppression du juge d’instruction [5]. Or la patronne de la juridiction se montre incisive. Résultat: la totalité des juges, à l’unique exception du procureur général, l’applaudit. Y compris les quatorze parquetiers.

A la sortie de l’audience, des élus locaux de l’UMP se seraient plaints par courrier et en haut lieu contre les gesticulations de juges à qui ils reprochent une sympathie avec le Syndicat de la magistrature. Résultat: les parquetiers écoperont d’une double convocation par leur hiérarchie qui les qualifiera de “potaches”.

Localement, on compare cette reprise en main à une chasse aux “juges rouges” dans la mesure où c’est le Syndicat de la magistrature qu’on brocarde pour cette initiative. C’est ce qu’affirme Fabienne Nicolas, déléguée régionale du SM. Et ce que confirme Jean-Yves David, qui représente pourtant le syndicat adverse, l’USM [6]:

“On fait un faux procès au Syndicat de la magistrature car l’Union syndicale des magistrats en est au moins autant responsable, si ce n’est plus. Exhumer les juges rouges, c’est de la manipulation: on essaye de réduire notre réaction unanime de soutien au discours courageux de l’audience solennelle à une mobilisation syndicale extrême.”

“Juge gaucho de merde” à Belfort

Toujours dans l’est, à Belfort, c’est un autre député UMP, Damien Meslot [7], qui est carrément parti en croisade contre des magistrats qui ont lancé à son encontre une procédure pour “manœuvres électorales frauduleuses”. Depuis, il les appelle à son tour “les juges rouges” à tout bout de tract. A tel point qu’il vient d’être condamné, vendredi 20 février, pour “outrage à magistrat”, reconnu coupable d’avoir traité Bernard Lebeau, procureur à Belfort, de “juge gaucho de merde”.

L’élu, qui a conquis son siège en 2002 avant d’être réélu, fait appel de cette première condamnation… même s’il est aussi poursuivi pour “outrage à magistrat” [8] par Antoine Derieux, juge d’instruction à Belfort.

Cette deuxième affaire n’a pas encore été jugée. Mais Rue89 s’est procuré plusieurs tracts et articles de la presse locale, qui montrent que Damien Meslot use volontiers de l’expression “juge rouge”, insistant sur l’appartenance syndicale d’Antoine Derieux qui adhère au Syndicat de la magistrature dès l’ENM, en 2001.
“Ces commissaires politiques ont sali la magistrature”

Comme Nicolas Sarkozy à Bobigny en 2006, Damien Meslot avait dénoncé à la même époque le “laxisme” du juge qui avait remis en liberté des “voyous” soupçonnés du braquage d’une poste. Dans la foulée, le candidat sortant compare les juges à des “commissaires politiques”. Extrait d’un des discours de l’élu belfortin:

“Si la justice veut qu’on la respecte, il faut qu’elle soit respectable et je ne respecte ni le procureur Lebeau ni le juge Derieux, qui se sont transformés en commissaires politiques, qui ont outrepassé leurs droits et qui ont sali la magistrature.

Ils préfèrent s’attaquer aux élus de la droite plutôt que de s’attaquer aux voyous.
Eh bien! Ces gens-là, je demanderai à ce qu’ils soient mutés, qu’ils quittent le Territoire de Belfort, parce qu’on ne peut pas leur faire confiance.

Vous savez la dernière? On a arrêté les deux braqueurs des Glacis. Vous savez quelle a été la première mesure du juge Derieux et du procureur de la République? Ça a été de libérer les deux braqueurs, de les mettre en liberté sous contrôle judiciaire.

Il y en a marre de voir des policiers qui risquent leur vie pour arrêter les voyous et de voir des juges rouges qui s’opposent la volonté du peuple et qui s’opposent au travail des policiers.”

Contacté par Rue89, Damien Meslot a choisi la contre-attaque: s’il précise qu’il ne dit pas “gaucho de merde” parce que ça n’appartient pas à son vocabulaire, il rempile pour mieux dénoncer “connivence avec le PS” et “acharnement d’un juge qui a l’âge du juge Burgaud”. Ultime précision: pour discréditer définitivement le “juge rouge” qu’est selon lui Antoine Derieux, il accuse ce dernier de l’avoir reçu en jeans et basket, mal rasé -“j’avais vraiment envie de lui dire d’aller se laver”.

Créé 03/02/2009 – 18:04

CARL MEEUS
L’ascension fulgurante de Rachida Dati – passée en quelques mois du statut de conseillère technique du ministre de l’Intérieur à celui de ministre de la Justice – ne serait-elle que le fruit d’intrigues peu glorieuses ? C’est la thèse de Michaël Darmon et Yves Derai, qui ont enquêté sur la garde des Sceaux, arrivant à faire parler des témoins qui avaient jusqu’ici gardé le silence. Un livre sans concession qui compare la «petite beurette de Chalon» à «l’arriviste machiavélique» du roman de Guy de Maupassant.

Moment de vérité pour la justice que la période actuelle. Après des années où les excès des uns se sont conjugués aux impuissances des autres, voilà que la crise catalyse des phénomènes aussi divers que dérangeants. Soulignons en trois aspects essentiels.

