la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, à la sortie du Conseil des ministres à Paris, le 10 février 2010

De Sophie MAKRIS (AFP) –

PARIS — A court de financement, le système d’aide juridictionnelle attend toujours une réforme réclamée depuis longtemps par les avocats, d’autant plus cruciale aujourd’hui que la modification du code de procédure pénale prévoit d’augmenter les droits de la défense.

La Chancellerie assure que Michèle Alliot-Marie planche sur le sujet, consciente de la “nécessité” de trouver d’autres ressources à ce dispositif versé par l’Etat aux avocats pour assurer la défense des personnes à revenus modestes.

Elle a entre les mains un rapport rédigé par un conseiller d’Etat, Philippe Belaval, et un membre de la Cour des compte, Jean-Loup Arnaud, qu’elle avait chargés à l’automne de lui faire des propositions.

Un discours entendu maintes fois par les avocats qui montent régulièrement au créneau pour demander une augmentation du budget de l’aide juridictionnelle. En 2002, puis en 2006, ils étaient descendus dans la rue, obtenant quelques avancées mais aucune remise à plat du dispositif.

En 2007, un rapport sénatorial jugeait qu’avec un nombre de bénéficiaires passé de 340.000 en 1992 à plus de 900.000, le système était “au bord de l’implosion et ne pouvait “plus fonctionner tel qu’il est”.

La prochaine réforme du code de procédure pénale risque d’aggraver le déséquilibre: “le gouvernement affiche l’ambition d’augmenter les droits de la défense, il faut absolument que les moyens suivent”, prévient Thierry Wickers, président du Conseil national des Barreaux, qui représente les 50.000 avocats français.

Dans le système actuel, l’avocat acquiert un rôle véritablement actif lorsqu’un dossier est confié à un juge d’instruction, “soit 4% des cas”, rappelle M. Wickers.

Le rapport Léger, qui sert de base à l’élaboration du nouveau texte, propose de supprimer le juge d’instruction et de confier la direction de l’enquête au parquet avec le souci “d’introduire dès que possible le contradictoire dans l’enquête”, c’est-à-dire d’ouvrir la procédure au mis en cause et à son avocat.

M. Wickers estime que le nombre des enquêtes dans lesquelles ce dernier devra intervenir sera multiplié par quatre ou cinq.

Sans hausse de l’aide juridictionnelle, “vous aurez face à face l’égalité du pot de fer contre le pot de terre”, prévenait lors d’un récent colloque sur la réforme de la procédure pénale l’avocat Robert Badinter. A l’instar de ses confrères, il craint l’instauration d’une “justice à deux vitesses” entre citoyens plus ou moins argentés

Parallèlement, les avocats ont entamé une campagne pour obtenir d’assister leurs clients durant toute la durée de la garde à vue, ce qui n’est pas possible actuellement. L’objectif a des allures de gageure si l’aide juridictionnelle n’est pas augmentée, reconnaissent-ils.

En 2008, le budget du ministère de la Justice alloué à l’aide juridictionnelle avoisinait les 300 millions d’euros. “Je pense qu’il faut garder à l’esprit le fait que la plupart des pays (y) consacrent le double – voire plus – de notre enveloppe, c’est-à-dire au moins 600 millions”, reconnaissait ce week-end dans une interview au Journal du Dimanche le secrétaire d’Etat à la Justice, Jean Marie Bockel.

Dernier idée en date pour augmenter les ressources: recourir à la manne des contrats de “protection juridique” signés par les particuliers lorsqu’ils souscrivent, par exemple, une assurance automobile ou habitation, soit 700 millions d’euros collectés en 2008 par les assureurs privés.

Sur cette piste, soutenue par les avocats et suggérée par les auteurs du dernier rapport remis à la Chancellerie, la ministre de la Justice se donne “quelques semaines de réflexion”.

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