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NOUVELOBS.COM | 13.06.2008 | 16:12
La justice est sujette à de nombreuses critiques, tant de la part des citoyens, que des professionnels de ce domaine. Mais quels sont donc les deux principaux reproches que l’on pourrait faire à la justice française aujourd’hui ? Nouvelobs.com a interrogé des personnalités du monde judiciaire sur le sujet.

Notre question :

Quels sont les deux principaux dysfonctionnements de la justice française?

Les réponses :

Philippe Houillon, député UMP du Val d’Oise, ancien président de la Commission des lois, rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau :
– “Il est difficile de les résumer à deux. Selon les enquêtes d’opinion, la justice est trop lente et trop chère. Je dirais que c’est plus complexe et composite que cela.
Il y a effectivement un travail sur les délais à effectuer. En matière pénale, une affaire passe devant le juge deux ou trois ans après les faits. Aux prud’hommes, quand un salarié est licencié, et en cas d’appel, on arrive aux mêmes délais. C’est trop long. Il faudrait aussi travailler sur la cherté.
La réforme de la carte judiciaire va permettre une mutualisation des moyens. On répète sans cesse que la justice n’a pas assez de moyens. C’est vrai dans une certaine mesure. Mais on peut mettre au crédit de Rachida Dati une hausse du budget de la justice pour 2008. Il faut travailler différemment : grâce à la numérisation, on va gagner un temps infini dans les procédures. La justice va enfin vivre dans son siècle.
Les textes aboutissent aujourd’hui à plus de fermeté (sur la récidive, la création de centres fermés…), en réponse à une demande de la société. Dans le même temps, les Français n’ont plus confiance en la justice. Il faudrait plus de contradictoire, donc plus de garanties, pour aboutir à un équilibre, et à un regain de crédibilité. La loi du 5 mars 2007 a été votée en ce sens après le rapport de la Commission Outreau, créant des ‘pôles de l’instruction’ dans certaines juridictions pour en finir avec la solitude du juge d’instruction. Il faut poursuivre ce travail sur le contradictoire et sur l’oxygénation de la justice. Rachida Dati a engagé des réformes lourdes qui vont dans le bon sens et auront des conséquences de fond. Il reste évidemment à travailler.”

André Vallini
, député PS de l’Isère, membre de la commission des lois et président de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau :
– “Tout d’abord, c’est le manque de moyens : financièrement, nous sommes parmi les moins bien dotés en Europe en euros par habitant. Cela donne une justice lente et qui fonctionne mal.
Deuxièmement, la justice ne respecte pas assez la présomption d’innocence et les droits de la défense. Les préconisations du rapport de la commission d’enquête de l’affaire Outreau sur les droits de la défense et la présomption d’innocence n’ont été que partiellement reprises par la loi de février 2007. Il reste énormément à faire.
Et j’ajoute un troisième dysfonctionnement : l’état de nos prisons qui n’est pas digne du pays des droits de l’homme que nous prétendons être.”

Philippe Bilger, avocat général près de la cour d’appel de Paris :
– “Le premier est plutôt d’ordre psychologique : les magistrats sont soumis à tant de suspicion et sont tellement peu considérés, qu’ils manquent de cette confiance en soi qui fait les grands corps.
Les magistrats, pour la plupart, n’ont pas encore compris que le citoyen doit être au cœur de leur pratique. Ils doivent cesser d’exprimer cette plainte collective permanente et retrouver l’orgueil de leur fonction. La justice ne doit avoir qu’une seule ambition : apaiser autant que possible le désespoir du citoyen.
L’autre point noir en découle : la justice doit devenir un service public performant, tant dans le domaine pénal que pour la justice civile… On ne peut pas dire que la justice soit performante aujourd’hui, de sorte qu’elle aggrave le fossé avec le citoyen. Les magistrats doivent donc se vivre comme des entrepreneurs qui doivent répondre le plus efficacement possible aux demandes qui leur sont faites.
Cela signifie également que plutôt que d’organiser une immense révolution judiciaire, nous ferions mieux d’avoir un système qui distingue les meilleurs à la tête de chaque juridiction afin qu’ils donnent l’exemple et non plus des nominations par copinage politique ou par affinités professionnelles.”

Dominique Barella, procureur, ex-président de l’Union syndicale des magistrats et membre de la commission “Justice” du Parti socialiste :
– “Le premier problème est sans doute la façon dont les justiciables sont accueillis, notamment en comparution immédiate. Les délais d’attente sont bien trop longs au sein des juridictions. Les gens peuvent être convoqués par paquets de 20 ou 30 à 14h00, pour passer devant le juge à plus de 23h00… Il n’y a aucun respect dans la façon dont on juge les gens, dans de telles audiences d’abattage. Il y a un problème de capacité de traitement qui rejaillit sur la qualité de la justice. On peut rendre 650.000 jugements par an. Or il y a chaque année 2 millions d’affaires identifiées. Cela finit nécessairement par bloquer. Nous avons un des budgets les plus faibles des grands pays d’Europe pour la justice, au 23e rang au sein du Conseil de l’Europe. Pour être au niveau des autres grandes démocraties, il faudrait le doubler: la justice dispose de 12 milliards par an au Royaume-Uni, de 10 milliards en Allemagne, et de 6 milliards en France.
Mais le principal problème est d’ordre philosophique : la population ne croit plus en la justice. Les Français n’ont confiance ni en sa capacité, ni en sa qualité, ni en son efficacité. Pire, la justice fait peur. Elle devrait être plus compréhensible, plus rapide : les lois sont aujourd’hui trop complexes. Par ailleurs, l’exécutif à l’heure actuelle veut dominer la justice. Après la mort des deux jeunes à Villiers-le-Bel, les gens attendent la vérité. Or la procureur de la République a validé dans les 24 heures la version de la police, ce qui signifie à peu près : ‘Circulez, il n’y a rien à voir !’. Il y a quand même eu deux morts. Elle aurait dû dire : ” Nous allons vérifier les déclarations des policiers, enquêter en toute neutralité et en toute indépendance”. Dans ces conditions, comment les quartiers peuvent croire en la justice ? D’autant que Rachida Dati s’est autoproclamée ‘chef des procureurs. La justice doit se tenir à équidistance des parties, prendre son temps – sans être trop lente-, et améliorer son image d’humanité. Evidemment, l’automaticité des peines n’aide pas.”

Jean-Yves Le Borgne, avocat pénaliste au barreau de Paris, président de l’association des avocats pénalistes de France :
– “Le premier dysfonctionnement est, sans doute, la conciliation difficilement mise en œuvre entre la présomption d’innocence et la détention provisoire. Comment est-il possible qu’une personne présumée innocente soit en détention ? Certes, il ne faut pas être naïf devant un certain nombre d’actes, mais il faut également éviter toute systématisation. Je crois qu’il faut même rendre cela juridiquement impossible dans un certains nombres de cas.
L’autre dysfonctionnement majeur est peut-être la lenteur de l’évolution de certaines procédures, en particulier les procédures civiles : les jugements sont tardifs ; il faut des mois avant que le dossier soit accessible. Encore une fois, il faut trouver le compromis entre le temps nécessaire de l’examen par les juges et pour que la défense puisse faire valoir ses droits.
Au fond, les deux dysfonctionnements que je viens de citer, sont les deux préoccupations majeures des justiciables.”

Eric Dupond-Moretti
, avocat au barreau de Lille :
– “Je dirais le corporatisme de la magistrature, et le fait que le siège et le parquet ne soient pas séparés. Le corporatisme débouche sur l’impossibilité pour ce corps d’envisager sa responsabilité d’une part, et d’accepter d’éventuelles réformes d’autre part.
Par ailleurs, nous sommes dans un système qui permet une collusion entre magistrats du siège et du parquet. Les juges du siège ne sont pas à équidistance entre l’accusation et la défense, ce qui fait que les procès ne sont pas équitables dans notre système.”

