Archive pour le mois : 11/2017
Au théâtre Hébertot, jusqu’au 7 janvier 2018, Charles Tordjman signe une remarquable mise en scène d’une grande finesse de la célébrissime pièce de Reginald Rose, à partir d’une nouvelle adaptation de Francis Lombrail. Grâce à l’excellent jeu des douze acteurs, la tension qui caractérise ce texte est particulièrement palpable.

La pièce de Reginald Rose, 12 hommes en colère(Twelve angry men, 1953) a connu une postérité exceptionnelle. Cette heureuse fortune s’est par la suite trouvée entretenue par le film magistral qu’en avait tiré Sydney Lumet et dont la prestation inoubliable d’Henri Fonda a marqué des générations de juristes. Rose, puis Lumet, ont su, chacun dans l’art qu’ils maîtrisaient à merveille, c’est-à-dire théâtre et cinéma, restituer cette absolue nécessité du doute qui se révèle au cours du délibéré le plus fameux de l’histoire du cinéma. Il n’est plus tellement nécessaire de relater l’intrigue de 12 hommes en colère ; elle est si connue. On s’attend à un verdict expéditif. Il n’en sera rien. L’un des douze jurés veut discuter. Il ne souhaite pas que le sort du jeune accusé, qui encourt la peine de mort, soit réglé aussi vite, sans discussion. Progressivement, il parvient à faire douter les autres jurés. Il déconstruit l’accusation ; les certitudes vacillent.
La pièce est un classique, c’est certain. Mais il y a assurément quelque chose de neuf dans l’excellente mise en scène que propose Charles Tordjman. Tout d’abord, l’adaptation du texte de Rose est nouvelle et est proposée par Francis Lombrail qui poursuit le travail qu’il avait déjà initié avec Les Cartes du pouvoir, il y a quelques années. Et force est de constater qu’il permet au théâtre américain de fort bien s’acclimater à la scène française. En effet, l’adaptation fonctionne. C’est nerveux, rapide et efficace. La tension dans ce « thriller du détail », comme le dit joliment le programme, ne faiblit jamais. Les renoncements progressifs s’expriment les uns après les autres, juré après juré, jusqu’à l’apothéose finale, la chute de J3, qui lui aussi finit par révéler sa part d’humanité.
La mise en scène de Charles Tordjman est excellente, notamment parce qu’elle s’appuie sur une réelle sobriété sans pour autant s’y réfugier. Écrivons-le autrement : c’est parfois facile d’être sobre. Cela permet d’économiser les idées. Et c’est finalement devenu un travers de certaines mises en scène contemporaines donnant l’impression que la sobriété annihile l’imagination. Or on est bien loin de tout cela ici et, au contraire, la mise en scène révèle un parti pris très intéressant et réussi. La scène est ouverte et n’est pas brisée par la césure qu’aurait pu représenter une table. Les jurés sont assis sur une sorte de banc en forme de L, face à la salle, donnant un air de Cène, voire d’un tribunal athénien de type aréopage (c’est encore plus frappant lorsqu’ils procèdent aux différents votes). C’est intelligent, cela donne au public l’impression plus tangible d’être dans la salle du délibéré. Mieux, cela permet aux douze acteurs d’investir la totalité de la scène en occupant tout l’espace, accentuant cette impression d’y être. L’ensemble est en perpétuel mouvement, les acteurs évoluent en parfaite coordination, et Charles Tordjman a su donner à la pièce cette tonicité dramatique que l’on retrouve si bien dans le film de Sydney Lumet. La chaleur étouffante qu’avait imaginée Reginald Rose se ressent très bien ici, tout comme la tension entre J8 et les autres.
Les acteurs sont exceptionnels, chacun à leur manière. La prestation de Francis Lombrail est impressionnante, rappelant qu’il est un grand acteur, ce dont on avait notamment déjà pu se convaincre en 2014 dans Les Cartes du pouvoir, sous la direction de Ladislas Chollat. Mais tous doivent être cités : Jeoffrey Bourdenet, Antoine Courtray, Philippe Crubezy, Olivier Cruveiller, Adel Djemaï, Christian Drillaud, Claude Guedj, Roch Leibovici, Pierre-Alan Leleu, Pascal Ternisien, Bruno Wolkowitch. En effet, en vérité, les douze parviennent à se singulariser par un jeu très juste et parfois très drôle, tout en veillant à ne pas empiéter sur le rôle du juré voisin. Les interactions sont très bien maîtrisées.
