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Amiens Envoyée spéciale

‘est fini ?”, a demandé Jacqueline Carrère-Ponthieux, incrédule à l’annonce de son acquittement par la cour d’assises d’appel de la Somme, vendredi 26 mars, après seulement cinquante-cinq minutes de délibéré. Suspendu depuis le 22 septembre 1997 – nuit du meurtre de son époux -, le temps s’est accéléré lorsque l’accusée, âgée de 60 ans et poursuivie pour complicité d’assassinat, a entrevu l’issue de douze ans et demi de procédure – dont deux et demi passés en détention provisoire – jalonnés de quatre comparutions aux assises.

Le jury a suivi les réquisitions de l’avocat général, Jean-Philippe Rivaud, auquel incombait la tâche d’en terminer avec une affaire dans laquelle la police comme la justice ont manqué de rigueur. “Je ne sais pas de quoi Mme Carrère-Ponthieux est coupable, l’honneur de la justice et l’honnêteté me commandent de l’admettre, a confessé M. Rivaud. Je viens requérir l’acquittement.”

Une scène de crime polluée par les enquêteurs, la piste d’un rôdeur négligée, pas de reconstitution ni de confrontations, puis l’intervention d’une vingtaine d’experts dont les contradictions ont conduit à deux renvois de procès et une condamnation en 2005 à quinze ans de réclusion criminelle dont Mme Carrère-Ponthieux a fait appel… L’enquête mal ficelée n’a jamais établi sa culpabilité dans le meurtre de Gérard Ponthieux, ni éclairci le mystère.

Le gérant du bar-tabac-PMU Le Sulky à Nogent-sur-Oise (Oise) avait 49 ans lorsqu’il a succombé, en 1997, à douze coups portés à l’aide d’une sorte de tournevis resté introuvable. Selon Jacqueline Carrère-Ponthieux, un intrus les a réveillés, elle et son mari, exigeant la recette du jour. Elle la lui aurait remise avant d’aller chercher celle du PMU au rez-de-chaussée sur son ordre. A son retour, assure-t-elle, l’homme s’enfuyait tandis que son mari, en sang, rendait l’âme.

“COUPABLE PARCE QUE CAPABLE”

Seul témoin, Mme Carrère-Ponthieux a été incarcérée fin novembre 1997 à la faveur d’une expertise toxicologique qui s’est révélée erronée, comme d’autres ensuite (Le Monde du 26 mars). “Mme Carrère-Ponthieux n’a été mise en cause que par l’effet d’un raisonnement”, a reconnu l’avocat général. “Vous l’avez déclarée coupable parce que capable”, a objecté Me Hubert Delarue, un de ses trois défenseurs.

L’enquête de personnalité accablait en effet sa cliente. Orpheline, élevée par un beau-père qui, dit-elle, abusait d’elle, Jacqueline Carrère-Ponthieux a abandonné ses deux fillettes issues d’un mariage précoce, après avoir escroqué ses beaux-parents. Elle a encore abandonné un garçon de 4 mois né d’une liaison, avant de se remarier et d’accoucher de Julien, 25 ans aujourd’hui. En 1991, elle a épousé Gérard – son amant depuis 1986 – non sans l’avoir quitté à deux reprises en volant ses économies.

Mme Carrère-Ponthieux est désormais libre. Les frères et le fils de Gérard Ponthieux ont, en revanche, perdu l’espoir de voir démasquer son meurtrier.

Patricia Jolly
Article paru dans l’édition du 28.03.10
27.03.10 | 13h34  •  Mis à jour le 27.03.10 | 13h34
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