  • Celui de la notion même de justice. Les psychologues du social nous invitent à réfléchir sur une triple dimension – distributive, procédurale et interactionnelle – qui nous dit-il ont été gravement mises à mal par les mutations et restructurations de ces dernières années et dont un des effets est d’affecter notre santé physique et morale, individuelle et collective. Peut-on continuer à ignorer, à dénier la dimension « santé-inégalités » des mutations économiques ? Saura-t-on gérer de manière plus juste les changements en cours ou à venir ou répètera-t-on les erreurs des années passées ? Les changements proposés en matière de gouvernance des entreprises, sont pour l’instant modestes et, il en va de même pour la question des rémunérations où tout le bruit fait autour du bonus (pour un an !) des banquiers tient pour l’instant du changement cosmétique qui ne traite pas du fond des écarts abyssaux qui se sont creusés en très peu de temps.
  • Celui de la justice du travail, et plus largement des modes de régulation qui permettent d’aboutir à une certaine cohésion sociale. Rappelez-vous les résultats des élections de décembre dernier aux conseils de prud’hommes français, élections massivement boudées par les salariés-électeurs. Cela interroge bien sûr notre système de justice au travcail, mais il faut sans doute aller plus loin : en quoi l’ensemble des systèmes créés – tribunaux du travail, comités d‘entreprise, délégués du personnel etc..- permettent-ils tous ensemble de parvenir à cette cohésion et à une certaine équité dans les questions du travail ? Leur impuissance donne parfois à penser que les questions – et les solutions – sont ailleurs. Et pourtant, au moment même où certains, en Europe, s’interrogent,  la Chine elle s’y met et crée des mécanismes largement inspirés par notre vieux continent. En France, au Royaume Uni ou ailleurs dans l’UE, des mécanismes nouveaux – par exemple la Halde française, l’Equality and Human Rights Commission britannique, ces nouvelle autorités liées à la lutte contre les discriminations, à commencer par les discriminations raciales directes et indirectes  – permettront–t-ils de répondre mieux aux besoins de justice ?  Il est sans doute trop tôt pour en…juger !.
  • Celui de la judiciarisation et des stratégies judicaires. Le débat en France, comme dans d’autres pays où les contentieux liés au travail et au social n’a cessé de croître, n’est pas nouveau. La régulation sociale par voie de tribunaux interposés est considérée par beaucoup – employeurs mais aussi organisations syndicales – comme une sorte une sorte de déviance et de moyen dont il faut user avec modération : sous- entendu un dialogue social plus riche et plus solide devrait pouvoir s’y substituer. L’idée de rupture négociée conventionnellement devrait contribuer, nous disent ses promoteurs, à dé-judiciariser les litiges et à pacifier les relations sociales. Là encore il est bien tôt pour voir le tour que prendront les choses mais rien n’est moins sûr. D’une part parce que ce dialogue social riche et solide doit se réinventer lui-même, en termes d’acteurs de contenus, de périmètres ou de procédures (et c’est tout sauf gagné !). D’autre part, dans les questions laissées de côté figure celle des décisions managériales, y compris en matière de motivation et de la justification des ruptures, dans leur double dimension, individuelle et collective. Et de ce point de vue les procédures, restent trop opaques, les critères trop peu objectifs, les compromis exclusivement focalisés sur l’aspect monétaire pour que l’on puisse considérer l’affaire comme résolue.

Le sentiment de justice – ou plus exactement d’injustice croît. Et la manière de gérer la crise est de ce point de vue crucial. Saurons nous le faire de manière plus juste et enrayer une mécanique de défiance voire de vengeance –je ne saurais que vous recommander à ce sujet d’aller voir Louise Michel ce film aussi dur qu’agréablement déjanté – ou bien passerons–nous à côté, au risque de déraper de manière fatale ?

PS : Sans tomber aucunement dans l’Obamania, je trouve quand même que certains passages de son discours d’investiture méritent le détour !

“ Nous savons maintenant fort bien que nous sommes en crise. Notre économie est fortement affaiblie, conséquence de la rapacité et de l’irresponsabilité dont ont fait preuve certains, à cause également de notre incapacité collective à faire des choix difficiles et à préparer la nation à une nouvelle ère. Des maisons ont été perdues; des emplois ont été détruits; des entreprises ont fait faillite. Notre système de santé est trop onéreux; nos écoles laissent trop de jeunes au bord de la route; et chaque jour, nous constatons que la façon dont nous consommons l’énergie renforce nos adversaires et menace notre planète. Voilà les indicateurs de la crise que l’on peut exprimer en données et statistiques. Ce qui est moins mesurable, mais tout aussi grave, c’est la manière dont nous avons perdu notre confiance en nous-mêmes – une peur lancinante que le déclin est inévitable et que la génération suivante doit viser moins haut (…)En ce jour, nous sommes venus proclamer la fin des doléances mesquines et des fausses promesses, des récriminations et des dogmes usés qui, pendant beaucoup trop longtemps, ont étouffé notre politique. A partir d’aujourd’hui, nous devons nous relever, nous secouer et commencer à refonder (l’Amérique).En effet, où que nous regardions, nous devons nous atteler à la tâche »…

Ils sont 78 élus du parti majoritaire à avoir signé la proposition de Jean-Paul Garraud d’une commission d’enquête sur la réforme de l’instruction des affaires pénales. Parmi eux, des défenseurs du Président membre de la commission des lois agacés de se voir privés de débat. Mais peu assument ce qui ressemble pourtant fort à une rébellion.