Gilbert Collard
, avocat au barreau de Marseille :
– “Le premier dysfonctionnement vient du corporatisme et plus encore du mimétisme hiérarchique. Il faudrait arriver à les limiter : un juge a toujours bien fait, car si un juge le déjuge, alors il se déjuge lui-même. Prenons l’exemple des chambres de l’instruction. Si elles remplissaient correctement leur fonction, le travail des juges d’instruction serait réellement encadré. Mais elles fonctionnent souvent comme des chambres d’enregistrement, même si c’est de moins en moins le cas.
Deuxième problème : l’absence de réel contradictoire. Les avocats ne sont pas écoutés. Nous avons l’impression d’être face à des magistrats qui, en en eux-mêmes et par eux-mêmes, savent et connaissent tout. On a bien vu ces deux problèmes illustrés par l’affaire d’Outreau.”

Thierry Lévy, avocat au barreau de Paris :
– “Le gros défaut de la justice civile, qui fonctionne plutôt bien par ailleurs, c’est qu’elle est compliquée. Il y a un enchevêtrement des juridictions: sociales, commerciales, rurales… Le justiciable ne peut rien y comprendre, il est fatalement désorienté. Il y a une codification et une simplification à mener, car cette complexité accroît la méfiance à l’égard de l’institution.
En matière de justice pénale, le problème majeur est, selon moi, l’abandon de la notion de responsabilité personnelle. Elle s’efface, alors que les peines ne cessent de s’aggraver. Les catégories défavorisées ont aujourd’hui un sentiment d’injustice et d’iniquité.”

Régine Barthélémy, présidente du Syndicat des Avocats de France (SAF) :
– “Deux manques : un manque de personnel et un manque de moyens.
Il est intolérable qu’un juge des enfants, par exemple, tienne audience sans avoir de greffier. Cela se fait ressentir dans l’accès au dossier. Il y a un problème dans les rouages.
Cela se voit également dans l’organisation des audiences : on reçoit mal les justiciables et dans la qualité du travail effectué. On demande à la justice un rendement, une quantité de travail. Mais la problématique principale de la justice aujourd’hui est que c’est une mission essentielle de l’Etat qui ne dispose pas des moyens nécessaires”.

Hélène Franco, secrétaire générale du Syndicat de la Magistrature (SM, gauche) :
– “Au Syndicat de la magistrature, nous définissons deux piliers fondamentaux de la justice, aujourd’hui battus en brèche.
Le premier pilier, c’est notre mission de gardiens des libertés. Ce pilier est bafoué par la loi sur les peines-plancher, par exemple, loi qui s’attaque à la possibilité pour un juge de trouver une sanction adaptée et individualisée. Cette loi fait de la justice une machine à punir.
Le second pilier, c’est l’accès à la justice qui est également battu en brèche par des mesures comme la réforme de la carte judiciaire ou le ticket modérateur. La population se sent de plus en plus exclue de la justice. Et cela va encore s’aggraver avec l’éloignement géographique des tribunaux. On va aboutir à une justice désincarnée, déshumanisée, qui ne prendra plus en compte les plus pauvres”.

Lionel Escoffier, président de la Fédération Nationale des Unions des Jeunes Avocats (FNUJA) :
– “D’une part, une absence de moyens chronique. Nous sommes un des derniers pays de l’Union européenne en termes de budget dédié à la justice. D’autre part, concernant plus précisément la garde des Sceaux, une absence totale de concertation. Ce n’est pas en trompant les gens, en faisant de fausses annonces sur la création de comités, en organisant des déplacements, que l’on empêchera les magistrats, les avocats, les notaires, les justiciables de se mobiliser. Rachida Dati est une personne que j’apprécie, avec de grandes qualités. Mais il y en a une qu’elle a bien cachée, ou qu’elle a oubliée : la volonté de se concerter avec les professionnels de la justice. C’est extrêmement troublant, car il ne s’agit pas seulement des avocats, mais de l’ensemble des catégories concernées. La mobilisation n’est pas née d’une prise de position brute et méchante des avocats.”

Bruno Thouzellier, secrétaire général de l’Union Syndicale des Magistrats (USM, majoritaire) :
– “Les deux problèmes principaux sont liés. La pauvreté endémique de la justice est une donnée objective que tout le monde reconnaît. Nous sommes sous le seuil de pauvreté en matière de justice, en deçà duquel cela ne peut pas fonctionner, quels que soient par ailleurs les problèmes concernant les méthodes de travail. C’est le cas depuis toujours, et plus précisément depuis le début des années 1970, lorsque la demande de justice a explosé, et qu’on a commencé à évoquer la justice en termes de moyens. Ce manque de moyens a une conséquence évidente : la lenteur. La demande de justice est telle qu’on ne peut y répondre dans des délais raisonnables.”

Jacques Commaille, professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Cachan, spécialiste de la sociologie politique du droit et de la justice, co-auteur de “La fonction politique de la justice” (Ed. La Découverte, sept. 2007) :
– “Ce sont la distance par rapport au citoyen, au justiciable, et le manque d’adéquation vis-à-vis de ce que j’appelle les nouveaux besoins sociaux de justice.
Tout concourt à mettre à distance le citoyen : fonctionnement ésotérique, langage, rituel, espace architectural, distance géographique si la réforme de la carte judiciaire aboutit…Il y a un vrai problème de déficit des structures de justice dans les zones urbaines difficiles.
Par ailleurs, on note une absence de réflexion sur l’exercice de la fonction de justice par rapport à de nouveaux besoins sociaux. La justice n’a pas seulement pour objet de rendre un jugement. Elle doit aussi consolider ou restructurer le tissu social. C’est pour cette raison que je suis très réservé sur la réforme actuelle. Le seul objectif poursuivi est comptable : en dessous de X affaires traitées, on supprime… Il faudrait un modèle qui prennent en compte les transformations sociales, économiques, culturelles au niveau local. Il faut repenser la fonction de justice dans la société française contemporaine, et ce travail n’a pas été fait. Comment définir aujourd’hui la fonction de justice ? Elle s’articule en deux pôles : d’une part une justice gardienne de la raison de la société, qui rappelle qu’il y a un ordre nécessaire, et d’autre part une justice quotidienne, qui gère les rapports sociaux et les incivilités, utile quand les structures sociales se délitent. Les deux pôles doivent être équilibrés. On doit aller vers une justice moins institutionnalisée, plus ouverte. Un magistrat avait employé la belle formule d’une justice “qui fonctionne par capillarité sociale”. On peut déplorer actuellement l’absence de réflexion systématique : la création de Maisons du droit et de la justice, qui est une bonne mesure – elles permettront davantage de proximité et la collaboration de professionnels de la justice avec les associations, les élus locaux et les citoyens -, a été évoquée incidemment, dans une proposition d’amendement, alors que c’est absolument fondamental. C’est une curieuse façon d’envisager les choses : le pragmatisme, pourquoi pas, mais il doit s’accompagner d’une conception politique, orientée par des finalités et des grands objectifs”.

Propos recueillis par Anne-Sophie Hojlo et François Sionneau

plan

Introduction: La justice, notion politique et morale

– Repérage

– Définition

– illustration

I. La justice, institution politique

1) Moyen pour elle de s’exercer: le recours au châtiment.

2) But recherché: réparation ou prévention?

3) Bénéficiaire de son action: l’ordre social?

II. La justice, qualité morale

1) Sa place au sein des autres “vertus”: une vertu parmi d’autres?

2) Sa norme: l’égalité” ou “l’équité”?

3) Sa fonction: assurer le respect de l’égale dignité de tout homme.

Conclusion:

La justice morale inspiratrice de la justice politique, rêve ou réalité?

– 1) Observation d’un dessin de PIEM

La proposition inscrite au tableau semble claire : Il est faux de penser que la justice n’est pas de ce monde : la justice existe bel et bien ! Les personnages du dessin montrent l’EXISTENCE de la JUSTICE. Qui dit justice dit en effet audience, témoins, accusé et peine infligée.On peut toutefois se demander si l’enseignement du juge ne repose pas sur un quiproquo notionnel : la justice qui n’est pas de ce monde et la justice qui est de ce monde sont-elles les mêmes ? Le maître et l’élève ne sont pas sur la même longueur d’onde notionnelle : la justice qui n’est pas de ce monde [qui est celle à laquelle aspire l’élève, qui crie à l’injustice] est un idéal moral. La justice de ce monde [selon la logique du maître d’école] est d’une autre nature : elle est exercice d’un pouvoir, politique.