C’est une pièce importante que 12 hommes en colère. Elle effleure de grands sujets, elle touche à l’homme, à la justice et à la faillibilité de l’être. Le délibéré du jury est un concentré, en vase clos, des passions humaines les plus diverses. C’est un lieu d’affrontement, de discussions, mais c’est aussi là que le doute prend corps, ce doute salutaire qui définit l’humanité. Avec de tels objectifs, la pièce de Rose n’est pas sans ambition. La version qu’en propose actuellement le théâtre Hébertot est à la hauteur du défi. Il est certain que 12 hommes en colère n’a pas fini d’être adapté et c’est tant mieux. Cette mise en scène fait partie de celles qu’il faut garder à l’esprit.
12 hommes en colère, théâtre Hébertot, jusqu’au 7 janvier 2018, 19 h
Pages
Catégories
- 104 Cours d'assises
- Acteurs
- Ancienne version large
- Assises spéciales
- Braquages
- Chronique
- Correctionnelles
- Cours d'Histoire
- Crimes étrangers
- Culture Criminelle
- Focus médiatique
- Les Cours du Jour
- Les règles du jeu
- Messieurs Les Jurés
- Meurtres
- Non classé
- Présomption d'innocence
- prison
- Procédure
- procès attendus
- Sang
- Sexe
- Tentatives
- Terrorisme
- Tour de France
- VIDEOS JUDICIAIRES
- viols
Archive
- mars 2023
- février 2023
- janvier 2023
- octobre 2022
- juin 2022
- mai 2022
- mars 2022
- décembre 2021
- octobre 2021
- septembre 2021
- août 2021
- juillet 2021
- juin 2021
- mai 2021
- avril 2021
- mars 2021
- février 2021
- décembre 2020
- novembre 2020
- octobre 2020
- juillet 2020
- juin 2020
- mai 2020
- mars 2020
- février 2020
- janvier 2020
- décembre 2019
- juin 2019
- mai 2019
- avril 2019
- mars 2019
- février 2019
- janvier 2019
- décembre 2018
- novembre 2018
- octobre 2018
- septembre 2018
- août 2018
- juillet 2018
- juin 2018
- mai 2018
- avril 2018
- mars 2018
- février 2018
- janvier 2018
- décembre 2017
- novembre 2017
- octobre 2017
- septembre 2017
- juillet 2017
- juin 2017
- mai 2017
- avril 2017
- mars 2017
- février 2017
- janvier 2017
- décembre 2016
- novembre 2016
- mai 2016
- mars 2016
- février 2016
- janvier 2016
- décembre 2015
- novembre 2015
- octobre 2015
- septembre 2015
- août 2015
- juillet 2015
- juin 2015
- mai 2015
- avril 2015
- mars 2015
- février 2015
- janvier 2015
- décembre 2014
- novembre 2014
- octobre 2014
- septembre 2014
- août 2014
- juillet 2014
- juin 2014
- mai 2014
- avril 2014
- mars 2014
- février 2014
- janvier 2014
- décembre 2013
- novembre 2013
- octobre 2013
- septembre 2013
- août 2013
- juillet 2013
- juin 2013
- mai 2013
- avril 2013
- mars 2013
- février 2013
- janvier 2013
- décembre 2012
- novembre 2012
- octobre 2012
- septembre 2012
- août 2012
- juillet 2012
- juin 2012
- mai 2012
- avril 2012
- mars 2012
- février 2012
- janvier 2012
- décembre 2011
- novembre 2011
- octobre 2011
- septembre 2011
- août 2011
- juillet 2011
- mai 2011
- avril 2011
- mars 2011
- février 2011
- janvier 2011
- décembre 2010
- novembre 2010
- octobre 2010
- septembre 2010
- août 2010
- juillet 2010
- juin 2010
- mai 2010
- avril 2010
- mars 2010
- février 2010
- janvier 2010
- décembre 2009
- novembre 2009
- octobre 2009
- septembre 2009
- août 2009
- juillet 2009
- juin 2009
- mai 2009
- avril 2009
- mars 2009
- février 2009
- janvier 2009
- décembre 2008
- juin 2008
- mars 2008
- février 2008
- avril 2007
- mars 2006
- janvier 2006
- octobre 2005
- juin 2003
- décembre 1999
- octobre 1997
- décembre 1996
- juin 1975