Ils sont 78 députés en colère contre la réforme de la justice… mais ils ne veulent pas que ça se voie trop ! Unis pour exiger une commission d’enquête parlementaire sur la réforme de l’instruction pénale (voir la liste en pièce jointe), ces 78 là regroupent certes quelques opposants historiques au président de la République, comme François Goulard ou Nicolas Dupont-Aignan, mais aussi des hauts gradés du parti, voire des proches de la Sarkozye : Joëlle Ceccaldi-Reynaud, du clan des Hauts-de-Seine, ou Olivier Dassault, fils de Serge.

Une contestation menée par « le seul magistrat de l’Assemblée »
L’auteur du texte, Jean-Paul Garraud, ancien vice-président de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Outreau,  clame haut et fort sa fidélité à Nicolas Sarkozy : « en annonçant la suppression du juge d’instruction, le Président a lancé un débat très utile, insiste le député de Gironde. Mais un texte préparé avec la Chancellerie n’est pas suffisant : un débat comme celui qui s’était tenu à l’Assemblée pour l’affaire d’Outreau valorise le travail parlementaire. »
La décision de supprimer le juge d’instruction aurait-elle été précipitée ? Refusant de dire un mot plus haut que l’autre, Jean-Paul Garraud se contente d’insister sur les « répercussions multiples et considérables » de cette décision, qui n’ont pas été prises en considération. « Je souhaite que nous puissions y travailler en amont, résume le parlementaire. Quand la loi du 15 juin 2000 a été votée, retirant le droit de détention provisoire pour le confier à un juge des libertés et de la détention, cela a été fait avec la meilleure volonté du monde mais, avec l’affaire Outreau, on a réalisé que cela pouvait avoir des conséquences désastreuses. »

Copé joue la mouche du coche et promet un débat dans le groupe
Sur le fond, pourtant, la proposition n°1414 (voir le texte en pièce jointe) est une rude attaque contre cette future réforme : « Alors, s’il est vrai que quelques juges d’instruction ont commis de lourdes erreurs, faut-il, pour autant tous les supprimer ? Interroge le texte. Ne vaudrait-il pas mieux faire en sorte de nommer, à ce poste difficile, l’élite du corps judiciaire ? Doit-on supprimer les hôpitaux parce que des erreurs médicales sont parfois commises ? » Sous les accusations claires de ce texte, le député dit craindre le développement d’une justice à l’anglo-saxonne, faite de grands cabinets et de pauvres avocats commis d’office, le justiciable se payant la défense que lui permettent ses moyens.
Une question démocratique qui soulève nombre de membres de la commission des lois… en catimini. Dans les couloirs du Palais Bourbon, on se cache dans l’ombre du « seul magistrat de l’Assemblée », le poussant au premier plan, espérant qu’il prenne les coups à la place des autres. Surtout, surtout, ne pas dire que l’on s’oppose : « M. le député n’est pas dans l’opposition, il veut simplement un débat parlementaire », répond-on chez un des signataires.

Un signe pourtant qui ne trompe pas, Jean-François Copé, patron des députés UMP, a donné son accord à la création d’une mission interne sur la question pour « débattre au sein du groupe ». Quelle meilleure méthode pour contester l’autorité du Président que de créer à l’Assemblée le débat qu’il refuse sur SA réforme de la justice ?

proposition_de_commission_d\_enquete_sur_la_reforme_de_la_justice.pdf Proposition de commission d’enquête sur la réforme de la justice.pdf (65.87 KB)
deputes_signataires.pdf Députés signataires.pdf (46.44 KB)

Vendredi 27 Février 2009 – 07:00
Sylvain Lapoix
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Anne Rovan

Après un déplacement lundi à Toulon, la garde des Sceaux sera demain à Lille pour faire le point sur le droit des victimes.

Un mois après l’officialisation de son départ du gouvernement, Rachida Dati sort de son silence. La garde des Sceaux vient d’entamer sa tournée d’adieux de ministre de la Justice. Elle était lundi à Toulon, dans la ville de son collègue Hubert Falco, pour parler de son action en matière d’immobilier à la Justice. Ironie de l’histoire, c’est dans cette ville qu’elle avait accompagné le candidat Nicolas Sarkozy en février 2007, il y a deux ans, pour un grand meeting de campagne. Ironie toujours, avant de signer le livre d’or de la Ville, Rachida Dati s’est rendu compte que le dernier à l’avoir fait était encore Nicolas Sarkozy. C’était fin septembre, à l’occasion de son discours sur la crise.