– Analyse d’un compte-rendu de verdict d’un procès pour pratique de l’excision.

Cf. Journal Le monde des 11/12 MARS 1991Une condamnation pour l’exempleHuit ans après les faits, la cour d’assises de Paris a infligé vendredi 8 mars une peine de cinq ans de réclusion criminelle à une Malienne de quarante-huit ans, Mme Aramata Keita, pour avoir, en 1982 et 1983, excisé les six filles d’un couple malien, M. Sonf Coulibaly, cantonnier, et son épouse, Sémité. condamnés de leur côté à cinq ans de prison avec sursis assortis de deux ans de mise à l’épreuve.

“On ne condamne pas pour des raisons extérieures à un procès, aussi bonnes soient-elles. ” Cette phrase de Me Henri Gerphagnon, prononcée lors de sa plaidoirie, résume à elle seule les débats et le sens du verdict. L’excision, ou ablation du clitoris et parfois des petites lèvres des filles, est un rite africain indéfendable, et l’avocat le réaffirmait. Mais, s’adressant aux juges, il a lancé: “Il faut quand même vous demander de comprendre… ” Et il a rappelé ces trois journées de débats consacrés à une étude approfondie de ce rite africain qui pèse d’une manière considérable sur certaines populations, notamment chez les Soninkbs du Mali.

Moins que celui des accusés, la cour a fait en effet le procès de l’excision. Aussi les avocats ont-ils tenté de ” recadrer le procès “, selon la formule de Me Dominique Inchauspé: “On a parlé de tout sauf des accusés. ” Ils ont donc rappelé qu’à la date des faits la situation juridique de l’excision n’était pas claire. “Cette affaire est contemporaine de la découverte de ces problèmes”, soulignait Me Inchauspé en évoquant le long cheminement du dossier qui a abouti devant le tribunal correctionnel en 1986, à une époque où le parquet s’interrogeait encore sur l’opportunité des poursuites. Le tribunal s’étant déclaré incompétent, la cour d’assises a été saisie. Mais cette indécision a fait dire à l’avocat: “Comment peut-on exiger que ces gens-là, illettrés, aient eu une conscience meilleure que des magistrats ? Comment peut-on leur reprocher de ne pas avoir su qu’ils risquaient de se retrouver devant votre juridiction ? Nous-mêmes on ne le savait pas. ”

Mais le réquisitoire de l’avocat général, Mme Dominique Commaret, était construit sur d’autres bases. En demandant trois ans de prison avec sursis contre les époux Coulibaly et une peine qui ne soit pas inférieure à cinq ans de réclusion criminelle contre Mme Keita, le magistrat avait notamment déclaré: “L’excision est inacceptable. Absoudre de telles pratiques aujourd’hui, c’est condamner de nombreux enfants qui vivent sur notre sol et leur refuser la protection de la loi. ” L’avocat général avait ensuite balayé d’un geste les arguments des scientifiques qui avaient évoqué les pressions de la coutume: ” Vous n’êtes pas des ethnologues, vous n’êtes pas des anthropologues, vous êtes des juges. ”

Fatalisme

Mme Keita appartenait à une caste d’anciens esclaves dont les membres sont souvent chargés de faire les excisions. C’est tout ce que l’on sait d’elle et son mutisme fataliste n’a certainement pas favorisé une compréhension de son rôle. Mais l’avocat général n’en retient que l’aspect lucratif qui serait plus important que le pagne et le savon exigés par la coutume. Cependant, c’est surtout l’exemple qui compte aux yeux du magistrat, qui ne s’en cache pas lorsqu’elle martèle: “Il faut que l’on sache, dès ce soir, dans tous les foyers africains que l’excision est devenue un gagne-pain à haut risque pénal”

Ce propos a choqué Me Mamadou Sawadogo, qui en a déduit: “Il faut condamner, tout simplement! Pour montrer que nous sommes prêts a tout pour combattre l’excision, nous sommes prêts à juger hâtivement des gens qui ne sont pas des délinquants. ” Et Me Inchauspé a ajouté: “C’est profondément injuste” .

MAURICE PEYROT

Explication de la différence d’attitude entre avocat général et avocat de ma défense.

a) Attitude de l’avocat de la défense : à l’écoute du verdict, il crie à l’injustice au nom de la relative innocence des accusés.b) Attitude de l’avocat général : il plaide en faveur du droit à faire valoir au nom de ceux que la loi doit protéger

Les deux attitudes reposent sur deux notions de la justice,

a) la défense parle au nom de la justice morale;b) l’accusation parle au nom de la justice politique.

– Définition

le mot “justice” vient du mot latin “justicia” qui désigne le caractère de ce qui est JUStus, conforme au jus, au droit.1) En un premier sens, la justice est l’ensemble des institutions ( de l’Etat) destinées à appliquer le droit. En ce sens, justice est une réalité institutionnelle (juridique) de nature politique

2) En un deuxième sens, la justice est le caractère de ce qui respecte le droit, de ce qui est équitable. En ce sens, la justice est une qualité morale, une ” vertu “.

– Illustration : le jugement de Salomon

Le jugement de Salomon

Cf. Bible, Premier livre des Rois, chapitre 3 versets 16 à 28

” Alors deux prostituées vinrent vers le roi et se tinrent devant lui. L’une des femmes dit : “S’il te plaît, Monseigneur ! Moi et cette femme nous habitons la même maison, et j’ai eu un enfant, alors qu’elle était dans la maison. Il est arrivé que, le troisième jour après ma délivrance, cette femme aussi a eu un enfant; nous étions ensemble, il n’y avait pas d’étranger avec nous, rien que nous deux dans la maison. Or le fils de cette femme est mort une nuit parce qu’elle s’était couchée sur lui. Elle se leva au milieu de la nuit, prit mon fils d’à côté de moi pendant que ta servante dormait; elle le mit sur son sein, et son fils mort elle le mit sur mon sein. Je me levai pour allaiter mon fils, et voici qu’il était mort ! Mais, au matin, je l’examinai, et voici que ce n’était pas mon fils que j’avais enfanté ! » Alors l’autre femme dit : “Ce n’est pas vrai ! Mon fils est celui qui est vivant, et son fils est celui qui est mort ! » et celle-là reprenait : “Ce n’est pas vrai ! Ton fils est celui qui est mort et mon fils est celui qui est vivant ! » Elles se disputaient ainsi devant le roi, qui prononce : ” Celle-ci dit : ” Voici mon fils qui est vivant, et c’est ton fils qui est mort ! ” et celle-là dit : ” Ce n’est pas vrai ! Ton fils est celui qui est mort et mon fils est celui qui est vivant ! ” Apportez-moi une épée », ordonna le roi; et on apporta l’épée devant le roi, qui dit : “Partagez l’enfant vivant en deux et donnez la moitié à l’une et la moitié à l’autre. » Alors la femme dont le fils était vivant s’adressa au roi, car sa pitié s’était enflammée pour son fils, et elle dit: ” s’il te plaît, Monseigneur ! Qu’on lui donne l’enfant, qu’on ne le tue pas ! » mais celle-là disait : “Il ne sera ni à moi ni à toi, partagez ! » Alors le roi prit la parole et dit: “Donnez I’enfant à la première, ne le tuez pas. C’est elle la mère. » Tout Israël apprit le jugement qu’avait rendu le roi, et ils révérèrent le roi car ils virent qu’il y avait en lui une sagesse divine pour rendre justice .”

Cf. Commentaire de René Girard

Le jugement de Salomon est la figure exemplaire de l’accomplisement de la justice, tant politique que morale : dans ce jugement, le pouvoir politique s’exerce, éclairé, au service du droit, celui de la Vie

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I. La justice,institution politique

1) Moyen pour la justice de s’exercer : le recours au châtiment

La justice condamne les contrevenants à la loi, souvent à de lourdes peines. Pourquoi le fait-elle ? Pour inscrire la loi dans le corps social, par voie de contrainte sur le corps du condamné. Cf. M. Foucault : “Les disciplines sont des techniques pour assurer l’ordonnance des multiplicités humaines” (Surveiller et punir). Cf. Verdict du procès pour excision.La condamnation est une réponse corrective au fauteur de trouble social qu’est le condamné, dont le crime (délit) est d’avoir porté atteinte à l’ordre social, et révélé ainsi la fragilité de la loi lorsqu’elle n’est pas intériorisée. La sanction punitive est le moyen d’assurer l’ordre (fonction du pouvoir – cf. cours sur l’Etat), et donc la socialisation des individus, au moindre coût, en provoquant l’auto-contrainte de chacun. La justice a ainsi pour fonction, politique, d’imposer un ordre social là où s’imposeraient sans elle, dans le désordre, les volontés individuelles. La fonction de la justice est donc essentiellement disciplinaire !

Le souci d’efficacité explique le recours au châtiment, par quoi s’exerce la justice. Il ne saurait toutefois à lui seul le justifier. C’est la sauvegarde de la liberté qui le justifie.

Cf. Spinoza, Traité Théologico-politique

Cf. Kant, Eléments métaphysiques de la doctrine du droit

2) But recherché : réparation ou prévention ?

L’existence du”pénal” pourrait laisser croire que l’institution judiciaire remplit une fonction répressive. La justice aurait pour rôle de punir la délinquance comme écart à la norme, pour non respect de la loi afin d’obtenir réparation pour un tel écart. La fonction du châtiment oblige à penser autrement la finalité de l’administration de la justice. Si la justice sévit, sans que les peines prononcées soient proportionnées à la gravité morale du délit, c’est pour prévenir les écarts à une norme par rapport à laquelle la plus infime des irrégularités, des indisciplines, est porteuse du même danger social que le plus grand des crimes !

3) Bénéficiaire de son action : l’ordre social?

Pour Platon la justice consiste à “ne détenir que des biens qui nous appartiennent en propre et n’exercer que notre propre fonction” (République, IV): chacun et chaque chose à sa place, voilà, à ses yeux, le formule de l’ordre social !Reste à savoir si l’ordre est au service du bien commun (ce que pense Platon) ou si l’administration de la justice a pour seul souci d’assurer l’ordre, quoiqu’il puisse en résulter pour le bien des personnes elles-mêmes.

Somme toute, la justice , institution judiciaire, peut-elle être pensée indépendamment de la justice morale? “Summum jus, summa injuria ….”?

II. La justice, qualité morale

1) La place de la justice au sein des “vertus” :

une vertu parmi d’autres?

Une vertu est une qualité morale. La vertu de justice est-elle une qualité morale entre autres ?

De l’avis des philosophes de l’Antiquité, non. Pour eux la justice est une qualité humaine dont dépendent les autres qualités, ce qui leur donne virtus, force. Platon, dans la République, IV, dit de la justice qu’elle est “le complément de toutes les vertus “, ce qui leur permet de naître et de se maintenir.

Qu’est-ce qui justifie que soit reconnue à la justice une telle place, fondamentale, dans la vie morale?

2) Sa norme : l’égalité ou l’équité ?

La norme de la justice semble devoir être l’ égalité. Cf. AlainL’image de la balance – emblème de la justice – induit l’idée d’égalité : sera communément jugée juste une manière de traiter les personnes qui ne variera pas de l’une à l’autre, au gré des humeurs, des circonstances, des intérêts ou des affinités. “Ne pas faire de différence!”, telle est la maxime de la justice, égalitaire. – Telle est l’idée de la justice qui conduit à crier à l’injustice en réaction à la variation des sentences rendues par les tribunaux.

Quel est le fondement de la requête égalitaire ? Une conviction morale ! La conviction selon laquelle tous les hommes se valent – ainsi que le proclame la déclaration des droits de l’homme, qui affirme que “Les hommes naissent libres et égaux”.

Est-ce à dire qu’ils le sont en fait? Non !

Mais alors, si les hommes n’ont pas, de fait, les mêmes capacités, les mêmes ressources, les mêmes qualités, est-il juste de les traiter IDENTIQUEMENT? Le rôle de la justice n’est-il pas précisément de rétablir une certaine égalité entre eux, en donnant aux uns et en prenant aux autres?

Quelle est la bonne formule de la justice ? Est-ce à chacun la même chose? A chacun selon ses besoins? Ou encore à chacun selon ses mérites?

Pour le savoir, il convient de se demander à quoi l’on juge que quelque chose est bon !

Est bon ce qui procure ce pourquoi il est fait. Ainsi est bon un couteau qui coupe bien. Or quelle est la fonction de la justice?

3) Fonction de la justice

La justice a pour but de rendre la vie humaine possible, en sa totalité,

– extensive: pour que tous les hommes puissent vivre;

– intensive : pour que chaque homme puisse vivre le mieux possible.

La justice est au service de la dignité humaine, elle a pour idéal le respect actif d’une telle dignité !

A ce titre, elle suppose, à sa source, l’amour de l’homme, la charité ! Cf. Gustave Thibon, Destin de l’homme: “Il n’y a qu’une manière d’être juste, c’est d’être charitable. On n’abstrait pas, sans l’altérer, la justice de l’amour. Summum jus… cette suprême injustice, c’est la justice, isolée, la justice nue : la justice qui ne consent pas à se dépasser recule dans l’iniquité.”

On comprend, dès lors, le caractère plus équitable qu’égalitaire de la justice (ainsi que sa place, première, au sein des vertus). “Justice, à quel signe reconnaîtrais-je que l’on prostitue ton nom?- Enfant, m’a répondu la justice en me regardant jusqu’au coeur, je ne m’appelle ni vengeance, ni égalité.” (G. Thibon, L’échelle de Jacob ). L’ égalité a pour maxime : ” à chacun la même chose”. La maxime de l’équité est “à chacun selon ses besoins et ses mérites.” Le souci de la justice, au service de tout l’humain en tout humain, inspire toute action morale, la morale balisant le chemin qui conduit à l’homme pleinement humain… Ce souci conduit à apporter à chacun ce qu’il lui faut pour qu’il s’épanouisse. Et Il peut différer selon les besoins des uns et des autres.

CONCLUSION

La justice, institution politique, assure l’ordre social. Le seul maintien de l’ordre, sauf à consentir à l’absurde de l’ordre pour l’ordre, ne saurait la définir. Aussi est-elle finalement l’auxiliaire de la justice morale ! Un rêve appelé à devenir réalité : la justice morale n’est pas de ce monde. Que la justice politique lui permette de s’y incarner !

© M. Pérignon

Juste est un terme qui peut-être employé dans des sens multiples. Quand nous sommes d’accord avec ce que dit Pierre ou Paul, nous disons « c’est juste !», « très juste ! » Nous voulons marquer par là notre accord et aussi le fait qu’un jugement possède une exactitude. Ce n’est pas alors de justice dont il faudrait parler, mais plutôt de justesse.

Mais en disant « c’est injuste », « ce n’est pas juste » nous exprimons un sentiment d’injustice. Implicitement, il signifie que A méritait x et non pas y ou z. En comparons ce que j’ai reçu, avec ce qu’a reçu un autre, je me sens floué : ce n’est pas juste.: j’aurais dû recevoir autant que lui. C’est d’un point de vue moral que nous parlons, celui d’un devoir-être. C’est encore autre chose que de dire : « c’est juste » pour accorder son assentiment, quand une sanction tombe à partir de la loi sur un criminel. « C’est juste » veut dire alors, c’est ce qui est fixé dans le code pour de tels cas et on doit s’incliner devant la décision de justice.