La page qui se tourne n’a pas échappé à Hubert Falco. «Merci, Rachida, pour ce que tu as fait et pour tout ce qu’il te reste à faire. Il y aura toujours une place pour toi dans notre belle ville de Toulon», a lancé à son invitée le secrétaire d’État à l’Aménagement du territoire. Dati se rendra demain à Lille pour faire le point sur les droits des victimes. Deux autres étapes de sa tournée sont prévues dans les prochaines semaines. La ministre tient à défendre son bilan et ses réformes. «J’ai beaucoup de choses à dire sur comment on réforme, comment on avance, comment on obtient des résultats.»

Rachida Dati veut donc reprendre la main. Mais, dans l’avion qui l’amène à Toulon, elle n’a visiblement pas envie de faire la conversation. Quelques réponses elliptiques et la voilà qui se plonge dans la lecture de Marianne, du magazine Elle et de l’hebdomadaire Femina. Puis elle se réfugie dans la musique. Peut-être se repasse-t-elle Quand j’serai K-O, la ballade légère et cruelle dans laquelle son idole Alain Souchon chante les ambitions déçues et la solitude ?

Portraits en préparation


Le mystère continue de planer sur la date à laquelle la garde des Sceaux quittera le gouvernement.
Le mystère continue de planer sur la date à laquelle la garde des Sceaux quittera le gouvernement. Crédits photo : Le Figaro

Au retour, Dati sera plus bavarde. À défaut de se livrer, elle donne le change. Son départ du gouvernement, elle le minimise : «Partir n’est pas une difficulté en quoi que ce soit. J’ai des choses à dire là-dessus», explique-t-elle. Les récentes critiques de l’ancienne garde des Sceaux Élisabeth Guigou sur son silence après l’évasion de Moulins et son «congé maternité à géométrie variable» la laissent aussi de marbre. «Guigou fait de la politique», lâche Dati. Même le livre Belle-Amie ne semble pas ébranler la petite fille de Chalon-sur-Saône devenue garde des Sceaux. Les auteurs, Michaël Darmon et Yves Derai, y dressent pourtant un portrait au vitriol de la ministre. Aux yeux de l’intéressée, c’est un non-événement. «Vous savez, sept ou huit livres sont déjà sortis sur moi. Je ne l’ai pas lu», lance-t-elle, les yeux dans les yeux. D’autres portraits sont en préparation. Arte diffusera le 3 mars, en première partie de soirée, un documentaire sur la ministre. Son titre ? Dati, l’ambitieuse. Un autre livre est prévu pour avril.

D’ici là, Dati aura repris la parole dans une grande interview qu’elle accordera à un hebdomadaire. «Je m’exprimerai dans quelques jours», se contente-t-elle d’indiquer. Ce sera vraisemblablement en fin de semaine prochaine. En attendant, le mystère plane sur la date de son départ de la Place Vendôme et sur ses éventuels regrets. Michel Barnier, qui conduira la liste UMP aux européennes en Ile-de-France, a confirmé mardi qu’il quitterait l’Agriculture «au début du mois de mai». Rachida Dati partira-t-elle de la Place Vendôme au même moment ou restera-t-elle jusqu’au lendemain des élections de juin ? Tout dépend de Nicolas Sarkozy. «J’ai encore deux choses à faire pour remplir la feuille de route du président», explique la ministre.

Parmi ces «choses», il y a le projet de loi pénitentiaire, dont l’examen commencera lundi au Sénat mais pour lequel aucune date n’est arrêtée à l’Assemblée. Sans dévoiler ses ambitions à long terme, Rachida Dati avance ses pions. Elle semble ainsi prête à tendre la main à François Fillon, qui, comme elle, pourrait être intéressé par la bataille de Paris en 2014. «Les ­réunions se passent bien avec lui. Il est dans l’échange. Il prend du temps. Vous l’appelez et il vous rappelle», lance-t-elle à l’attention de celui avec lequel les relations s’étaient dégradées ces derniers mois.

Source

actu-match | Vendredi 20 Février 2009

Le ministre de l’Ecologie veut rester en place à son ministère et ne rêve pas de succéder à Rachida Dati

Elisabeth Chavelet – Paris Match

Jean-Louis Borloo, habillé style gentleman-farmer, converti total au green business, déploie ce matin-là une gigantesque feuille blanche. Y figure la liste des quinze programmes du Grenelle de l’environnement qui vient d’être approuvé à l’unanimité par le Sénat. Soit, il le répète sur tous les tons, une somme colossale de 440 milliards d’euros d’investissements entraînant la création de 535 000 emplois entre 2 009 et 2020.

«C’est dans mon ministère que se joue l’avenir de l’humanité et de la France», observe l’ex-avocat, nouveau croisé de la cause écologique. Dans ce contexte, qu’irait faire au ministère de la Justice le dépositaire des conditions de la croissance française dans les dix ans à venir?

Pourquoi toutes ces rumeurs?

«Je resterai ministre d’Etat, ici, au moins jusqu’au Sommet de Copenhague de décembre 2009.» Soit le grand rendez-vous de la planète, après ceux de Kyoto (peu de signataires) et de Bali (peu d’engagements respectés).