Qu’est ce que la justice ? Est-ce un jugement particulier qui se doit de porter sur des faits ? Est-ce une jugement prononcé au nom de la morale ? Est ce un jugement qui compare un fait avec la loi ?

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A.  Vertu de justice et justice subjective

Il nous faut en premier lieu examiner qu’est-ce qui caractérise la justice comme qualité morale et quel rapport le sens de la justice entretient avec les institutions de la justice. (texte)

1) Platon pose le problème dans La République en racontant une histoire qui nous ramène au statut de l’homme juste et de l’homme injuste, l’histoire de l’anneau de Gygès. Gygès était un berger qui gardait son troupeau en pleine nature, lors d’un orage, suivi d’un séisme, le sol se fend et découvre une caverne à l’endroit où il faisait paître ses moutons. Il y descend et trouve un trésor, avec parmi d’autres merveilles, un anneau d’or sur le doigt d’un cadavre. Il s’en empare et sort de la caverne. Or à l’assemblée des bergers, il se rend compte par hasard qu’en tournant le chaton de la bague, il devenait invisible. En tournant encore le chaton il redevenait visible.

Gygès se trouve donc en possession d’un pouvoir, mais un pouvoir, on peut en faire un bon ou un mauvais usage, donc un usage juste ou bien injuste. Qu’est-ce qui va distinguer l’homme juste de l’homme injuste ? On suppose que l’homme juste aura une nature assez adamantine pour ne pas céder à la tentation de satisfaire ses intérêts personnels, mais conservera la droiture nécessaire pour demeurer dans le bien commun. L’homme injuste aura l’intention inverse de mettre le pouvoir au service de ses intérêts personnels et se détournera du bien commun.  La question se pose d’autant plus quand la possibilité est offerte que l’exercice de ce pouvoir ne soit pas sanctionné. L’homme qui en disposerait resterait-il intègre ? Ou bien faut-il penser que la justice est nécessairement liée à la sanction des actes ? L’homme juste fait-il le bien pour lui-même, ou le fait-il parce qu’il sait que toute action est sanctionnée ?

Gygès n’a pas d’intégrité morale. Il voit le parti qu’il pourrait tirer du pouvoir. « Arrivé au palais, il séduisit la reine, complotât avec elle la mort du roi, le tue et obtint ainsi le pouvoir ». Disposant avec l’anneau d’un pouvoir surhumain, cette possession de l’anneau fait qu’il ne se sent pas lié par un sens moral de la justice, mais qu’il ne  veut plus alors qu’exercer sa volonté de puissance. Il commet le mal, parce qu’il sait qu’il ne peut pas être sanctionné par les hommes. Cette histoire nous donne alors à comprendre que l’homme n’est pas juste de son propre fait, mais de manière indirecte. En conséquence, on peut tout aussi bien dire que l’homme recherche la justice non pas pour elle-même, mais surtout pour les avantages qu’elle procure : l’assurance de pouvoir faire payer celui qui nous a lésé, la tranquillité, l’ordre social. Sitôt qu’il peut désobéir impunément à la loi, il le fera, s’il y trouve un intérêt et s’il peut échapper aux sanctions. Dans cette interprétation, la justice ne devient une contrainte d’ordre politique et elle n’est plus une vertu naturelle. « personne n’est juste volontairement, mais par contrainte, la justice n’étant pas un bien individuel, puisque celui qui se croit capable de commettre l’injustice la commet ». Posons une question-fantasme du même type que l’hypothèse de Gygès autour de nous : et si vous trouviez une lampe magique, avec un génie à l’intérieur, que lui demanderiez-vous ? Le plus souvent à cette invitation, nous verrons se libérer l’avidité ordinaire de l’ego, l’homme juste serait celui qui saurait résister à la tentation et ne pas faire un usage injuste du pouvoir qui lui est donné.

Si les hommes ne sont pas justes naturellement, il faut donc les y contraindre. A une conception pessimiste de la nature humaine se rattache aisément l’idée que l’instauration d’un Etat est donc nécessaire, puisque c’est dans l’Etat que la puissance contraignante de la force publique sera là pour faire respecter la justice. Il n’y aurait pas de justice sans la force.

2) Mais peut–on vraiment dire que tout homme est nécessairement injuste lorsqu’il peut l’être impunément ? Il est vrai que si les hommes cessaient de n’écouter que la voix de leur intérêt personnel, s’ils vivaient dans la concorde et l’amitié, la justice deviendrait inutile. L’amitié fait que l’on peut se rendre service mutuellement, donner de soi à l’autre et que la question du rapport juste est d’emblée résolue par l’amour que l’on porte à l’autre. Elle ne se pose pas. Cependant, même dans l’attachement que nous entretenons avec les autres, il y a aussi un sens de la justice. Nous ne supportons pas la souffrance de l’autre. La souffrance nous semble injuste car le prix de la vie humaine, c’est le bonheur que l’homme y réalise. Il est juste que l’homme soit heureux sur terre, injuste qu’il souffre, injuste que l’on fasse souffrir un être humain. Pour Rousseau, c’est la condition sociale de l’homme qui fait qu’il est attaché à ses semblables à travers le sentiment de leurs peines davantage qu’à travers le plaisir. « Si nos besoins communs nous unissent par intérêt, nos misères communes nous unissent par affection ». Sans la dimension affective de la vie, le sens de la justice serait difficile à cerner de manière concrète. Il y a toujours un sens du pathétique de la souffrance dans l’appel qui dit « non, ce n’est pas juste ». Il y a la souffrance de celui qui s’estime bafoué, humilié, volé, et il y a la souffrance de celui qui participe du malheur et se révolte à ses côté en disant lui aussi « non, ce n’est pas juste ». Du sentiment d’injustice jaillit la nécessité d’une  réparation. Nous demandons à la société de réparer un tort qui a été fait, nous demandons réparation d’une offense, d’un vol et nous réclamons que justice soit faite. Là où un mal a été fait, la réparation est attendue pour que le pardon soit donné. Les femmes qui ont perdu leur mari sous la dictature au Chili sont dans les rues pour défiler et exiger que justice soit faite, que les coupables des atrocités soient punis. Ceux qui ont tout perdu pendant la dernière guerre et ont été envoyé dans les camps de concentration, ont demandé que les criminels soient punis et que leurs biens soient rendus. Ce n’est que justice devant l’Histoire.

Nous avons un sens inné de la justice. Pourtant, ce qui est vrai, c’est que trop souvent il n’a une forme que négative, à savoir, nous sommes toujours prêt à réclamer contre l’injustice, il est plus difficile de manière positive de vouloir la justice. Nous avons plus de mal à préciser le pour qui caractériserait ce qui est juste. Il est dans la nature de la révolte de s’opposer à ce qui est injuste. La révolte sait ce qu’elle ne veut pas, ce qu’elle refuse, elle ne sait pas ce vers quoi elle tend. Elle cherche confusément un idéal en posant surtout un « non » massif à l’injustice.

Or le fait même de se poser contre peut aussi équivaloir à la seule sauvegarde d’un intérêt particulier. On appellera « injuste » toute décision qui gène nos intérêts propres et « juste » une décision qui va dans le sens de nos intérêt particulier. L’interdiction de la chasse en période de reproduction posée par les directives européenne a sa logique correspondant à un intérêt général. Le chasseur qui, par tradition, n’a pas eu affaire à cette limite peut parler de décision injuste en invoquant ses propres intérêts pour les défendre. L’écologiste dira qu’il est tout à fait injuste de laisser les chasseurs massacrer des animaux à ce moment là, et il pourra aussi dire que c’est injuste au sens où c’est aussi en contradiction avec le droit européen.

Pour que le sens de la justice ne soit pas confondu avec un calcul d’intérêt, il faut que sa motivation morale présente dans le souci de justice soit authentique. Mais comment peut on en être sûr ? (texte)

B. Justice objective et répartition

Le problème, c’est que depuis l’antiquité, en réalité, la justice a été dans les institutions définie à partir d’un autre modèle que celui de la revendication morale. Il faut bien distinguer la justice subjective comme revendication et la justice objective telle qu’elle fonctionne dans le droit. Ce modèle est clairement précisé par Aristote.

« La justice est une disposition d’après laquelle l’homme juste se définit celui qui est apte à accomplir, par choix délibéré, ce qui est juste, celui dans une répartition à effectuer soit entre lui-même et un autre, soit entre deux autres personnes, n’est pas homme à s’attribuer à lui-même, dans le bien désiré, une part trop forte et à son voisin une part trop faible… mais donne à chacun la part proportionnellement égale qui lui revient ». L’idée importante, c’est ici celle de l’évaluation d’une proportion exacte dans un échange. Le premier sens du juste est objectif et se situe dans les choses. Aussi l’injuste sera-t-il soit dans l’excès (donner trop) ou dans le défaut (donner pas assez). Si dans une location de vacances on m’impose un loyer exorbitant pour une habitation délabrée et insalubre, je suis en droit de considérer que c’est injuste et de convoquer un homme de loi, pour faire un état des lieux. Si j’emploie une personne pour faire mon jardin et que je ne lui paye que la moitié des heures que je lui dois, il peut se plaindre et y voir une injustice par défaut. Cette même idée d’excès et de défaut peut aussi par extension s’appliquer au domaine pénal. Si on peut estimer qu’un marchand est lésé par le voleur qui prend à l’étalage, ce n’est pas pour autant que nous accepterons qu’on lui coupe une main pour son crime. Ce serait injuste.

Être juste, dans la pratique du droit, c’est attribuer à chacun ce qui lui revient, sans excès ni défaut. Une histoire indienne raconte que deux hommes se disputait la possession d’un tableau, chacun d’eux en revendiquant la propriété. Ils furent amené devant le roi à qui on demanda de trancher le différent. Le roi écouta la défense du premier, A, disant que ce tableau lui appartenait auparavant mais qu’on lui avait volé. Le second B, dit qu’il l’avait acheté très cher au marché et qu’il en était propriétaire, arguant que son adversaire ne pouvait pas prouver qu’il avait été en sa possession auparavant. Le roi demanda alors que l’on apporte une scie pour découper le tableau. Devant eux le roi fit le geste de se mettre à découper le tableau en deux. B ne réagit pas, il ne voulait pas céder et préférait voir détruire le tableau. A réagit en disant, « non, ne le détruisez pas, ce serait dramatique, c’est une très belle œuvre, je préfère qu’elle soit entre les mains de cet homme ». Le roi dit alors à B qu’il n’avait pas fait preuve d’un sens de la conciliation morale, mais c’était borné à défendre son intérêt. Il dit à A, « puisque tu étais prêt à te séparer du tableau pour le préserver, tu es celui qui mérite de le garder », et il lui donna. C’était là une manière de régler justement la répartition en attribuant à chacun ce qu’il méritait.

Cet exemple nous place devant une situation où le juste n’est pas posé par une égalité stricte, mais dans une rétribution supposant une différence, ou une hiérarchie et pas nécessairement une égalité absolue. Or c’est à ce sens de la justice que les grecs étaient attachés. Aristote, en définissant la justice particulièrejustice distributive, la justice au sens de la répartition des honneurs, des richesses et autres avantages au sein de la communauté politique, « car dans ses avantages il est possibles que l’un des membres ait une part égale ou inégale à celle d’un autre ». Par justice corrective, Aristote entend celle qui gère les transactions privées et leur rectitude. Il subdivise celle-ci en transactions volontaires et involontaires. « Sont volontaires les actes tels qu’une vente, un achat, un prêt de consommation, une caution, un prêt à usage, un dépôt, une location ». L’origine de la transaction est en effet une décision volontaire entre deux partis. Enfin, il est possible de distinguer entre actes involontaires clandestins et actes involontaires violents. « les actes involontaires sont à leur tour, les clandestins, tels que vol, adultère, empoisonnement, prostitution, corruption d’esclave, assassinat par ruse, faux témoignage ; les autres sont violents, tels que voies de fait, séquestration, meurtre, vol à main armée, mutilation, diffamation, outrage ». et ses subdivisions maintient cette idée. Il appelle

Dans un cas comme dans l’autre la décision de justice doit rendre une proportion qui se situe dans la relation entre les hommes. Elle se place dans les choses, dans des faits. Ce n’est pas d’abord une question de sens moral de la justice comme revendication. La justice doit gérer la relation d’échange des hommes avec les moyens du droit, elle doit peser (d’où le symbole de la balance) équilibrer la répartition. En ce sens, ce que nous appelons aujourd’hui droits de l’homme relève de la justice subjective et non de la justice objective, telle que l’humanité l’a toujours pratiqué dans les échanges. Il y a donc deux différences entre cette conception du juste et la conception précédente : le juste ici est objectivé dans une répartition dans les choses. De plus, l’égalité qu’il suppose peut-être absolue ou proportionnelle.

C. La justice et l’équité

Mais cela ne veut pas dire que les deux sens de la justice subjective et objective s’excluent d’un point de vue de la pratique de la justice. On ne peut pas dire que l’application stricte de la loi se suffise à elle-même. Ce qui est conforme à la loi se situe dans la légalité, mais rendre justice, c’est mettre en rapport le caractère très général de la loi avec la particularité de chaque cas.

Si un voleur est pris en flagrant délit dans un magasin, il est passible d’une peine devant un tribunal. La loi, dans le code, indique une sanction. Cependant, c’est au juge de considérer le cas particulier. S’il a devant lui une femme dans la misère la plus totale, réduite à aller voler à l’étalage pour nourrir ses enfants, il ne peut pas ne pas tenir compte de ces circonstances atténuantes. C’est un juge français, le président Magnaud qui s’est rendu célèbre, pour avoir refuser en 1998 de condamner pour vol une mère de famille qui, dans la misère et allaitant son enfant, avait dérobé un pain.Le vol reste le vol. Cependant, l’administration de la justice doit rester humaine. L’équité doit contrebalancer la seule légalité. Par la vertu de l’équité, le juge tranche en adaptant la loi au cas particulier, peut-être pour sanctionner de manière plus faible ce genre de délit, ce qui ne sera pas le cas du voleur à la tire. Un jugement de justice, pour être équitable, ne doit pas être mécanique. Il faut une modération morale de l’application mécanique de la loi. Si ce n’était pas le cas, un ordinateur suffirait à remplacer un juge, on taperait le délit et la machine afficherait la peine ! Or l’équité, qu’est donc si ce n’est l’exercice d’une sens moral, ici devant une souffrance humaine ? Ce que nous disait plus haut le texte de J. J. Rousseau.

Il y a déjà de toute manière possibilité d’une imperfection technique : quand la loi est claire, dit un juriste, J. E. Pontalis, “il faut la suivre; quand elle st obscure, il faut en approfondir les dispositions. Si l’on manque de lois, il faut consulter l’usage ou l’équité. L’équité est le retour à la loi naturelle dans le silence, l’opposition ou l’obscurité des lois positives”. Il s’agit donc de compléter le droit, de parer à ses lacunes; mais même l’expression de compléter ne suffit pas. puisqu’il s’agit dans la réalité la plus concrète de mettre en accord les exigences de la conscience morale et les exigences présentes dans le droit. C’est le principe de l’équité qui fait que le juge doit interpréter les textes. Au XVIIIème siècle le vol d’objet de valeur de 40 £ était encore puni de mort, et on estimait alors à 39 £ la valeur des objets volés pour éviter au malfaiteur la peine de mort. Mais que faire quand subsiste dans les textes des lois aussi sévère? Il incombe au juge, quand la règle de droit n’évolue pas, de la contourner suivant le principe de l’équité. Il s’agit donc surtout d’humaniser le droit. L’équité est, suivant un principe d’Aristote, la justice tempérée par l’amour, elle a pitié du faible, de la veuve et du pauvre, elle accorde au débiteur de bonne foi des délais. On représente parfois la justice avec un bandeau sur les yeux, ce qui sous-entend qu’elle ne doit pas voir les justiciables, mais une telle conception de la justice la rend mécanique, aussi mécanique que le symbole de la balance qu’elle tient en main. L’équité au contraire enlève le bandeau, elle regarde les personnes auxquelles s’adresse les règles du droit. Surtout, elle doit évaluer les conséquences qui résulteraient d’une application trop stricte de la loi. L’équité manifeste bienveillance et indulgence à l’égard de qui les mérite ou à l’égard de celui qui en a besoin. Pourquoi convoquerait-on un jury en assise, si la justice devait être l’application stricte de la loi ? Quel est le rôle d’un jury ? Donner la voix de la conscience morale des citoyens dans les décisions de justice.