Pourquoi, alors, toutes ces rumeurs le donnant successeur très probable de Rachida Dati comme garde des Sceaux ? Il confie : «Certains, à l’Elysée, avaient envie de signifier à Rachida qu’elle allait devoir partir rapidement. Ils ont balancé les noms de Darcos, Lagarde ou Borloo. Le mien, celui d’un ancien avocat, doit sonner mieux que les autres.» Point final

Un député UMP a été condamné vendredi à 700 euros d’amende avec sursis pour avoir traité un magistrat de “gaucho de merde”, apprend-on auprès du parquet du tribunal correctionnel de Montbéliard.

Damien Meslot, élu du Territoire de Belfort, a décidé de faire appel, dénonçant une sanction relevant de “l’esprit de corps”.

“Vous savez que le climat est très particulier à Belfort. Ce procureur qui a été nommé par l’Ancien régime, en est à la quatrième plainte à mon encontre”, a-t-il déclaré à Reuters.

A l’audience où il était jugé pour “outrage à magistrat”, il avait seulement reconnu avoir évoqué un “procureur de gauche”.

L’interjection avait été prononcée face à un policier venu dans sa permanence apporter une convocation du parquet concernant un autre élu.

En froid avec la magistrature de Belfort depuis sa mise en examen dans un dossier électoral, il aurait alors traité le procureur Bernard Lebeau de “gaucho de merde”.

Le tribunal de Montbéliard a accordé au magistrat l’euro symbolique de dommage et intérêt qu’il réclamait.

Damien Meslot, qui est cadre bancaire, a été réélu le 17 juin 2007 député de la première circonscription du Territoire-de-Belfort.

Il avait été élu député pour la première fois en juin 2002 en battant le député sortant, le socialiste Raymond Forni.

Gilbert Reilhac, avec la contribution d’Emile Picy, édité par Yves Clarisse

20 février

Le maire de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes) Gérard Grosgogeat a été condamné vendredi à une peine de quatre mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Nice pour prise illégale d’intérêt dans la décision d’attribuer un marché municipal à l’entreprise de son fils.

Le tribunal n’a pas retenu la mesure de radiation pour cinq ans des listes électorales, synonyme d’inéligibilité, requise par le parquet qui avait également demandé une peine de huit mois de prison avec sursis.

M. Grosgogeat devra également s’acquitter d’une amende de 10.000 euros.

Il était accusé d’avoir utilisé son mandat public au profit de son intérêt privé en attribuant début 2008 à une société dirigée par son fils un marché de 23.100 euros destiné à réaménager la salle de réception de la mairie.

Il lui était aussi reproché d’avoir signé un ordre de paiement plusieurs semaines avant la réception effective des meubles et de s’être donc rendu coupable de “faux”.

M. Grosgogeat avait mis en avant sa bonne foi et souligné qu’il avait demandé à l’entreprise de son fils de rembourser le marché lorsqu’il avait pris conscience de sa “bêtise”.

Notes – Jean-Paul Jean – 13 février 2009 La réforme de la procédure pénale s’est engagée dans la précipitation, après l’annonce de la suppression du juge d’instruction par le Président de la République le 7 janvier dernier.
Selon Jean-Paul Jean, magistrat, professeur associé à l’Université de Poitiers et membre du groupe de travail “Justice et Pouvoirs” de Terra Nova, plutôt qu’une rupture illusoire, c’est une réforme pragmatique qu’il faut engager, dans le respect des libertés, de l’égalité et de l’efficacité de la procédure pénale.

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L’annonce mercredi 7 janvier par le Président de La République de la suppression du juge d’instruction est pour le moins inhabituelle : le comité de réflexion sur la rénovation des codes pénal et de procédure pénale, présidé par le magistrat Philippe Léger, n’a pas encore rendu son rapport, et la déclaration du chef de l’Etat a déjà provoqué la démission de deux de ses membres. Alors que s’est ouverte la procédure disciplinaire initiée contre le juge Burgaud, jugé pour le fiasco de l’affaire d’Outreau, le climat actuel ne prête pas à la sérénité. Or, les enjeux majeurs de la réforme de la procédure judicaire n’autorisent pas la précipitation. Il convient de prendre la distance nécessaire à la réflexion.

Les changements opérés depuis une décennie ont profondément modifié la procédure pénale. Les juges d’instruction, de moins en moins saisis, ont vu leurs prérogatives se réduire en faveur de celles du parquet et de la police. La procéduralisation croissante de l’instruction a conduit à la réduction du temps judiciaire consacré au traitement de fond et à la recherche de la vérité. Quant au transfert du pouvoir de placer en détention provisoire au Juge des Libertés et de la détention, il n’a pas suffit à limiter l’usage excessif de cette pratique.

Ce bilan appelle une réforme pragmatique du système pénal, guidée par le respect de l’égalité, des libertés, et de l’efficacité de la procédure pénale. Plutôt qu’une rupture illusoire, il conviendrait d’assurer une continuité réformiste, en limitant le rôle du juge d’instruction aux seules affaires qui nécessitent son intervention, et en poursuivant la modernisation du schéma global d’organisation de la justice pénale, pour concilier l’efficacité dans la lutte contre la criminalité et la protection des libertés.

Le juge d’instruction est trop souvent perçu à travers son mythe . Bien d’autres réalités se cachent derrière l’image du « petit juge » solitaire, chevalier blanc s’attaquant aux puissants, qui a marqué la période des affaires politico-financières des années quatre-vingt-dix. C’est à partir de ces réalités qu’il faut réfléchir sereinement à la fonction de juge d’instruction au regard des principes qui gouvernent l’enquête pénale.

La finalité de l’instruction préparatoire est de permettre le jugement d’une affaire pénale dans les meilleures conditions possibles : un délai raisonnable, les éléments de droit et de fait rassemblés contradictoirement pour un débat à l’audience publique permettant de statuer sur la culpabilité et, dans le cas où celle-ci est établie, sur la peine. L’intervention du juge d’instruction est obligatoire en matière de crime et nécessaire pour les délits concernant des affaires complexes ou dans lesquelles lui seul peut réaliser certaines investigations.

Les choix effectués depuis une décennie, sous deux majorités politiques différentes, ont profondément modifié la procédure pénale et recomposé la place des différents acteurs du système judiciaire . On peut résumer ainsi ces évolutions : les 616 juges d’instruction français sont de moins en moins saisis, et leurs prérogatives ont fortement diminué, tandis que celles du parquet et de la police se sont élargies, le tout sous un contrôle de plus en plus formel et ponctuel des juges du siège.

–  Des juges de moins en moins saisis : 30.800 affaires nouvelles en 2006 contre 43.600 en 1997, 7,4 % des crimes et délits poursuivis en 1996, 4,3 % en 2006.

–  Des instructions préparatoires de plus en plus lentes : avant d’aboutir à un jugement, 35 mois pour une affaire de moeurs ou financière.

–  Des juges de plus en plus concurrencés par le parquet : tant qu’une mesure de contrainte n’est pas nécessaire, les bureaux des enquêtes des grands parquets traitent les affaires en enquête préliminaire en demandant au juge des libertés et de la détention (JLD) les autorisations d’actes portant atteinte aux libertés (écoutes, perquisitions…). Ainsi, suite à une dénonciation de TRACFIN, l’affaire mettant en cause Julien Dray sans qu’il puisse avoir accès à la procédure aurait à l’évidence fait l’objet, il y a encore peu, d’une ouverture d’information. Les juges d’instruction parisiens spécialisés en matière économique et financière dénoncent la diminution de leurs saisines dans les affaires sensibles et une maîtrise totale du parquet sur la gestion de ces contentieux. En 2006, les 14 juges du pôle financier ont reçu 200 affaires nouvelles, 165 en 2007, et… 90 en 2008.

Si les juges d’instruction sont de moins en moins saisis par les parquets, leurs cabinets sont encore  encombrés de plaintes avec constitution de partie civile dont beaucoup n’ont d’autre but que de retarder une procédure civile ou commerciale ou de faire procéder à des investigations financées sur frais de justice. Ainsi, à Paris, en matière économique et financière, 60% des dossiers de cabinets d’instruction étaient ouverts à l’initiative des parties civiles, dont 80% se terminaient par un non-lieu. La loi du 5 mars 2007, en obligeant préalablement à saisir le parquet pour enquête et éventuelles poursuites, avant toute ouverture d’information , a utilement fait diminuer le nombre de ces procédures.

Les cabinets d’instruction sont également surchargés du fait d’une procéduralisation croissante qui conduit à multiplier les actes formels sans aucun intérêt pour ce qui constitue la mission première du juge, la recherche de la vérité. Les réformes législatives successives ont multiplié les possibilités d’intervention et de recours des parties, parquet, mis en examen, parties civiles. D’où une augmentation des saisines de la chambre de l’instruction en incidents, demandes d’actes et de nullité de procédure qui s’ajoutent aux contentieux relatifs à la détention provisoire et au contrôle judiciaire.

Le résultat de ce formalisme inadapté imposé par le législateur est une part de plus en plus réduite du temps judiciaire consacré au traitement des questions de fond. A la durée excessive des procédures d’instruction elles-mêmes, vient s’ajouter celle du délai d’audiencement pour que l’affaire soit jugée au fond, du fait de l’encombrement des tribunaux correctionnels et des cours d’assises. La France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi l’arrêt Crétello du 23 janvier 2007 constatant 5 ans de détention provisoire dont 17 mois entre la fin de l’instruction et l’ouverture du procès.

La loi Guigou du 15 juin 2000 a retiré au juge d’instruction son pouvoir le plus important, celui de placer en détention provisoire, transféré au JLD qui statue ponctuellement sur les demandes transmises par le juge d’instruction, voire par le parquet en cas de refus de saisine par le juge d’instruction, cette dernière possibilité étant issue de la loi Perben II du 9 mars 2004. Le juge d’instruction conserve la possibilité de placer le mis en examen sous contrôle judiciaire (cautionnement, interdiction professionnelle…), ainsi que, disposition favorable aux libertés, de remettre une personne en liberté à tout moment.