Donc, parce qu’elle complète et corrige le droit, la pratique équitable d’aujourd’hui est souvent à l’origine de la règle juridique de demain Par exemple, si dans tous les pays du monde, le piéton victime d’une voiture bénéficie d’e la plus grande bienveillance du juge, en France, la loi en fait finalement une victime privilégiée (loi du 5 juillet 1985, art 3.). Nous ne pouvons pas désapprouver l’équité, elle fait appel aux sentiment les plus nobles de l’homme, cependant, il ne faut pas pour autant lui reconnaître une préséance sur la règle de droit. Le faire reviendrait à détruire la signification du droit lui-même. En abuser reviendrait à introduire de l’arbitraire dans le droit, ce serait abandonner les citoyens à l’arbitraire du pouvoir de juges plus ou moins inspirés. Le droit demeure la règle de référence, tandis que l’équité est la vertu qui l’humanise.

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En résumé, la justice est donc une vertu morale, mais sa signification prend un sens différent suivant que l’on considère la règle qu’elle tend à respecter, règle de l’égalité stricte, ou règle de l’égalité proportionnelle. Or, pour le sens commun, le sens des mot “juste” et “injuste” est très différent. Le plus souvent, quand nous exprimons un sentiment d’injustice, c’est en référence avec le sentiment moral. Ce qui n’est pas simple du tout, car le problème demeure de savoir quelles sont les revendications qui sont sous-jacentes au sentiment d’injustice.

Le juste peut-être apprécié dans sa conformité avec la loi. Mais la conformité stricte ne suffit pas. L’équité est l’équilibre donnée à l’application mécanique stricte de la justice. On ne peut pas dire que la justice soit simplement un jugement qui compare des faits avec la loi dans une évaluation dans lequel n’entrerait pas en compte la bienveillance de celui qui juge. La justice n’est pas non plus le seul fait d’accorder sans discrimination aux hommes tout ce qu’ils demandent.

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dialogue : questions et réponses

© Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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C’est sous la Révolution que le législateur décide de faire appel à l’intime conviction du juge.

Auparavant, la justice est rendue au nom du Roi. Quand le peuple devient souverain, elle est désormais rendue “au nom du Peuple français”.

Celui-ci reçoit la mission d’intervenir directement, sous forme de jury dans les cas les plus graves, c’est à dire pour juger les crimes. Et, pour définir cette mission, la loi fait appel à sa raison et à sa conscience: c’est l’époque du culte de la Raison. D’où l’avertissement suivant aux jurés qui a longtemps figuré à l’article 342 de notre ancien code d’instruction criminelle:

“La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus; elle ne leur prescrit point de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement, et de chercher dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur dit point: “Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins”; elle ne leur dit pas non plus: “Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices”; elle ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leurs devoirs: “Avez-vous une intime conviction ?”

L’intime conviction se retrouve dans le serment prêté par les jurés. Sa formule, en 1954, est celle du code d’instruction criminelle, que l’actuel code de procédure pénale maintient, sauf sous son aspect religieux. Pour le recevoir, le Président de la Cour d’Assises s’adresse à eux dans ces termes:

“Vous jurez et promettez devant Dieu et devant les hommes d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre N…; de ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre; de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions”

On voit que la loi n’impose aucun mode de preuve particulier. Ce qu’elle demande aux jurés, et il en est de même pour les juges, c’est d’examiner les éléments à charge et à décharge selon leur raison et leur conscience et de se former ainsi une intime conviction.

Jean Giono l’a bien compris lorsqu’il a écrit la phrase souvent citée et parfois déformée “Je ne dis pas que Gaston Dominici n’est pas coupable. Je dis seulement qu’on ne m’a pas prouvé qu’il l’était”. Car il continue: “Le président, l’assesseur, les juges, l’avocat général, le procureur … ont la conviction intime que l’accusé est coupable. Je dis que cette conviction ne m’a pas convaincu”.

Dans ce système, la preuve est libre, à condition toutefois qu’elle soit loyalement administrée. Elle peut être matérielle ou psychologique, directe ou indirecte. Il en résulte, et cela peut choquer certains, que le même élément de preuve peut être interprété à charge ou à décharge selon la conscience de chacun. C’est ainsi que Giono se forge, sur les mêmes preuves qu’eux, une conviction opposée à celle de magistrats dont il ne suspecte ni l’honnêteté, ni la droiture.

Souvent ce sont les variations, incohérences, dénégations, refus de la réalité qui caractérisent nombre d’affaires judiciaires.
Matériellement et au premier degré, cette attitude peut faire naître le doute sur les charges retenues contre l’accusé ou le prévenu: c’est ainsi que l’interprètent les partisans de l’innocence et ils en tirent des moyens de défense. Mais, psychologiquement et au second degré, elle peut aussi entraîner la conviction que le comportement, apparemment irrationnel, est voulu et organisé afin de semer le doute sur l’action criminelle.

C’est chacun personnellement qui se forge une réaction, une opinion. Les Citations de codes permettent d’apprécier les principes qui gouvernent la justice criminelle. Seront-ils remis en question à l’occasion d’une prochaine la réforme ? En arrivera t-on à apprécier les charges et les moyens de défense, autant de bases pour se fonder une intime



Article 304

(Loi nº 72-1226 du 29 décembre 1972 art. 5 Journal Officiel du 30 décembre 1972 en vigueur le 1er janvier 1973)

(Loi nº 2000-516 du 15 juin 2000 art. 40 Journal Officiel du 16 juin 2000 en vigueur le 1er janvier 2001)

Le président adresse aux jurés, debout et découverts, le discours suivant : “Vous jurez et promettez d’examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre X   , de ne trahir ni les intérêts de l’accusé, ni ceux de la société qui l’accuse, ni ceux de la victime ; de ne communiquer avec personne jusqu’après votre déclaration ; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection ; de vous rappeler que l’accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense, suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de vos fonctions”. Chacun des jurés, appelé individuellement par le président, répond en levant la main : “Je le jure”.

Article 353

Avant que la cour d’assises se retire, le président donne lecture de l’instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations. “La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ?

Article 427
(Loi nº 93-2 du 4 janvier 1993 art. 93 Journal Officiel du 5 janvier 1993 en vigueur le 1er octobre 1994)
(Loi nº 93-1013 du 24 août 1993 art. 28 Journal Officiel du 25 août 1993 en vigueur le 2 septembre 1993)

Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction.
Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui.

Droit au juge

Vous vous estimez lésé dans la jouissance ou l’exercice d’un droit ? On vous reproche d’avoir commis une infraction ?

Vous avez droit au juge, principe fondamental depuis 1789, dans l’ordre public international depuis 1999, Comprend le droit d’accès à un tribunal, pas entravé par des procédures qui en affecteraient l’exercice, ou par des considérations financières.

En matière civile : délais pour agir (prescription, forclusion, retrait du rôle, amendes civiles, abus de procédure, restrictions à l’aide juridictionnelle, plafond de ressources.

En matière pénale : limitations implicites (classement, non-lieu), modes parajudiciaires de règlement (médiation, transaction, etc.), si la renonciation de l’intéressé à un tribunal est dénuée de contrainte. La Cour européenne veille à ce que « limitation » ne signifie pas « suppression » du droit d’accès au juge, y compris dans l’exercice des voies de recours.