Toutefois le recours trop important à la détention provisoire et sa durée excessive, comme dans l’affaire d’Outreau, constituent toujours des vices majeurs de notre système. Malgré les textes, les pressions et les habitudes sont fortes. Le caractère exceptionnel de la détention provisoire, affirmé par l’article 137 du code de procédure pénale, n’est plus qu’un vœu pieux quand 3 personnes sur 4 entrent en prison à ce titre.

1 – QUESTIONS-CLES POUR DES AXES DE REFORME

Si l’on estime nécessaire une nouvelle réforme de notre système pénal pour les affaires complexes, celles qui aujourd’hui sont instruites par un juge ou devraient l’être, une approche ponctuelle n’est plus permise.

Peut-on penser l’instruction préparatoire et le magistrat qui en aura la charge en évitant le réflexe corporatiste (on attaque le juge d’instruction parce qu’il s’attaque aux puissants !), l’immobilisme (pourquoi changer alors que l’on envie notre système à l’étranger ?) et l’anglophobie primaire (il faut refuser le système accusatoire car le droit anglo-saxon nous envahit !) que l’on trouve très souvent exprimés de façon explicite ou implicite ?

Une autre approche est possible, fondée sur un pragmatisme conciliant le respect des principes du procès équitable et l’efficacité dans la lutte contre la criminalité. On peut réfléchir à l’amélioration de la phase préparatoire au jugement en partant de quatre questions clés. Avec un juge d’instruction plutôt que sans, la procédure pénale est-elle plus efficace ? Les libertés sont-elles mieux garanties ? L’égalité des armes entre accusation et défense, et l’égalité des citoyens devant la loi sont-elles mieux assurées ? Les ingérences politiques dans l’établissement de la vérité judiciaire sont-elles limitées ?

1.1 – LE TRAITEMENT DES DOSSIERS COMPLEXES EST-IL PLUS EFFICACE AVEC UN JUGE D’INSTRUCTION QUE SANS ?

Si l’on étudie les délais d’instruction, la réponse est non. Lorsque l’on analyse la valeur ajoutée du travail du juge d’instruction, la réponse est variable. Dans trop de dossiers, le juge d’instruction se contente de reprendre ou de compléter à la marge les investigations policières, voire de leur donner un cadre juridique pendant le temps de la détention provisoire. Pour une grande partie de ces dossiers qui passent actuellement par l’instruction, même pour des affaires  criminelles susceptibles d’aboutir en cour d’assises, il suffirait de saisir un juge de l’instruction qui autoriserait les principaux actes portant atteinte aux libertés, ordonnerait des compléments d’enquête et des expertises, statuerait en premier ressort sur les détentions provisoires et les mesures de contrôle judiciaire et s’assurerait par un débat public et contradictoire entre le parquet, les parties civiles et les mis en cause, que l’affaire est en état d’être jugée. L’essentiel est que le juge du fond soit saisi rapidement pour une audience publique qui devra nécessairement prendre plus de temps qu’aujourd’hui, puisqu’il faudra entendre les principaux témoins, procéder aux confrontations. L’oralité des débats, comme en cour d’assises, redeviendra la règle effective. Compte tenu des temps d’audience nécessaires, cela implique un redéploiement des moyens et des modes d’organisation modernes, que le système judiciaire peut intégrer si la pédagogie, les moyens humains et budgétaires précèdent et accompagnent la réforme. Egalement si, par ailleurs, pour dégager du temps d’audience, on traite selon le mode de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, en débat public, des affaires graves mais dans lesquelles les faits sont reconnus.

1.2 – AVEC UN JUGE D’INSTRUCTION, LES LIBERTES SONT-ELLES MIEUX GARANTIES ?

Non, du fait de « la justice de cabinet » à laquelle on doit toujours préférer le débat public qui empêche les pressions expresses ou diffuses. Mais l’atteinte première aux libertés par la détention provisoire n’est plus le fait du juge d’instruction. Et malheureusement l’on doit constater que l’instauration du JLD, ce juge sans statut saisi ponctuellement, s’il a complexifié la procédure, n’a en rien fait diminuer la détention provisoire.

1.3 – L’EGALITE DES ARMES ET L’EGALITE DES CITOYENS DEVANT LA JUSTICE PENALE SONT-ELLES MIEUX ASSUREES AVEC UN JUGE D’INSTRUCTION ?

Oui. Dans un système de type inquisitoire comme le nôtre, le coût des procédures est à la charge de l’Etat, à la différence du système accusatoire de common law où les personnes modestes ne peuvent pas réellement assurer leur défense, ou documenter leur plainte en ce qui concerne les victimes. Beaucoup dépend de la qualité, des moyens et des prérogatives de la défense. Il faut donc créer un service public de défense pénale, financé sur le budget de l’aide juridictionnelle, intégrant des avocats seniors encadrant des plus jeunes assurant un minimum de cinq ans d’activité, avec un statut leur garantissant une totale indépendance. Le coût sera élevé, mais sans investissement lourd, l’égalité des armes ne sera qu’un leurre et seules les personnes disposant des moyens financiers suffisants pourront se permettre le recours aux services d’avocats spécialisés, l’appui d’experts et la mise en œuvre de contre-enquêtes.

1.4 – L’EXISTENCE DU JUGE D’INSTRUCTION PERMET-ELLE DE LIMITER LES INGERENCES POLITIQUES DANS L’ETABLISSEMENT DE LA VERITE JUDICIAIRE ?

Oui, car le juge d’instruction est celui qui peut conduire ses investigations lorsque des puissants sont en cause, notamment dans les affaires politico-financières. Nombre d’affaires de corruption, de financement illégal de partis politiques, d’abus de biens sociaux, impliquant le pouvoir socioéconomique ou des personnalités ayant les réseaux d’appui suffisants n’auraient jamais pu aboutir, voire n’auraient même pas été initiées si des juges d’instruction n’avaient pas été saisis. Là réside le principal risque si les procureurs se voient confier l’initiative de toutes les investigations. Le garde des sceaux, encore plus depuis la loi du 9 mars 2004, veut s’affirmer comme « le chef des parquets ». Les procureurs généraux sont nommés de façon discrétionnaire en conseil des ministres, la hiérarchie des parquets étant renforcée dans le cadre d’un processus de nomination très encadré qui promeut aux postes de responsabilité les plus proches du pouvoir en place. Les ministres de la Justice ne respectent plus les avis non conformes du Conseil supérieur de la magistrature, contrairement à la période 1997-2002. L’intervention du politique dans les affaires ne peut donc être contrebalancée que par l’indépendance des magistrats en charge des affaires sensibles ainsi que par la transparence des procédures et des décisions.

2 – DE DELICATS EQUILIBRES

La principale conséquence de la suppression du juge d’instruction serait le transfert de toutes les initiatives et des fonctions d’investigation au parquet, même dans les affaires les plus sensibles. Ce choix serait lourd de conséquences. Il ne pourrait évidemment, pour éviter les interventions du politique, garantir les libertés et être compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme , s’effectuer qu’après avoir accordé un statut garantissant l’indépendance des magistrats du parquet dans la conduite des enquêtes. Cette orientation semble difficilement compatible avec celles fixées par le président de la République, et en tous cas serait en contradiction totale avec les dispositions résultant de la loi du 9 mars 2004 .

L’hypothèse de la suppression du juge d’instruction implique donc préalablement une réforme  pour garantir l’indépendance des magistrats du parquet dans la conduite des affaires individuelles. Le statut de la police judiciaire devrait aussi être renforcé dans la loi, pour éviter les pressions de la hiérarchie politique et administrative du ministère de l’Intérieur qui a désormais autorité sur toutes les forces de police et de gendarmerie.

En fin de compte, plutôt qu’une rupture illusoire, ne serait-il pas plus raisonnable d’assurer une continuité réformiste et de rester en cohérence avec les conclusions de la commission parlementaire tirant les leçons de l’affaire d’Outreau ? Et donc mettre en œuvre, comme prévu par la loi du 5 mars 2007, la collégialité de l’instruction, autour des pôles de l’instruction, à compter du 1er janvier 2010. Le juge d’instruction ne serait pas supprimé, mais son rôle serait limité aux seules affaires dans lesquelles il apporte une réelle valeur ajoutée, par la nécessité d’investigations nouvelles, la grande complexité de l’affaire ou pour prévenir les risques d’intervention politique dans un dossier sensible.

Quand les faits sont reconnus, même en matière criminelle, il n’y a aucune raison de saisir un juge d’instruction pour allonger inutilement les délais de comparution à l’audience de jugement. Ce pourrait être un magistrat du siège, président du tribunal ou son délégué, obligatoirement saisi par le parquet, qui effectuerait le choix de saisir ou non un juge d’instruction. Pour tous les autres dossiers, un juge de l’instruction, à l’instar d’un juge de la mise en état en matière civile pourrait simplement, en audience publique, valider le fait que la procédure peut être transmise au tribunal pour être jugée au fond, avec une volonté forte d’accélérer les délais et de supprimer les temps morts de la procédure. Ce même magistrat exercerait également, avec un statut fixé par la loi, les fonctions actuellement dévolues au JLD. Mais, quelles que soient les solutions retenues, il convient d’améliorer le statut les magistrats du parquet pour garantir leur rôle constitutionnel de garant des libertés, leur impartialité dans la conduite des enquêtes et empêcher toute ingérence du politique dans les affaires individuelles.

Ces réformes, enfin, doivent s’articuler avec une conception rénovée de l’organisation judiciaire. La suppression de la fonction d’instruction – et donc aussi du JLD – dans tous les petits tribunaux permet une rationalisation et une économie de moyens. Le schéma global d’organisation de la justice pénale, heureusement repensé depuis la mise en place des pôles financiers et des assistants spécialisés en 1998, puis par les juridictions interrégionales spécialisées créées par la loi du 9 mars 2004, pourrait ainsi poursuivre sa modernisation et favoriser la coopération dans l’espace judiciaire européen, en conciliant efficacité dans la lutte contre la criminalité et protection des libertés. Au sein de cette justice spécialisée, des juges d’instruction moins nombreux, mais ayant fait l’objet d’une formation continue et d’un recrutement ad hoc, travaillant en équipe, assistés de collaborateurs de haut niveau, tiendraient toute leur place.

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