Convention européenne des droits de l’homme

Signée en 1950 dans le cadre du Conseil de l’Europe (crée la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg). La France l’a ratifiée en 1974. Les plaignants ont eu le droit de saisir la Cour de Strasbourg à partir de 1981, sous condition d’avoir utilisé toutes autres voies de recours (appel, cassation). La Cour apprécie la conformité des lois avec la Convention : elle a rejeté 90 % des requêtes. Selon l’article 6 : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ». La Cour a condamné la France plus de 100 fois pour : lenteur de la justice (au-delà « du délai raisonnable ») ; certains aspects de sa procédure pénale que le Parlement a dû modifier (abolition de l’obligation de se constituer prisonnier avant examen d’un pourvoi en cassation contre un arrêt de cour d’assises ; assouplissement du procès par contumace et modernisation procédure disciplinaire devant les ordres professionnels) ; « discrimination » en matière d’héritage à l’encontre des enfants adultérins (le Parlement a modifié la loi en 2002 pour se conformer à la jurisprudence), mais la Cour a refusé (en 2002) de reconnaître le droit à l’adoption pour les homosexuels ; non-respect de la liberté d’expression (mais la Cour a admis la violation du secret de l’instruction au nom de la liberté d’informer). [En 1998, la Cour a condamné la France pour non-respect de la liberté d’expression de l’Association de défense de la mémoire du maréchal Pétain, qui avait été poursuivie pour apologie du régime de Vichy.] La Cour admet (méthode anglo-saxonne) que lors des délibérations sur un arrêt, les juges mis en minorité rédigent une « opinion dissidente » figurant en annexe du jugement qu’ils contestent (or les magistrats français prêtent serment de « respecter religieusement le secret des délibérations » lors de leur entrée en fonctions).

Magistrats du parquet

(magistrature dite debout car ils requièrent debout) : représentants des intérêts de la société, ils sont amovibles et sous l’autorité du procureur général et du garde des Sceaux. Magistrats du siège (magistrature dite assise car ils rendent leurs jugements assis) : indépendants. Indépendance garantie par le principe de leur inamovibilité, leur recrutement par concours, la publicité de leurs nominations, et l’institution du Conseil supérieur de la magistrature, indépendant de discipline et de nomination. Juges administratifs : membres du Conseil d’État. Indépendance reconnue et étendue par le Conseil constitutionnel à l’ensemble de la juridiction administrative (loi du 6-1-1986). Relèvent du statut général de la Fonction publique, mais ne peuvent être révoqués que par décret.


Impartialité du tribunal

Principales garanties : protection contre menaces et attaques, secret du délibéré. En cas de doute sur l’impartialité d’un juge, le justiciable peut, dans certaines circonstances, le récuser (ex. les jurés de cour d’assises peuvent être récusés par le ministère public ou par l’avocat de la défense). Le justiciable ne peut pas être distrait de son juge naturel. L’arrêt Canal du Conseil d’État du 19-10-1962 a condamné la Cour militaire de justice en raison de la procédure suivie qui excluait toute voie de recours. A la suite de cet arrêt fut créée le 15-1-1963 la Cour de sûreté de l’État, juridiction d’exception permanente, compétente pour juger les crimes et délits contre la sûreté de l’État. Elle fut supprimée par la loi du 4-8-1981.


Respect des droits de la défense

Toute personne poursuivie ou détenue peut se faire assister par un avocat dans les meilleurs délais, et avoir accès tout au long de l’instruction de son affaire à tous les éléments détenus par le juge d’instruction.


Publicité des audiences

Lois des 16/24-8-1790 : règlent la publicité des plaidoyers, rapports et jugements au civil et au pénal. Constitution du 5 fructidor an III, article 208 : les séances des tribunaux sont publiques, les juges délibèrent en secret, les jugements sont prononcés à haute voix. Loi du 20-4-1810, article 7 : les arrêts qui n’ont pas été rendus publiquement sont déclarés nuls. Constitution du 4-11-1848, article 81 : la justice est rendue gratuitement au nom du peuple français. Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs. Code de procédure pénale, article 306 relatif à la cour d’assises : « Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs. Dans ce cas, la cour le déclare par un arrêt rendu en audience publique. (…) Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d’agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l’une des victimes parties civiles ne s’y oppose pas. (…) L’arrêt sur le fond doit toujours être prononcé en audience publique. » L’article 400
reprend l’essentiel de ces dispositions pour les tribunaux correctionnels.


Légalité des peines

Selon la Déclaration des droits de l’homme, « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi » (art. 7). Toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l’arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l’accusation portée contre lui (arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 1-2-1990). Les juridictions d’instruction et de jugement doivent donc, dans chaque affaire, qualifier les faits dans le cadre d’un texte de loi applicable. A défaut, il ne peut y avoir ni poursuite pénale (non-lieu), ni condamnation (relaxe). Il n’appartient pas aux tribunaux répressifs de prononcer par induction, présomption, analogie ou pour des motifs d’intérêt général ; une peine ne peut être appliquée que si elle est édictée par la loi (arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 1-6-1992). L’application à des faits non prévus par un texte – d’une norme pénale régissant un cas semblable – doit rester exceptionnelle. Limite : détermination des contraventions par la voie réglementaire. La loi du 19-7-1993 a, dans son article 1er, supprimé des peines prévues par l’article 464 du Code pénal Napoléon l’emprisonnement en matière contraventionnelle.

Deux ordres de Juridiction

La séparation des pouvoirs, introduite lors de la Révolution, interdit aux magistrats des cours et tribunaux de connaître des actes de l’administration. Il existe 2 ordres de juridictions autonomes.

1) LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES appliquent le droit en 2 domaines : civil et pénal, dont chacun possède une législation propre (voir Codes, p. 1222 b), une compétence différente et une procédure particulière. Les juridictions civiles font appliquer le droit privé, qui règle les rapports des particuliers entre eux (ou des particuliers avec l’État considéré comme une personne privée). Les juridictions pénales font appliquer les lois et textes répressifs édictés par l’État. Il est parfois difficile de déterminer de quel domaine, civil ou pénal, relève une cause. Nombre (y compris DOM-TOM et collectivités territoriales) : Cour de cassation 1 ; cours d’appel 35 ; tribunaux supérieurs d’appel 2 ; de grande instance 181 (37 à compétence commerciale) ; de première instance 5 (3 à compétence commerciale) ; pour enfants 154 ; des affaires de Sécurité sociale 116 ; d’instance et de police 476 ; du travail 6 ; de commerce 185 (36 supprimés en 1999) ; conseils de prud’hommes 271.

2) LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES sont chargées de trancher les litiges nés à l’occasion du fonctionnement des services publics, ainsi que la plupart des litiges opposant les citoyens à l’administration. Nombre : Conseil d’État 1, cours administratives d’appel 8, tribunaux administratifs 36.


Juridictions interrégionales spécialisées (Jirs)

Créées par la loi Perben II 9-3-2004, 8 pôles (Bordeaux, Fort-de-France, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris et Rennes). Composition : 9 magistrats spécialisés (sauf Paris 18) aidés de fonctionnaires, greffiers et assistants spécialisés. Compétences : ressort de plusieurs cours d’appel et se verront confier des enquêtes sur les meurtres, enlèvements, tortures, traites des êtres humains, proxénétisme, trafics de stupéfiants, vols ou extorsions de fonds, blanchiment commis en bande organisée.

On l’a dit « lente », « chère », « incompréhensible », trop « éloignée » des gens. Pourtant la Justice s’efforce chaque jour de répondre aux attentes des citoyens.

En chiffres :

  • 50% des affaires traitées par les tribunaux d’instance en moins de 3 mois ½.
  • 50% des affaires traitées par les tribunaux de grande instance en moins de 6 mois.
  • 800 000 bénéficiaires de l’aide juridictionnelle en 2004.
  • 115 maisons de Justice et du droit dans 53 départements.
  • 473 tribunaux d’instance.
  • 473 juridictions de proximité.
  • 168 associations d’aide aux victimes.

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